Sébastien
Cagnoli Né en 1976. Centralien. Ingénieur d’études en Île-de-France. Passionné par les langues humaines, il aime à explorer d’autres cultures, d’autres façons de penser. Son registre est vaste. Surgi de nulle part, Le mur « humide et froid » quasi infranchissable ; à son pied, un personnage sans visage, « seul comme un champignon » ne sachant sur quel pied danser, possédé par le « désir du Jardin », où tout est « vert et bleu et doré » — vu dit-on, de la tour de la ville habitée par « ceux qui ne vivent pas assez haut pour voir par eux-mêmes ». Le désir génère un projet et la quête méthodique de la solution pour surmonter l’obstacle. Récit minutieux, voire maniaque de la tentative d’ascension d’un mur multi-métaphorique (qui respire), par « l’Élu », acteur — témoin — de ses essais calculés dans un « corps à corps » crucifiant, du processus mental qui y préside, dans la tourmente de la mémoire, de son histoire, et de tout un héritage culturel et social intégré et rejeté, pour « avancer » comme pour se libérer... D’emblée, le texte est marqué du sceau de l’ambiguïté. Fiction dans la fiction. Par l’étonnante utilisation des ressources de la langue (propre — figuré — vocabulaire à double sens — mélange des genres, choix des temps privilégiés par les enfants rêvant la réalité etc...), Sébastien Cagnoli évolue volontiers et avec humour en territoires — limites — créant un climat fantastique et poétique, au profil d’une perpétuelle symbolique. Mais son travail d’écriture compense toute déstabilisation par le biais de l’emploi du « tu » qui prend à témoin, entretient la connivence et facilite l’identification avec le personnage — ce à quoi contribue l’incessant questionnement auquel se livre un sujet aussi curieux qu’anxieux. Et le lecteur « embarqué » de suivre au pas de charge, le fil rouge d’une unique phrase, dans la luxuriance sinueuse d’affluents associatifs — phrase, qui ne supportera qu’un seul point, pour rester dans la logique du personnage soumis à l’urgence de l’action, comme au flot ininterrompu de la conscience. Bien que son tempérament et sa situation ne favorisent guère la communication, notre héros éprouve le besoin de contacts avec « les ombres » d’êtres de passage, aperçus « de haut » et considérés comme susceptibles d’entrer dans le projet. Sa lucidité teintée de misanthropie cruelle les crée burlesques : garçon carré trop petit pour faire la « courte-échelle » — jeune fille inquiétante au nez asymétrique, jogger « sans bras » réduit à une poétique « chevelure flottante » dont il fera vite « abstraction ». Par contre, utiles dans le cadre de son parcours initiatique, le propos troublant du « vieillard à lunettes rouges », l’offrande féminine d’un mouchoir blanc tendu à son visage souillé — occasion d’une double et violente confrontation en miroir — et l’apparition d’enfants, prélude au tournant décisif de sa rencontre avec son innocence retrouvée, seule susceptible de déclencher un « lâcher-prise » et de faire basculer notre Pèlerin dans la clarté de l’évidence. C’est les pieds sur la terre qu’avec recul et simplicité il trouvera — qui sait ? — la porte donnant sur le jardin. Jannik Rouger du Teil in L’entêtement des mots, revue Souffles, octobre 2005, 210-211. |