Origine géographique du nom de famille Cagnolo



Gioanni Battista Cagnolo, l’un de mes 256 ancêtres au 8e degré, a quitté le village de Castel Rocchero pour s’installer à Villefranche dans les années 1750.

Je m’interroge ici sur la provenance géographique de cette famille Cagnolo.

Pour commencer, considérons la répartition des localités auxquelles ce nom est associé. Pour cela, on dispose de deux sources : les données d'aujourd'hui (annuaires téléphoniques et autres) et les archives. L'ensemble devrait permettre de faire apparaître des flux migratoires au cours des trois derniers siècles.

Sur la carte ci-dessous, je représente en jaune la répartition actuelle des Cagnolo. En rose, j'ajoute les mentions qui figurent dans des actes administratifs du XVIIIe siècle :


À première vue, on relève plusieurs communautés disjointes.

On remarque avec une certaine surprise qu’il n’y a pas un seul Cagnolo dans une grande ville proche comme Milan. Quant aux autres « Cagnolo » d’Italie, ils résident dans des provinces plus éloignées (le seul de Lombardie se trouve du côté de Bergame), ce qui explique qu’ils n’apparaissent pas sur cette carte.

Par ailleurs, on constate un ensemble relativement nombreux autour de Turin. En effet, cette métropole exerce depuis des siècles un fort pouvoir centripète en tant que capitale de royaume (et, encore aujourd’hui, en tant que capitale de région) : on peut donc mettre de côté cet ensemble comme résultant de l’exode rural. Voici ce qu’il reste alors :


Les communautés de Mondovì et de Savone, elles aussi, semblent être issues de mouvements migratoires : vers l’ouest pour parvenir au haut bassin du Pô, et vers le sud pour atteindre la mer. Les régions intermédiaires sont difficiles d’accès, d’où la discontinuité entre ces trois ensembles.

Mon hypothèse est la suivante : à partir d’un même foyer féodal (situé sans doute dans un village perché, plus ou moins fortifié, difficile d’accès), une ancienne famille Cagnolo a pu se disperser dans trois directions :

  1. vers les collines du haut Montferrat (région agricole entre les montagnes et le cours inférieur du Tanaro, plus proche du chef-lieu qu’était alors Acqui) ;
  2. vers la haute plaine du Pô (région agricole sur le cours supérieur du Tanaro, du côté de Mondovì) ;
  3. vers la mer (Savone).

Cette hypothèse me conduit à chercher le foyer vers le barycentre des points représentés sur la carte ci-dessus.

Il s’agit effectivement d’une région de collines aux confins du Piémont et de la Ligurie :





En regardant de plus près les toponymes et les courbes de niveau, on découvre que les plus hautes localités sont établies vers 600 m d’altitude, et on tombe sur un hameau qui s’appelle San Massimo.

San Massimo ~ Cagna

Peuplé aujourd’hui d’environ 34 habitants, le hameau de San Massimo fait partie de la commune de Piana Crixia. À 652 m d'altitude, l'ancien château (dont il ne reste aujourd'hui que quelques fondations) constitue le point culminant de la commune. Situé sur une crête à 600 m d’altitude, le village domine une vallée dont la rivière, la Bormida di Spigno, coule 340 m plus bas. Entre San Massimo et la Bormida s’étend un espace protégé, le Parco Naturale Regionale di Piana Crixia.

Rattaché au duché de Montferrat en 1419, le village de San Massimo était autrefois beaucoup plus peuplé : on dénombrait 246 habitants en 1604 ; 270 en 1836 ; 294 en 1855.

Plus intéressant encore : ce n'est qu'en 1949 que le hameau a pris le nom de San Massimo, patron de la paroisse (martyr romain fêté mort en 260 et fêté le 14 avril), l'ancien toponyme étant jugé dépréciatif en italien. En effet, depuis le Moyen-Âge, il était connu sous le nom de « Cagna » (attesté depuis les environs de 1200).

Or, selon l'encyclopédie Treccani :
-olo² (ant. e lett. -uolo) [lat. -eŏlus e -iŏlus; terminazioni che sono confluite in lat. volg. nella forma -iòlu, con avanzamento dell'accento]. - Suff. alterativo nominale con valore dim. o vezz. (faccenduola, poesiola, poggiolo); in alcuni casi tale valore originario è andato perduto e il suff. ha assunto una funz. derivativa (aiuola,capriolo, figliolo); si presenta infine, più raram., come suff. derivativo di nomi e agg. che rinviano al territorio d'origine (campagnolo, montagnolo); di qui anche l'applicazione a nomi geografici con riferimento agli abitanti (romagnolo, spagnolo).
Si le montagnolo vient de la montagna, si le Spagnolo vient de Spagna, "Cagnolo" est vraisemblablement "celui qui vient de Cagna". Il me paraît donc fort probable qu’il s’agisse là de la localité dont la famille aura tiré son nom à l’époque féodale.


    
San Massimo aujourd'hui. À droite, Cagna et Castel Rocchero dans le diocèse d'Acqui (duché de Mantoue) en 1683.

Contrairement à ce que croient souvent les Italiens aujourd'hui, le nom de "Cagna" ne vient sans doute pas de celui de la chienne (cagna, féminin de cane, est devenu une injure, comme en français, à tel point que le village a officiellement changé de nom en 1949 suite à un vote du conseil municipal de Piana Crixia en 1947). C'est aussi le nom d'un ruisseau qui traverse le village (Cagna ou rio delle Fornaci). Cherchant une origine latine, certains ont pensé au nom de famille romain Canius (qui a pu devenir Cagnus, puis Cagno/Cagna), ou à la présence de roseaux (canne) au bord du cours d'eau...
Mais en ce pays des anciens Statielliens, il serait sans doute plus judicieux d'envisager une étymologie ligure. Or la racine indo-européenne *kan < *gain < *khan désigne un "sommet", ce qui peut expliquer de nombreux toponymes, surtout au sommet d'une colline comme c'est le cas ici (de même qu'au village de Cagnes-sur-Mer, sur son rocher près de Nice, avec son cours d'eau homonyme ; ou encore à Cannes).

À Cagna, la situation de la forteresse permettait de contrôler la vallée de la Bormida di Spigno (en amont, vers Cairo), le col de Santa Giulia (entre Dego et Pontinvrea) et la route qui descend vers la plaine du Pô : autrement dit, toutes les voies de communication entre Savone et le Piémont. Cette position stratégique présentait aussi un gros inconvénient : le village était exposé en permanence à la convoitise des armées et régulièrement mis à sac par les troupes de passage. Des anciens ouvrages de défense, il reste les vestiges d'une tour carrée ; l'église paroissiale se tenait à côté, jusqu'en 1823, date à laquelle elle fut démolie et reconstruite plus bas. 


En tout cas, une chose est sûre : c'est en haut Montferrat qu'il faut aller chercher les Cagnolo.
=> Cagnolo en Montferrat



Sources :
Cognomix
Archivio di Stato di Torino
Google Maps
Dizionario geografico-storico degli Stati Sardi, IV,
1836.
Dizionario generale geografico-statistico degli Stati Sardi, 1855.
Toponimi del comune di Piana Crixia, a cura di Furio Ciciliot, Francesco Murialdo, Giovanni Venturi, Società Savonese di Storia Patria, Savona, 2012.
Aldo Dogliotti, Cagna - oggi San Massimo, Pro Loco di Piana Crixia, 2005.
http://alelia.lanteri.free.fr/

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