Chamaux
dans les Coëvrons
Le nom Chameau est assez dispersé en France, et
relativement rare. La branche du Maine [ci-contre : blason de la
province] est présente dans la moitié nord de l'actuel département
de la Mayenne, sur le cours supérieur de la Mayenne, autour de la
capitale antique de Jublains. L'orthographe est en fait une
altération tardive (XIXe siècle) par rapprochement avec l'animal,
inconnu jusque-là. Auparavant, on rencontrait les formes Chamaud,
Chamault, Chamaux... (Il existe aujourd'hui encore un
lieu-dit "Chameau" un
peu plus bas, en Maine-et-Loire, entre Laval et Angers,
orthographié "Chamots" sur la carte de Cassini.)
Dans
notre
branche, l'orthographe est d'autant plus fluctuante qu'il s'agit au
XIXe siècle de familles illettrées qui sont enregistrés dans des
communes variées.
En remontant au XVIIIe siècle, toutefois, on trouve un dernier père
de famille qui maîtrise l'écriture et l'orthographe.
Et pour cause : fils du notaire maître Jean Chamaux et de
son épouse Renée née Duhaie, maître Jean Chamaux fils, à son tour, est notaire de
la baronnie d'Évron dans les années 1770.
En 1772, il réside à Trans,
avec son épouse Anne née Perrier
(fille de François Perrier et de Jeanne Boul, également de Trans,
qui donne naissance à un petit René
Marin.
Trans : l'église Saint-Nicolas et le cimetière.
À
partir de la réforme de 1790, Évron, Trans et tous les environs sont
circonscrits dans le département de la Mayenne [blason
à droite].
En 1798, domestique à Averton,
René Marin Chamaux épouse Marie Berteau, originaire de la
commune.
L'église d'Averton
Leur fils Simon Chameaux
naît en 1799, puis ils seront cultivateurs dans la commune de Saint-Thomas de Courceriers
à la Restauration.
En 1830, Simon épouse une certaine Marie
Le Chat, née en 1808 à la ferme de La Pitardière (commune
de Loupfougères,
près de Villaines-la-Juhel) de Louis
Le Chat et Anne Le
Pelletier.
En mai-juin 1832, le Maine
est secoué par une insurrection initiée en Vendée par la duchesse de
Berry (5e Guerre de Vendée). En particulier, le combat de Toucheneau
(ou Touchenault) se déroule le 30 mai à proximité de la ferme de la
Gaudinière (Vergéal, entre Laval et Rennes).
Jean-Baptiste Chameau voit le jour le 7 avril 1833 à
la ferme de la Pommeraie, Saint-Thomas-de-Courceriers,
une commune rurale des environs de Villaines-la-Juhel.
Le donjon médiéval de Villaines-la-Juhel.
Jean-Baptiste passe son enfance dans des fermes des Coëvrons, cette
région du Maine vallonnée entre les bassins de la Sarthe (haut
Maine) et de la Mayenne (bas Maine).
Son père Simon meurt dès 1838
à Averton (ferme de
l'Armanderie). Jean-Baptiste est élevé par sa mère, qui meurt à son
tour en 1850 (à la ferme de
la Bruyère, même commune).
Synthèse des communes mentionnées sur cette page (en rose),
dans le département de la Mayenne, par rapport à la préfecture
Laval et à la sous-préfecture Mayenne (en bleu).
L'hospice
de Domfront
Le 29 mars 1836 à 23 h, à l'hospice
de Domfront, la sœur Marie Ménard recueille un enfant de sexe
féminin, paraissant né le jour même, "vêtu d'un bonnet d'indienne fond rouge, une chemise, un
linge, un mauvais mouchoir, un pouillot de molleton et une
enveloppe de croisure rouge et bleu". Elle lui donne le nom
de Madelaine Ferrier.
Si Domfront a toujours été rattaché administrativement à la
Normandie, la carte ci-dessus (de la fin du XVIe siècle) met en
évidence sa position géographique dans le bassin de la haute
Mayenne [en vert]. "L'hospice de Domfront reçoit les malades, les
vieillards et les infirmes des 96 communes de l'arrondissement, sans
aucune indemnité." À l'époque, l'arrondissement réunit les
cantons de l'ouest du département de l'Orne (Athis-de-l'Orne,
Domfront, la Ferté-Macé, Flers, Juvigny-sous-Andaine, Passais,
Messei et Tinchebray). Depuis 1747, l'hospice est équipé d'un "tour"
où les mères démunies peuvent déposer leur enfant plutôt que de
l'assassiner. Une vingtaine d'enfants furent ainsi sauvés chaque
année avant la Révolution ; en 1788, 42 ; en 1789, 62 ; en 1790, 107
; en 1791, 172 ; 112 dans le seul premier semestre de 1792, dont 60
meurent peu après, pour un total de 515
orphelins au-dessous de l'âge de sept ans. En 1840, il restera
163 enfants trouvés à la charge de l'hôpital.
Domfront et son Hospice.
Domfront, sous-préfecture de
l'Orne de 1800 à 1926, est marqué en rose en haut à gauche ; dans les collines, sur le versant sarthois, j'ai
indiqué Averton et Saint-Thomas-de-Courceriers.
Le bassin de la haute Mayenne est délimité au nord et à l'est
par les monts de Normandie-Maine, dont le point culminant
(mont des Avaloirs, 416 m) se trouve à proximité de Pré-en-Pail.
Orphelins, illettrés, Jean-Baptiste et Madeleine vont chercher
fortune à Paris (ensemble ou séparément), où les opportunités
économiques paraissent en plein essor dans le cadre de la
Révolution industrielle et des grands chantiers de Napoléon
III.
Ouvriers à Paris
Jean-Baptiste et Madeleine se marient à Charenton en 1859.
Le pavillon d'Antoine de Navarre, hôtel de ville de Charenton
depuis 1838.
À Paris, ils vivent dans les quartiers industriels.
En 1860, ils habitent au 14 passage Sainte-Marie (aujourd'hui
passage Thiéré), dans le 11e arrondissement.
Jean-Baptiste est maçon, Madeleine est ouvrière en
porte-monnaie.
Leur fille Anne Françoise naît en août 1860, alors qu'ils ont
respectivement 27 et 24 ans. Elle meurt l'année suivante.
Le couple habite ensuite au 127 rue de Charenton, quartier des
Quinze-Vingt (1861).
Puis Madeleine est femme au foyer. Une autre fille naît le 28
octobre 1864 : Élisabeth.
Occupation allemande en 1870, Commune en 1871.
On retrouve la famille au 100 avenue Daumesnil (1871) ; au 125 rue
de Charenton (1876) ; puis au 185 rue de Charenton (1878).
Le fils Édouard, né en juin
1871, deviendra employé d'octroi ; Henriette
naît en mars 1876 ; et Emma,
née en août 1878, deviendra fleuriste en perles.
Quant à Élisabeth, elle devient piqueuse de bottines. Le 31
octobre 1885, elle épouse le
cordonnier Octave d'Hauenens (12e arrondissement).
Des ouvrières dans un atelier de chaussures en 1900.
Ensuite, Jean-Baptiste est charretier et il réside avec Madeleine au
60 bis boulevard Diderot (1895) ; puis au 134 bis rue de Charenton.
Les carrières de Bagnolet. -
Vidage d'un tombereau sur les quais de Seine.
En juin 1900, âgé de 67
ans, Jean-Baptiste subit un accident à Ivry pendant qu'il transporte
un tombereau rempli de moellons [cf. Le Petit Parisien du
18/06/1900]. Il est transporté à l'hôpital de la Pitié.
Il cessera ensuite de travailler.
En 1912, le couple habite
au 17 rue Crozatier. Madeleine décède cette année-là.
Elle est inhumée le 31 décembre au cimetière parisien d'Ivry (division 2, concession quinquennale).
Jean-Baptiste meurt à son tour le 21 mars 1916. Le 23, il est inhumé au cimetière
d'Ivry (division 44, concession trentenaire) :
Cimeière parisien d'Ivry,
division 44.
La concession d'Élisabeth sera renouvelée régulièrement jusqu'aux années 1950. Celle de Jean-Baptiste sera alors reprise aussi.