Uuno Kailas

Face à face

poèmes

1926


(Extraits)



En bateau

Cette dernière partie du recueil est consacrée à des poèmes étrangers choisis et traduits par Kailas. De par les thèmes des textes et la forme adoptée par Kailas en finnois, ils constituent avec le reste de Silmästä silmään un ensemble très cohérent.  Il me semble donc utile de les faire figurer ici.

Li-taï-pé

En bateau

Ainsi le bateau léger fend les flots
de puissants avirons, en compagnie
du son des flûtes d’or de jeunes vierges.
 
Les filles jouent, elles nous divertissent.
Un vin exquis écume dans les coupes,
et dans l’esprit s’enflamme l’allégresse.
 
Les immortels m’attendent, je suppose,
chevauchant tristement dans le lointain —
moi je vogue, insouciant, sur le bateau.
 
Les palais et châteaux, qui autrefois
surgirent sur ces collines désertes,
ont disparu, ils se sont effondrés.
 
Les sublimes paroles du poète
sont éternelles comme un monument
qui s’élève étincelant vers les astres.
 
Dans mon ivresse j’agrippe ma plume,
j’écris un chant digne d’un ouragan,
et les cinq monts sacrés sont ébranlés.
 
Je suis fier et joyeux, — et je me moque
de tous les dons bigarrés de ce monde :
ainsi que les feuilles des fleurs, ils tombent.
 
La puissance, l’honneur et la richesse,
le jour où j’y prendrai goût, on verra
le fleuve Jaune remonter son lit.


Il s'agit d'un poème de l’époque Tang (VIIIème siècle), traduit par Uuno Kailas à partir de sa paraphrase allemande publiée en 1907 par Hans Bethge (1876-1946) dans son anthologie Die chinesische Flöte: Nachdichtungen chinesischer Lyrik. Ce recueil, qui a eu beaucoup de succès (Gustav Mahler, notamment, y a puisé ses textes pour Le chant de la terre) était une anthologie de poèmes chinois inspirée de traductions antérieures. Dans la présente version, je m’inspire du texte finnois de Kailas et de la traduction littérale du marquis d’Hervey-Saint-Denys (1862).

Thou-fou

Complainte de l’épouse

Elle était seule en la vallée déserte,
la jeune épouse à qui la providence
avait accordé le don de beauté.
 
Elle dit : Bien que d’illustre maison,
j’ai pourtant connu mauvaise fortune
et dans le désert je cherche un abri.
 
Un grand malheur a détruit mon pays,
et a tué mes frères dans le sang,
eux dont la jeunesse n’était que luxe.
 
On ne m’a pas laissé prendre leurs corps,
pour que je puisse les ensevelir –
notre siècle est gouverné par la haine.
 
La vie est incertaine, tel le feu
du flambeau porté dans le vent. Adieu,
siècle tumultueux de mon époux !
 
Son cœur ne se soucie point de grandeur,
il n’y règne qu’un seul désir : tenir
dans ses bras quelque autre femme rieuse.
 
Déjà ses yeux sont émus par la grâce
d’une autre femme. Entendra-t-il jamais
le soupir de l’épouse délaissée !
 
Loin d’ici j’ai envoyé ma servante
vendre tous les diamants de mes bijoux :
ne reste que ma maison de roseaux.
 
Fragile est la maison. Je la répare
avec des guirlandes de lierre aux murs ;
le temps est froid, les habits sont légers.
 
Ma servante apporte des fleurs – fi donc !
Comme marque de mon chagrin, plutôt,
apportez-moi un rameau de cyprès.
 
Déjà le soleil se couche. Je cherche
à me protéger sous ces grands bambous
pour y passer la nuit froide et déserte.



C'est encore un poème de l’époque Tang traduit par Kailas à partir de la paraphrase allemande de Hans Bethge. Dans la présente version, je m’inspire du texte finnois de Kailas et de la traduction littérale du marquis d’Hervey-Saint-Denys (« Une belle jeune femme »).

Cecco Angiolieri

Quand je serais le feu

Quand je serais le feu, j’incendierais le monde.
Quand je serais le vent, j’emporterais vos biens.
Quand je serais de l’eau, je serais diluvien.
Et quand je serais Dieu : – gare à vous si je gronde !

Quand je serais le pape, alors ma joie profonde
serait de tourmenter l’âme de tous chrétiens.
Quand je serais le roi je ferais pour un rien
égorger mes sujets d’une main furibonde.

Quand je serais la mort, j’embrasserais mon père ;
quand je serais la vie, je serais loin de lui ;
et je ferais de même avec ma vieille mère.

Quand je serais Cecco – tiens, c’est ce que je suis,
je prendrais près de moi les plus jolies rosières :
et que le laideron offre à d’autres ses fruits !

S'i' fosse foco

S'i' fosse foco, arderei' il mondo;
s'i' fosse vento, lo tempestarei;
s'i' fosse acqua, i' l'annegherei;
s'i' fosse Dio, mandereil en profondo;

s'i' fosse papa, serei allor giocondo,
ché tutti ' cristiani embrigarei;
s'i' fosse 'mperator, sa' che farei?
a tutti mozzarei lo capo a tondo.

S'i' fosse morte, andarei da mio padre;
s'i' fosse vita, fuggirei da lui:
similemente faria da mi' madre.

S'i' fosse Cecco com'i' sono e fui,
torrei le donne giovani e leggiadre:
le vecchie e laide lasserei altrui.


Cecco Angiolieri (v.1260-v.1312), poète siennois. Kailas présente son travail comme une libre « adaptation » du sonnet. Je m'appuie ici sur l'original italien, avec la même liberté que Kailas.

Heinrich Heine

Le chevalier Olaf

I
 
Devant le dôme sont deux hommes,
Revêtus de tuniques rouges,
Et l’un n’est autre que le roi,
Et le bourreau est le second.
 
Et au bourreau parle le roi :
« J’entends au chant de la prêtraille
Que déjà prend fin le mariage –
Prépare donc ta bonne hache. »
 
Carillon et tumulte d’orgue,
Et le peuple afflue de l’église ;
Parmi la foule colorée,
Les mariés parés d’ornements.
 
Soucieuse et pâle comme un mort,
Telle est du roi la jolie fille ;
Sire Olaf est brave et joyeux ;
De sa bouche rouge il sourit.
 
Et souriant de sa bouche rouge
Il parle au sinistre monarque :
« Bien le bonjour, mon chère beau-père,
Aujourd’hui ma tête t’échoit.
 
Je dois mourir – Ô, laisse-moi
Vivre jusqu’à minuit encore,
Pour que je célèbre ma noce
Qu’on boive et qu’on danse aux flambeaux.
 
Laisse-moi vivre, laisse-moi,
Jusqu’au fond de l’ultime coupe,
Jusqu’au bout de l’ultime danse –
Que je vive jusqu’à minuit ! »
 
Et au bourreau parle le roi :
« Que de notre gendre la vie
Soit prorogée jusqu’à minuit –
Prépare donc ta bonne hache. »
 
II

Au banquet de noce, assis dans le groupe,
Olaf a vidé son ultime coupe.
Son épouse en détresse
À lui se presse –
Le bourreau se tient à la porte.
 
La ronde commence, et Olaf prend vite
Sa jeune épouse, et d’une ardeur subite
Dans les flambeaux ils dansent
L’ultime danse –
Le bourreau se tient à la porte.
 
Joyeux sont les sons du gai violon,
La flûte lugubre a des soupirs longs !
À voir leur danse amère,
Le cœur se serre –
Le bourreau se tient à la porte.
 
Et comme ils dansent, dans le hall qui tinte,
Olaf murmure à sa triste conjointe :
« Je t’aime plus que tout au monde –
Froide est la tombe – »
Le bourreau se tient à la porte.

III

Sire Olaf, minuit a sonné,
Ta vie prend un tournant fatal !
Car tu connus selon ton gré
Une vierge de sang royal.

Un requiem se fait entendre,
L’homme arborant sa rouge veste
Se tient déjà, la hache nue,
À côté du billot funeste.

Sire Olaf descend dans la cour,
Où sabres et lanternes brillent,
Et sourit de sa bouche rouge,
Disant de lèvres qui pétillent :

« Lune et soleil, je vous bénis,
Et dans le ciel les astres clairs.
Je bénis aussi les oiseaux
Dont le babil emplit les airs.

Je bénis la mer et la terre,
Et les fleurs des prés harmonieux.
Car douces sont les violettes
Comme de ma femme les yeux.

Douces prunelles de ma femme,
La vie par vous m’est enlevée !
Je bénis enfin le sureau
Au pied duquel tu t’es livrée. »

Ritter Olaf

I

Vor dem Dome stehn zwei Männer,

Tragen beide rote Röcke,
Und der eine ist der König,
Und der Henker ist der andre.

Und zum Henker spricht der König:

»Am Gesang der Pfaffen merk ich,
Daß vollendet schon die Trauung -
Halt bereit dein gutes Richtbeil.«

Glockenklang und Orgelrauschen,

Und das Volk strömt aus der Kirche;
Bunter Festzug, in der Mitte
Die geschmückten Neuvermählten.

Leichenblaß und bang und traurig

Schaut die schöne Königstochter;
Keck und heiter schaut Herr Olaf;
Und sein roter Mund, der lächelt.

Und mit lächelnd rotem Munde

Spricht er zu dem finstern König:
»Guten Morgen, Schwiegervater,
Heut ist dir mein Haupt verfallen.

Sterben soll ich heut - O, laß mich

Nur bis Mitternacht noch leben,
Daß ich meine Hochzeit feire
Mit Bankett und Fackeltänzen.

Laß mich leben, laß mich leben,

Bis geleert der letzte Becher,
Bis der letzte Tanz getanzt ist -
Laß bis Mitternacht mich leben!«

Und zum Henker spricht der König:

»Unserm Eidam sei gefristet
Bis um Mitternacht sein Leben -
Halt bereit dein gutes Richtbeil.«

II

Herr Olaf sitzt beim Hochzeitschmaus,

Er trinkt den letzten Becher aus.
An seine Schulter lehnt
Sein Weib und stöhnt -
Der Henker steht vor der Türe.

Der Reigen beginnt, und Herr Olaf erfaßt

Sein junges Weib, und mit wilder Hast
Sie tanzen, bei Fackelglanz,
Den letzten Tanz -
Der Henker steht vor der Türe.

Die Geigen geben so lustigen Klang,

Die Flöten seufzen so traurig und bang!
Wer die beiden tanzen sieht,
Dem erbebt das Gemüt -
Der Henker steht vor der Türe.

Und wie sie tanzen, im dröhnenden Saal,

Herr Olaf flüstert zu seinem Gemahl:
»Du weißt nicht, wie lieb ich dich hab -
So kalt ist das Grab -«
Der Henker steht vor der Türe.

III

Herr Olaf, es ist Mitternacht,

Dein Leben ist verflossen!
Du hattest eines Fürstenkinds
In freier Lust genossen.

Die Mönche murmeln das Totengebet,

Der Mann im roten Rocke,
Er steht mit seinem blanken Beil
Schon vor dem schwarzen Blocke.

Herr Olaf steigt in den Hof hinab,

Da blinken viel Schwerter und Lichter.
Es lächelt des Ritters roter Mund,
Mit lächelndem Munde spricht er:

»Ich segne die Sonne, ich segne den Mond,

Und die Stern, die am Himmel schweifen.
Ich segne auch die Vögelein,
Die in den Lüften pfeifen.

Ich segne das Meer, ich segne das Land,

Und die Blumen auf der Aue.
Ich segne die Veilchen, sie sind so sanft
Wie die Augen meiner Fraue.

Ihr Veilchenaugen meiner Frau,

Durch euch verlier ich mein Leben!
Ich segne auch den Holunderbaum,
Wo du dich mir ergeben.«

Heinrich Heine (1797-1856), poète allemand. Le poème est extrait du recueil Neue Gedichte (« Romanzen », X), paru en 1844. Je m'appuie ici sur l'original allemand. 

Charles Baudelaire

Hymne à la Beauté

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
O Beauté ? ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.
 
Tu contiens dans ton œil le couchant et l’aurore ;
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux.
 
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
 
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux l’Horreur n’est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
 
L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.
 
Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?
 
De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, – fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?

Charles Baudelaire (1821-1867). Poème extrait des Fleurs du mal (« Spleen et idéal », XXI). Je reproduis ici le texte original.

Charles Baudelaire

Le vin des amants

Aujourd’hui l’espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !
 
Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !
 
Mollement balancés sur l’aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,
 
Ma sœur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !

Le poème est extrait des Fleurs du mal (« Le vin », CVIII). Je reproduis ici le texte original.

Charles Baudelaire

Élévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
 
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
 
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
 
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;
 
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
– Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Le poème est extrait des Fleurs du mal (« Spleen et idéal », III). Je reproduis ici le texte original.

Charles Baudelaire

Albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
 
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
 
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
 
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Le poème est extrait des Fleurs du mal (« Spleen et idéal », II). Kailas s’est inspiré d’une adaptation finnoise de Toivo Mähönen. Je reproduis ici le texte original.

Dan Andersson

Revenants

Si ce soir dans ta hutte tu es solitaire,
ne ferme pas ta porte, non ! 
Sur les monts enneigés sous les étoiles claires
comme autrefois nous revenons.
 
Ce printemps fut au cimetière un long sommeil
pour le repos de nos vieux os –
sous le ciel bleu nous avons fait notre réveil,
pour que la lune nous tînt chaud.
 
Nous nous réunissons sous le ciel sans nuages
dans le vent du nord furibond,
afin de nous asseoir et porter témoignage
sur ta vieille hutte à charbon.
 
Car nous marchons sans cesse à tort et à travers
au tombeau creusé par la faim,
et si la paix fut grande en notre antre de terre,
à la haine rien n’a mis fin.
 
Et notre haine est celle d’un mort condamné
à l’errance perpétuelle,
et nuls pleurs, camarade, en nos yeux chagrinés,
mais notre plainte est éternelle.
 
Hélas ! de nos tombeaux trop tard nous nous levons
pour exercer notre vengeance –
ceux qui de nos tourments aiguisaient l’aiguillon
sont morts aussi, et en errance.

Gengångare

Är du ensam vid din mila i din koja i kväll,
håll öppen, håll öppen din dörr!
Under glittrande stjärnor över snötäckta fjäll
komma vi, komma vi som förr.
 
Vi ha sovit redan länge i vår kyrkogårdsvrå
och vilat våra gammalmansben -
vi ha vakat för att skönja om himlen är blå,
för att värma oss i månens sken.
 
Under stjärnornas ögon må vi samlas till ting
medan nordvinden härjar hård,
må vi bänka oss ned i en domarering
på din fridlysta kolaregård.
 
Ty vi vandra, vi vandra och hava ej ro
i de gravar som svälten har grävt,
och fast friden var djup i vårt jordbyggda bo,
vårt hat har den aldrig kvävt.
 
Och vårt hat är ett vandrande dödmanshat
som skall spöka tiderna ut,
och vår sorg är en tårlös sorg, kamrat,
och vår jämmer är utan slut.
 
Men ve oss, för sent ha vi gått ur vår grav
för att krämares domare bli -
de män som skuro vår plågas stav
äro döda och vandra som vi.

Dan Andersson (1888-1920), poète suédois. Le poème extrait du recueil Kolvaktarens visor (1915). Je m'appuie ici sur l'original suédois.


W.B. Yeats

Le violoneux de Dooney

Quand mon violon sonne à Dooney,
Le peuple danse comme l’onde ;
Mon cousin prêche à Kilvarnet,
Mon frère en Irlande profonde.
 
J’ai dépassé frère et cousin :
Eux lisent leurs livres dévots ;
Et moi mon livre de refrains
Acquis aux puces de Sligo.
 
Quand nous viendrons devant saint Pierre,
En grande pompe, au jour dernier,
Il bénira les trois compères,
Mais m’accueillera le premier ;
 
Car c’est aux bons qu’est le bonheur,
A moins de quelque male chance,
Et les bienheureux, dans leur cœur 
Aiment le violon et la danse :
 
Et en me voyant arriver,
Ainsi s’écriera tout le monde :
« V’là le violoneux de Dooney ! »
Et tous danseront comme l’onde.

The Fiddler of Dooney

When I play on my fiddle in Dooney,
Folk dance like a wave of the sea;
My cousin is priest in Kilvarnet,
My brother in Moharabuiee.
 
I passed my brother and cousin:
They read in their books of prayer;
I read in my book of songs
I bought at the Sligo fair.
 
When we come at the end of time,
To Peter sitting in state,
He will smile on the three old spirits,
But call me first through the gate;
 
For the good are always the merry,
Save by an evil chance,
And the merry love the fiddle
And the merry love to dance:

And when the folk there spy me,
They will all come up to me,
With ‘Here is the fiddler of Dooney!’
And dance like a wave of the sea.

William Butler Yeats (1865-1939), poète irlandais. « The Fiddler of Dooney » est le 11ème poème du recueil The Wind Among the Reeds (Le vent dans les roseaux, 1899). Je m'appuie ici sur l'original anglais.

Uuno Kailas, Silmästä silmään, 1926
© 2004-2006, poèmes traduits du finnois, de l'italien, de l'allemand, du suédois et de l'anglais par Sébastien Cagnoli