Avec
L’intrépide, Lebedev entreprend de brosser un
tableau de
la vie
quotidienne des anciens Komis. Son sujet, ici, n’est pas
mythologique,
il ne
fait pas appel à des symboles ou à des
représentations mystiques : à
travers le personnage de Iokych, il imagine la vie
héroïque
d’un jeune chasseur,
et nous renseigne au passage sur les usages et les traditions de
la
région.
Ce
poème ethnographique est d’un grand intérêt,
pour
les lecteurs étrangers, dans
la mesure où Lebedev y décrit scrupuleusement les
caractéristiques de la vie
des anciens Komis : l’environnement naturel (forêts,
rivières), la chasse
(calendrier, animaux à fourrure), l’habitation (villages,
campements), la
navigation fluviale (barques, acheminement des marchandises), le
fer,
le troc,
la malhonnêteté des marchands étrangers
(russes ?) qui tentent de piller
le pays komi…
Il
situe son récit sur le cours de l’Ejva (nom komi de la
Vytchegda),
probablement
dans la région de Körtkerös (qu’il
connaît
bien) : dès que le climat le
permet, Iokych
descend le
cours du fleuve, vers l’embouchure du Syktyv
(nom komi
de la Sysola). Les bouches du Syktyv, c’est littéralement
« Oust-Sysolsk », aujourd’hui la ville de
Syktyvkar. Les étrangers qui
remontent l’Ejva, ils viennent peut-être de Kotlas, de
Veliki
Oust-Ioug, de
Vologda : ce sont vraisemblablement des Russes qui,
à la
fonte des glaces,
s’aventurent dans les régions boréales pour y
acquérir de précieuses fourrures
(renard, martre, zibeline…).
Quand
les
mystérieux étrangers, qu’on prenait naïvement
pour d’honnêtes marchands, s’avèrent
des bandits sans pitié, Lebedev transforme son sujet
ethnographique en un récit
épique, où les valeureux Komis doivent combattre
des
ennemis dangereusement
armés… L’intrépide Iokych, livré aux
pirates de la taïga, sauvera-t-il l’honneur de
son
peuple ?
Les 372 vers (93 quatrains) sont des tétramètres trochaïques, avec rimes plates et élision de la dernière syllabe sur les deux derniers vers de chaque quatrain.
L’intrépide
(De la vie des anciens Komis) |
Повтöм зон(Важся коми олöмысь) |
Le passé, voilà mon
sujet : Ce temps est tombé en
poussière,
|
Войдöр со мый шуа–кайта: Тайö кадыс мупыр мунi,
|
* * *
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Il y avait dans
la
taïga, Vivant avec les villageois
Il capturait de nombreux ours, Iokych avait la
tête claire,
Rien ne lui avait
résisté. Ayant
accumulé
l’hiver Telles étaient ses
habitudes :
Mais quand il prépare la barque, Il charge encor des provisions,
Il était rusé, le
marchand : Qui vit au cœur
de la
taïga, À moins d’un marchand pour le
troc,
Chaque hiver
Iokych
descendait Le marchand, il s’en rendait compte,
Une
année,
l’hiver finissant,
Toutes sont de même grandeur, Les gens s’affairent dans les barques,
Le chant des rameurs est puissant, « Ô
merveille ! Qui sont-ils
donc ?
Mais
ils
ne réfléchissent
point. Et comme il
avait
besoin d’armes, Nul marchand encor cette année
Le jour
déjà se terminait.
Les marchands
sortirent dormir,
À côté, un
bûcher
s’allume. Sur le sable, tels des brochets, Iokych ne resta pas
longtemps Son village n’était pas loin,
Puis il accourt de tente en tente,
Des
marchands sont venus en groupe, Tel l’Ejva le
camp
bouillonna. Leur chagrin reste derrière eux. Tant de nos
lances sont brisées,
Les
marchands montent dans sept barques. Les gens
bouillonnent : « Portons
donc,
Sous la tente on
se
mit à l’œuvre :
Ce travail n’était pas
ardu : Leurs barques de tremble sont
bonnes :
Comme des brebis
apeurées, L’eau
s’élargit, fait des remous :
Les barques des marchands sont
là. Ces deux-là ont de grosses
haches, « Ce soir
les moustiques font rage :
Les Komis rament
vivement, La tente s’ouvrit : en sortirent |
Олiс–вылiс парма
шöрын, Сиктса йöзкöд сiйö вöлi
Уна ошкöс сiйö кыйлiс, Ёкыш эз вöв
пемыд юра,
Сiйö некöн эз на йöрмыв. Тöвся
заптöм
дона куяс, Сылöн сэтшöм вöлi ладыс:
А кор пыжсö сiйö вöчас, Сёянтор на сэтчö лöдас,
Купеч вывтi вöлi наян: Кодi парма пытшкын
олö, Он кö купечыдкöд вежсьы,
Ёкыш увланьö быд
тулыс Гöгöрволiс эськö сiйö,
Öти воö,
тулыс
помын,
Найö ыджданас дзик öткодь. Сизим пыжын йöзыс вöрö,
Сьылöм сынысьяслöн гора, «Аттö
дивö, код нö тайö?
Но да мöвпавнысö нинöм. Кыйсян кöлуй
сылы
ковзис Таво купеч эз на волы,
Луныс помасьны нин
пондiс.
Пыжа войтыр узьны
сувтiс,
Чомкöд орччöн бипур
öзйö. Лыа вылö, быттьö сиръяс, Ёкыш сэнi дыр эз
жуяв. Сылöн сиктыс зз вöв ылын—
Пондiс ветлöдлыны öдйöн
Купеч котыр воис татчö, Эжва ю моз сиктыс
гызис. Шогныс налöн бöрö кольö. Уна шыяс чеги миян,
Сизим пыжöн купеч кайö. Йöзыс ызго: «Нуам,
нуам,
Чомъяс дорын
мырсьöм
воссис
Тайö уджыс абу сьöкыд— Пипу пыжъяс налöн бурöсь—
Öтпыр,
быттьö
повзьöм ыжъяс, Ваыс паськалö да
пузьö—
Купеч пыжъяс пыр на сэнi. Тайö кыкыс паськыд чера, «Талун войыд
вывтi
номйöсь,
Коми войтыр збоя
сынö, Чомйыс воссис, сэсся сэтысь |