Achaltchi Oki

Akilina Veškina  (Акилина Григорьевна Векшина, 1898-1973), dite Ašaľći Oki (Ашальчи Оки).

Poèmes


Près de la route

Père, mon père,
Près de la route,
Ne coupe pas
Ce fin bouleau.

Frère, mon frère,
Ne fauche pas
Cette herbe au bord
De la rivière. 

Ma grande soeur,
Ne prive pas
Le jaune seigle
De ses fleurs bleues.

Mère, ma mère,
Dans la montagne,
Ne trouble pas
La source pure.

Ce fin bouleau
Près de la route,
Mon corps un jour
Le deviendra.

Mes blonds cheveux
Seront un jour
Cette herbe verte
Dans la prairie.

Dans l'or des seigles,
Tous ces bleuets
Ne seront autres
Que mes yeux bleus.

La source pure
Dans la montagne
Se gonflera
De tous mes pleurs.

(1925)


Dans cette grande ville,
Lorsque les nuits sont claires,
Dieu sait pourquoi le soir
Je ne peux pas dormir.

J'arpente l'avenue
Aux immeubles de pierre,
Jusqu'au coeur de la nuit,
Jusqu'à n'en plus pouvoir.

Auprès de moi, la foule
Passe, passe, innombrable
Passe, passe, innombrable,
Disant je ne sais quoi.

Moi, seulette, je songe,
Oudmourte que je suis
A mes bois, à mes champs,
A mes lointains villages.

Dans cette grande ville,
Lorsque les nuits sont claires
Des poèmes se lèvent
Dans mon coeur affligé.

Je ne sais pas pourquoi,
Dans la ville étouffante,
Ils sont comme des fleurs
Que le gel a tuées.

(1924)


Il est possible que tu m'aimes,
Possible aussi que tu me trompes.

Quand ta bouche me dit : "Je t'aime",
Tes yeux me disent : "Je te trompe".

Ce sont tes yeux que croit ma tête,
C'est ta bouche que croit mon coeur.

Car s'il se peut que tu me trompes,
Il se peut aussi que tu m'aimes.

(1924)


Quand je vais dans le bois
Ramasser des myrtilles,
De tes yeux de myrtilles
Je me souviens toujours.

Quand je fauche le pré,
Le pré rose de fleurs,
Du rose de tes joues
Je me souviens toujours.

Quand je trace un sillon,
Quand j'entends l'alouette,
De ta voix d'alouette
Je me souviens toujours.

(1924)


Tu m’as un jour demandé :
« Pourquoi écris-tu des poèmes,
Pourquoi user tes forces pour rien ? »

As-tu jamais demandé, mon ami,
À l’avoine mûrie sur le champ
Pourquoi nuit et jour elle chante,
Et se raconte des histoires ?

Et le ruisseau, mon ami, lui as-tu demandé
Pourquoi ses eaux sans cesse murmurent,
Pourquoi il bruisse tout le temps ?

Et au printemps pourquoi le rossignol
Soir et matin sur la branche fredonne ?
Le lui as-tu demandé, mon ami ?


Тон юад мынэсьтым:
— Марлы бен кылбуръёс гожъяськод,
Чик юнме кужымдэ быдтӥськод?

Бен юад-а, юад-а, эше,
Бусыын ӵуж кисьмам сезьылэсь,
Марлы со уй-нунал ӵаштыртэ,
Уй-нунал ас понназ вераське?

Шур вулэсь нош юад-а, эше,
Марлы со дугдылтэк жальыртэ,
Дугдылтэк ас понназ куаретэ?

Уӵыед но тулыс садъёсын
Марлы бен ӝыт-ӵукен весь чирдэ —
Тон юад-а сое?





Poèmes traduits de l'oudmourte par Jean-Luc Moreau et Eva Toulouze.

© 2008
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