Larissa Orekhova

 

Poèmes


Déclaration de guerre

I

dans la verte prairie
parmi l’herbe et les fleurs
chaque matin tu es assis

de toutes tes forces
tu respires
profondément les senteurs de la terre
l’onde pure du ciel
épargnée
par les brûlants rayons du soleil

peut-il Exister
rien de plus heureux ni de plus riche —
le monde des rêves
un dormeur qui s’éveille entouré de lumière
dans la clarté du matin
et respire
au milieu des vents et des faisans
et leur infinie liberté

II

— aujourd’hui
tu t’es
éveillé
pour la première fois —

« Voir naître un jour nouveau,
le voir s’ouvrir
devant toi, te révéler ses secrètes pensées,
annoncer au Ciel la floraison de ton matin... »

— voir
un enfant oudmourte
se nourrir comme un loup
de la langue oudmourte
odieusement décriée
de tous côtés
voir une mère oudmourte
faire de son sang
une dynamite
contre les odieuses interdictions
et le transmettre à son fils —

III

Regardez donc Vous autres
comme
fièrement
se tiennent
les Sapins —
tels les Puissants Frères —
sans un soupçon de peur

mais à Cô-
té d’eux
est assis
tranquille —
insen-
sible à la chaleur de vos mains — Lui —
le très vif et robuste vieillard —

comme la Ma-
donne,
tant elle
est pure —
la plus haute des Montagnes !
qu’on essaie donc de la fouler ! —

Brûlant dans les Grandes Flammes —
La Naissance d’une Nouvelle Âme...

IV

         il y a le
Très long fil
Etincelant —
Merveille
Pareille à un
Saphir

         il y a la
Mâchoire et les oreilles —
Écrasées par le
Mugissement :
Ongles de diamant —
Images des pas silencieux
Reflétés
En une glace dorée

         il y a le
Crépitement du fouet
Orné dans la lumière
Et qui guérit
Une âme, la mienne, en la faisant
Reluire

V

— avant
chaque
pas — la peur —
bien que
tu étouffes terriblement
à l’intérieur
de corridors
oppressants

« Je suis libre, pourquoi donc
suis-je bloquée dans ce coin ?!
Où es-tu, mon Soleil ? Où donc
est le pont — OCÉAN, AIR et EAU —
Où sont mes mouettes ?

Là-bas j’étais heureuse,
J’étais heureuse !
Comme l’air s’espaçait
Délicieusement —
Renforçant en moi la foi.

Je serais VIVANTE
tout un siècle —
joyeuse pour mon pays —
j’en serais l’ÂME ! »

non non
je ne finirai pas
ne mourrai pas
si je trouve dans la peur de formidables forces —
m’évadant des recoins étroits
moi —
je fuirai
en explosant —
comme les femmes tchétchènes.

 


"Attends-moi..."

Attends-moi
Ne t'envole pas seul vers les profondeurs marines
Demeure encore un instant devant notre feu bienfaisant

Attends-moi
Je me dépouillerai de ma robe froissée
Je me vêtirai d'une chemisette blanche et douce
L'eau de la froide nuit
Lavera mes yeux secs

Attends-moi
Je brûlerai ma peur d'hier
Dans les frêles flammes mourantes
Et après, comme un enfant
Au cœur serein,
J'embrasserai la lumière

Attends-moi
Car je veux dire à tes côtés :
Salut à la mer étoilée !



Les poupées

Elles viennent tels des spectres
Elles marchent alentour sur le minuit
Quoiqu'elles soient sans cœur ni sans âme
Elles ressemblent beaucoup
À de petites personnes

Et chaque nuit
Des petites filles
Oubliant de dormir
Vont à leur rencontre

La vieille sorcière
Se délecte
À les faire chanter
Rire
Se disputer

Ces poupées ressemblent fort
À des âmes de papillons
(Venant de l'autre monde)
Qui prendraient vie sur le minuit



"Je me réjouis toujours..."

Je me réjouis toujours
À la vue d'un enfant oudmourte
Quand il parle à son père
Dans sa langue natale
Sans s'effrayer il regarde
Sa pauvre maison
Réduite à des morceaux
Alors soudain les larmes lui viennent
Et je deviens très triste
Songeant à tous les rayons
Toutes les vagues
Je lui souhaite
D'avoir la force
De lutter
Pour la défense de sa maison



"Dans les coffres de ma grand-mère..."

Dans les coffres de ma grand-mère
Je ne trouverai pas d'or.
Dans les coffres de ma grand-mère je trouverai
Bien plus précieux :
Le trésor du peuple oudmourte : son visage.

J'en suis certaine :
Il s'écoulera encore cent années.
Et tu vivras, mon peuple oudmourte.
Aux horizons de la Terre
Nous saluera toujours
La douceur, la couleur
De ton humble sourire.
Je reconnais l'inspiration de ton cœur.
Elle s'entend dans les airs anciens.






Poèmes traduits par Martin Carayol (2008).

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