
Falicon,
Nice
(XVIe-XIXe
siècles)
Cultivateurs à Carras
|


La campagne de Carras se trouve à l'ouest de Nice, au pied des
collines, en bord de mer, à 4 km environ des portes de la cité.
L'image ci-dessous donne une idée du cadre, et de la vue
qu'on y a sur Nice et sur le cap Ferrat. À l'écart de la ville et
de ses fortifications, le hameau est constitué de quelques
fermes et de maisons rurales de la noblesse niçoise, mais sa
situation n'est pas commode, exposée en permanence aux invasions
françaises (par la route) et aux pirates (par la mer). En effet,
si le Comté de Nice est éternellement un territoire frontalier
entre Provence et Piémont, sans cesse disputé par la France et
l'Italie (du Moyen-Âge à 1947), le quartier de Carras se trouve
aux confins mêmes de Nice et de la France : c'est en quelque sorte
la frontière de la frontière. Sa situation sur la grand-route du
littoral à l'entrée du Comté est stratégique pour le commerce,
mais catastrophique pour la sécurité.
La représentation ci-contre est tirée de la galerie des
cartes, au Vatican (XVIe siècle). La commune de Nice est indiquée
en jaune, avec la campagne de Carras en bleu.
I. XVe-XVIe
siècles

Le
13 mars 1490,
le duc Charles de Savoie meurt à l'âge de 22 ans (on pense qu'il a
été empoisonné par le marquis Louis II de Saluces). Sa veuve
Blanche de Montferrat [ci-contre]
prend en charge la régence de leur fils, Charles-Jean-Amédée, âgé
d'à peine un an.
Le
1er mai 1492, Blanche et
le
gouverneur de Nice (Antoine de Soumont) réforment la procédure
d'élection des syndics de la ville. Le sort désigne
Antoine Falicon parmi 8
citoyens chargés d'élire les 4 nouveaux syndics (un pour
chacun des 4 états) qui administreront la ville à compter du 1er
janvier 1493 : ils désignent le noble Matthieu Marquesan, le
marchand Jean Caravadossi, l'artisan Jean Nicolai et le paysan
Antoine Pittavino
[cf. Gioffredo].
Juillet 1524 : bataille navale dans la baie des
Anges
En Europe, le XVIe siècle n'est autre qu'une série de
conflits entre le Royaume de France et le Saint-Empire.
François Ier a pris le Milanais en 1515 (Marignan), mais
il en est expulsé par les troupes impériales dès avril 1524 (6e guerre
d'Italie, 1521-1525). Les Français battent alors en
retraite, et l'armée de Charles V est bien résolue à les
pourchasser jusqu'en Provence. Fin juin, les
belligérants arrivent sur le littoral niçois : les
Français s'abritent dans la rade de Villefranche (le duc
Charles II de Savoie étant alors "neutre"), tandis
que les troupes impériales mouillent à Monaco.
Le 7 juillet, les
Espagnols sortent 18 galères de Monaco pour débarquer
leurs troupes à Nice (flotte de l'amiral Hugues de Moncade, soutenue
à terre par l'infanterie de Charles III de Bourbon).
Mais 15 galères françaises interviennent et se
mettent à les bombarder (avec l'aide d'Andrea Doria). Les
Espagnols reprennent le large, sauf 3 navires,
qui n'arrivent pas à suivre et tentent tout de même de
viser la plage de Carras. Il s'ensuit une bataille
navale au cours de laquelle les galères impériales
sont attaquées, bombardées, capturées, libérées,
incendiées... avec de lourdes pertes des deux côtés.
|
Juin
1538 : le Congrès de Nice
En 1538, pour en
finir avec la 8e guerre d'Italie, le pape Paul III a organisé à
Nice un Congrès afin de persuader Charles V et François Ier de
consentir à une trêve.
Le souverain pontife à Nice le 17 mai, accompagné par
des diplomates vénitiens et par une douzaine de galères
espagnoles. Devant ce déploiement de forces militaires,
les Niçois paniquent : dans ce contexte de guerre
incessante entre les deux voisins, ils craignent une
véritable invasion et refusent donc d'ouvrir les portes de
la ville. Les abords de la baie des Anges sont dans
une tension extême, et tout le congrès va se dérouler sous
haute surveillance, hors les murs, la ville et son château
fortement gardés. Le pape, vexé, va s’installer
directement au couvent franciscain de la Sainte-Croix,
dans les faubourgs occidentaux de la ville, sur la route
de France, non loin du bord de mer.
Invité à plusieurs reprises par Paul III,
François Ier finit par arriver derrière la frontière le 31
mai. Il s’installe au château de Villeneuve-Loubet.
D’entrée de jeu, François pose ses conditions : "Si le cardinal de Carpi
avait écrit à sa sainteté la pure vérité, c’est-à-dire
que je ne voudrais jamais de la paix sans l’État de
Milan, le saint père aurait alors essayé d’obtenir cette
condition de l’empereur ; et en le voyant tout à fait
éloigné d’une telle concession, il n’aurait pas
entrepris un voyage inutile." Il répète "qu’il veut de l’État de
Milan, que cet État lui appartient, que tout le monde le
sait, que rien n’a jamais été d’une plus grande
évidence".
Les deux monarques ne se rencontrent pas
directement. Étant donné la tension extrême qui règne
autour de la cité, ils ne mettent même pas les pieds en
ville : Charles V reste dans la rade de Villefranche
; François ne va pas plus loin que Carras. Le pape fait la
navette entre les deux avec l’aide de messagers.
Il tente d’abord de rédiger un traité de paix,
avec pour objectifs : d’empêcher l’annexion pure et
simple du Milanais par le roi de France ; de restituer au
duc de Savoie les terres occupées par les
Français ; de persuader les Français de
s’éloigner des protestants et des musulmans, et de se
joindre à la sainte ligue qui est en train de s’organiser
pour aller combattre les Ottomans.
Une partie des entretiens se déroule "à la bastide du noble
François-Gaspard Dal Pozzo de Buschetta, qui est à la
tour de Carras", notamment le 17 juin. Le pape et
François y "parlèrent
de la paix, il tonna, les vingt-deux galères du
roi de France stationnaient continuellement devant
la tour, soit sous la pointe du Var".
Dans l'impasse, le pape se résout à
conclure une trêve. C’est sur la conclusion de cette
« Trêve de Nice » que se séparent les intervenants le 18
juin. L’Empire germanique reste maître de la totalité du
Milanais, mais la France conserve ses conquêtes (Bresse,
Bugey, Piémont). Le duc de Savoie n'a plus que les
provinces d’Aoste, de Verceil et de Nice. L’armistice est
censé durer au moins dix ans, pendant lesquels les deux
parties sont vivement encouragées à chercher un accord de
paix.
|
Août 1543 : le Siège de Nice
Censé durer 10 ans, l'armistice de 1538 est violé par
le roi de France dès 1542. La 9e guerre
d'Italie arrive aux portes de Nice en août 1543, lorsque les
navires français de François de Bourbon, comte d'Enghien,
assistés par la flotte turque du beylerbey Khayr ad-Din Barberousse,
soumettent la ville à un siège qui laissera de profondes
cicatrices dans toutes les mémoires.
|


 |
En
1561, le duc de Savoie
autorise les Niçois établis "le long du rivage maritime et donc
exposés aux nombreux dangers d'invasion maritime de porter sur eux
toutes sortes d'armes d'attaque et de défense, exception faite des
pistolets et des arbalètes, sans encourir aucune sanction".
Le premier acte de mariage d'un
Falicon
dans cette campagne niçoise est celui d'un fils de
Francesco (Antonio ?), en
février 1577 (sous le
règne d'
Emmanuel Philibert),
avec une certaine
Andrineta
Guillon (fille de Francesco Guillon).
Le hameau n'ayant pas d'église paroissiale, il relève directement
de la cathédrale Sainte-Réparate.
1590-1592 : guerre en Provence et razzias huguenotes
En France, les guerres de religion qui déchirent le
royaume depuis 1562 débouchent sur un conflit européen
lorsque Henri de Navarre, leader des huguenots, doit
succéder à Henri III sur le trône de France (1589-1594).
L'héritier légitime est soutenu par la reine Élisabeth
d'Angleterre, tandis que le duc de Guise bénéficie de
l'appui des catholiques : Espagne et duché de Savoie.
En 1590, le duc Charles-Emmanuel
envahit la Provence pour porter assistance à la Ligue
catholique. Son armée traverse la campagne de Carras le 14 octobre et
va affronter les troupes huguenotes dirigées par
François de Bonne, duc de Lesdiguières. Dans un
premier temps, l'initiative rencontre un certain succès,
et le duc de Savoie se fait proclamer "comte de Provence".

Charles-Emmanuel vs
Lesdiguières
Deux ans plus tard, les Huguenots repoussent les
Piémontais et dressent le camp aux abords de la
frontière. Le 4 juin
1592, ils font une incursion dans les campagnes
et pillent les fermes jusqu'à la Lanterne. L'Armada arrive
en renfort. Quelques Français en garnison
au Broc entrent dans la campagne niçoise le 14 novembre et lancent
une attaque jusqu'à Carras. Le 27, une nouvelle razzia menée avec 200
cavaliers, quasiment jusqu'aux portes de la ville, fait
beaucoup de dégâts et quelques prisonniers. (Les combats vont ensuite se
déplacer en Piémont. Si l'abjuration d'Henri de Navarre
en 1593 et son sacre en 1594 finissent par désarmer la
Ligue, le conflit international se poursuit jusqu'à la
paix de Vervins conclue le 2 mai 1598.)
|
II. XVIIe siècle
La branche décrite sur cette page
est actuellement identifiée à partir de Luigi Falicon (fils d'Antoine ?) et de son épouse Lucrezia, dans les années
1610-1620 (sous Charles-Emmanuel).
Les actes d'état civil sont un
peu confus et difficiles à interpréter. En particulier, il
semble y avoir deux "Luigi Falicon" dont l'épouse se prénomme
Lucrezia (un mariage indéterminé avant 1616, et un autre en janvier 1623 avec Lucrezia
Viano, fille de Baptistin).
1623 : raid barbaresque à Carras
Le 17 juillet 1623, neuf galères et un
brigantin originaires d'Alger et de Bizerte accostent dans la campagne des Sagnes
(aujourd'hui l'Arénas et l'aéroport). 600 à 700 Turcs
débarquent et terrorisent le littoral depuis le Var
jusqu'au Magnan.
Ils brûlent et pillent tout ce qu'ils trouvent sur
leur chemin. Hommes, femmes et enfants s'enfuient et
cherchent un abri. Certains se réfugient dans la
"tour des Serres", mais les assaillants y mettent le feu,
causant la mort d'une centaine de personnes. Une
cinquantaine sont emmenés en esclavage. Les Turcs
embarquent avec leur butin et mettent le cap sur la
Provence.
Le curé de la paroisse cathédrale rend
compte de l'incident dans le registre des décès.
La "tour des Serres" était un ouvrage défensif,
vraisemblablement situé au niveau de
l'actuel boulevard Édouard-Herriot, entre la Bournala
et le vallon de l'Archet.
À gauche : le littoral
concerné par les événements (en bleu), avec la tour
des Serres (en rouge) ; les forts qui surveillent le
littoral niçois sont en orange (Montalban et
Saint-Hospice) ;
la ville de Nice en jaune (et le village de Falicon,
sur le flanc du mont Chauve, en vert).
À droite : Alger, marché aux esclaves (gravure du
XVIIe siècle).
Dans le cadre de cette opération menée à Nice et dans les
environs, 623 personnes sont capturées.
Entre 1621 et 1625, on dénombre 8.000 à 25.000 esclaves
chrétiens à Alger.
|
Gioan Battista, fils de "Luigi et Lucrezia", naît
le 23 mars 1624. Je
suis tenté de penser que c'est le premier enfant de Lucrezia
Viano. En tout cas, la mère était
probablement enceinte lors de l'attaque des pirates
ottomans en juillet. Le garçon est baptisé le 25 à la
cathédrale.
 Mars 1629 : invasion française et
bombardements espagnols
Suite à l'extinction de la dynastie des Gonzague, les
possessions des ducs de Mantoue sont évidemment convoitées
par les Français et par les Habsbourg (guerre de
succession de Mantoue, 1628-1631), notamment le
Montferrat, entre Piémont et Milanais.
Sur le front du Var, l'invasion est imminente en mars 1629. Le 9, le habitants se
barricadent ; des renforts alliés (Espagnols et
Napolitains, puis Génois) mouillent à Villefranche et
s'approchent de Carras. Le 13, les Français construisent un pont sur
le Var et commencent à franchir la frontière. Pendant
plusieurs jours, les galères espagnoles de
Don Melchior Borgia bombardent le pont et la campagne
de Carras pour repousser les envahisseurs.
Finalement, suite à un accord de trêve signé à Suse
entre Charles-Emmanuel
et Louis XIII,
les Français se retirent le 9 avril.
Charles-Emmanuel vs
Louis XIII
(La guerre n'est pas
finie pour autant. Avec le traité de paix de Cherasco en
avril 1631, la succession sera accordée au favori de
Louis XIII mais les ducs de Savoie annexeront une partie
du Montferrat.)
|
Le 16 août 1643 (sous Charles-Emmanuel
II), Gioan Battista Falicon
épouse Anna Francesca Seassau.
Leurs enfants : Bartolomeo
en 1644 ; Anna Camilla en 1647 ; Angela en 1649...
Dans les années 1640, Savoie et Bourbon sont alliés. Le 3 septembre 1648, Thomas
de
Savoie, prince de Carignan (et marié à Marie de Bourbon),
débarque sur la plage de Carras. Il rentre de Naples et se
dirige vers le Piémont.
Entre 1646 et 1656,
à l'initiative de la famille Rossignoli, une chapelle dédiée à
sainte Hélène est construite à Carras, parmi les vignes, les
oliveraies et les vergers.
En 1663, un Bartolomeo Falicon
est nommé consul de Nice. Il représente sans doute
la classe des paysans.

La place Saint-François et le Palais Communal, où siègent les consuls
de la ville [représentation du XVIe s.].
|
Notre
Bartolomeo se marie
en mai 1675
avec
Anna Francesca Rostan (fille de
Gioan
Francesco Rostan). En
juin
1675, couronnement du duc
Victor-Amédée II de Savoie.
Enfants de Bartolomeo et d'Anna Francesca :
Gioan Battista le 12 décembre 1676
(baptisé le 13) ;
Angelica
en 1679 ; Gioan Domenico en 1682 ; Marco en 1685 ; Pietro en 1687
; Angela Maria en 1689.
Sur cette carte de 1685, l'emplacement du quartier de Carras
est indiqué en rouge.
On remarque au passage le village de Falicon sur le flanc du
mont Chauve.
III. Les Falicon
de Sainte-Hélène sous Victor-Amédée II
Face à la politique agressive du roi de France
Louis XIV, le règne de
Victor-Amédée II est fait de
guerres perpétuelles. Entre la frontière et la ville de Nice, la
campagne de Sainte-Hélène va voir défiler toutes les armées entre
la France et le Saint-Empire...
1691-1696
: Guerre de la Ligue d'Augsbourg
Le
4 avril 1691,
ravagé par deux explosions, le Château de Nice doit se
rendre au maréchal Nicolas de Catinat. Les Français vont
occuper la ville et le Comté pendant 5 ans.
Louis XIV se proclame "comte de Nice".
Urbano Falicon, petit
frère de Bartolomeo (né en 1663) part alors
pour la Provence en 1691.
Le 14 octobre, à Cagnes, il épouse une certaine
Honorade Suques.
Pendant cette guerre, Bartolomeo et Anna Francesca ont un
nouvel enfant, Francesco, en 1693.
Le 29
août 1696, Nice et son comté sont rendus au duc
de Savoie.
|
Le 8
novembre 1699, Gioan
Battista Falicon
épouse Lucrezia Martin (fille
d'Urbano Martin). Le mariage est célébré en l'église Saint-Jean-Baptiste (hors les murs,
construite entre 1645 et 1652 au débouché du pont
Saint-Antoine), qui dépend alors de la paroisse cathédrale
Ste-Réparate. Giorgio Martin est témoin.
En novembre
1700, leur premier enfant reçoit le prénom de son
grand-père paternel : Bartolomeo. Les comparents sont les
grands-parents Bartolomeo et Anna Francesca. Naissent ensuite
Urbano (en mars 1702) et Gioanni (en
avril 1703).
1705-1713
: Guerre de Succession d'Espagne
En avril 1705, une nouvelle
invasion ordonnée par Louis
XIV aboutit à la prise de Nice le 14 novembre. Le siège
dure 51 jours, et la ville se rend le 4 janvier 1706.
Le roi de France annexe le Comté et se proclame à nouveau
"comte de Nice". Du 13
février au 25 juillet 1706, les Français achèvent
de raser le Château et les fortifications de la ville
basse (seuls le fort de Montalban et la citadelle de
Villefranche sont conservés). Nice perd définitivement
toute fonction militaire.
Gioan Battista et Lucrezia ont
un nouvel enfant, Giovaneta, en mai 1707.
En juillet-août 1707, Victor-Amédée lance
une contre-offensive et envahit la Provence. On voit donc
passer à Sainte-Hélène des troupes piémontaises et
autrichiennes, qui viennent de Nice et traversent le Var.
L'occupation savoisienne de la Provence est de courte de
durée : l'armée alliée rentre bientôt sans demander son
reste, et les Français reviennent.
Toujours au cours de cette
guerre, Lucrezia donne encore naissance à une
petite Angelica, en décembre 1709.
L'occupation prend fin en 1713 avec la
signature du traité d'Utrecht, qui rend le Comté de Nice à
la Maison de Savoie (sauf la viguerie de Barcelonnette,
cédée à la France). La nouvelle frontière entre le Comté
de Nice et la France sera bornée en 1718.
|

Le traité d'Utrecht a offert le royaume de Sicile aux
Savoie et celui de Sardaigne aux Habsbourg. En 1720,
Victor-Amédée II échange sa nouvelle acquisition contre
celle de l'empereur Charles VI. Désormais (et jusqu'à
1860), le Comté de Nice fait donc partie du " Royaume de Sardaigne". Pour
affirmer la place de ses États sur la carte de l'Europe,
Victor-Amédée y met en place une monarchie absolue
inspirée de celle du "Roi-Soleil".
C'est dans ce contexte
géopolitique que Gioanni Falicon, fils de Gioan
Battista, épouse Maria Cattarina Baudoin, fille
d'Alessandro, en juin 1727. Les Falicon et les
Baudoin sont apparemment deux familles installées de
longue date dans cette campagne de l'ouest de Nice ; le
vieux village perché près du mont Chauve aura donné son
nom aux paysans qui en étaient originaires lors de
l'apparition des noms de famille au Moyen-Âge. Le mariage
de Gioanni et de Cattarina est célébré à la cathédrale
Sainte-Réparate, étant donné que le diocèse n'a toujours
pas de paroisse hors les murs.
|
La
paroisse de Sainte-Hélène
C'est seulement en 1728 que la chapelle rurale de
Sainte-Hélène, construite à Carras au milieu du siècle
précédent, devient une église paroissiale.
En 1730, Charles-Emmanuel
III de Savoie succède à son père sur le trône de
Sardaigne.
IV. La
jeunesse de Francesco sous Charles-Emmanuel III
À cette
époque, le nombre de familles établies dans la campagne de
Sainte-Hélène est estimé à 110. Cette petite communauté vit
en autarcie de ses minces ressources agricoles. "Les paysans vivaient dans des
bastides et des "cassines" de la banlieue, de peu : ils se
nourrissaient de fanes de leur jardin, de pain bis, le
tout assaisonné d'huile. Cela était dû au sol ingrat.
Souvent les paysans et le petit peuple s'associaient à des
fêtes champêtres devant une église", se rappelle le
voyageur suisse Johann Georg Sulzer dans les années 1770
(cité ici par Latouche en 1951).
Gioanni et Cattarina ont de nombreux enfants, parmi lesquels
Francesco, né le 10 décembre 1738 et baptisé
le jour même à Sainte-Hélène.
1744-1748 : Guerre de Succession d'Autriche
Le 2 avril 1744, une armée franco-espagnole
franchit le Var et marche sur Nice, qui capitule
aussitôt. Cette fois, c'est à cause de la guerre de
succession d'Autriche (où le Royaume de Sardaigne et
l’Électorat de Saxe s'allient brièvement à
l'Autriche contre la France et la Prusse).
L'alliance austro-sarde lance une contre-offensive
en octobre-novembre 1746 : les
Français sont chassés du Comté, et l'armée alliée
traverse le Var à son tour pour occuper la Provence
pendant quelques mois.
Puis les troupes franco-espagnoles réoccupent le
comté (sauf Saorge) jusqu'à 1748.
Encore une fois, beaucoup de passage à
Sainte-Hélène...
|

 |
À partir de cette seconde moitié de XVIIIe siècle, les
aristocrates européens commencent à prendre goût au tourisme
hivernal à Nice. Les premiers sont les Anglais (alliés de
Charles-Emmanuel III). Les Falicon sont à l'écart de
l'animation urbaine, mais ils habitent au bord de la route
de France. En temps de paix, c'est un axe commercial très
important.
Le 24 mars 1760, un traité signé à Turin réajuste la
frontière entre le comté de Nice et la France. Cette
nouvelle frontière, qui suit approximativement le cours du
Var, sera bornée l'année suivante.
En 1763, le voyageur britannique Tobias Smollett vient
séjourner à Nice. Il sera l'un des premiers à décrire le
comté d'un point de vue "touristique". Venant de Provence,
il traverse le Var à gué puis passe nécessairement entre les
maisons des Falicon. Après avoir été racketté par les
gueyeurs, il évoque les escroqueries similaires
auquelles se livrent les aubergistes : "And here, once for all, I
would advise every traveller who consults his own ease and
convenience, to be liberal of his money to all that sort
of people; and even to wink at the imposition of
aubergistes on the road, unless it be very flagrant. So
sure as you enter into disputes with them, you will be put
to a great deal of trouble, and fret yourself to no manner
of purpose." A-t-il eu une mauvaise expérience
en passant devant l'auberge des Falicon ?
|
Une vue de la baie depuis les hauteurs de Sainte-Hélène : le
Magnan et la tour du Bari Vièi, Nice et la colline du
Château, mont Boron et cap de Nice, cap Ferrat [gravure
d'Albanis Beaumont rehaussée, 1787].
V. Francesco et
Onorata
Le 7 février 1768, Francesco épouse Onorata Todon,
originaire de Nice intra-muros. Le mariage est célébré à la
cathédrale Ste-Réparate.
Le patronyme Todon indique
une origine médiévale du côté du village de Toudon, surplombant
l'Esteron sur le flanc du mont Vial ; la racine ligure tut-/tud- désigne un éperon
rocheux.
Leur fils Gaetano naît le
4 mai 1783.
Sur ce plan cadastral napoléonien, on reconnaît d'ouest en est
: le vallon Barla (aujourd'hui couvert par le chemin du
Vallon-Barla), le vallon de l'Archet (aujourd'hui avenue de
Fabron) et le Magnan.
La "grande route de Paris à Gênes" est la route de France
(aujourd'hui avenue de la Californie). L'église
Sainte-Hélène est encadrée en rouge.
La batterie Pauline, construite sous l'occupation française
révolutionnaire, a disparu depuis (remplacée par le square
Ziem).
Les terrains des Falicon se trouvent dans la zone marquée
en violet.
1792-1814 : Guerres de la Révolution française et
occupation napoléonienne
Le 28 septembre 1792, l'armée
française qui menaçait depuis quelque temps à
Saint-Laurent-du-Var franchit la frontière et emprunte la
route de France en direction de Nice. Épouvantée, la
population a quitté la ville avec l'armée, en direction de
l'Escarène, pour chercher refuge dans les montagnes et en
Piémont. Le général d'Anselme [ci-contre],
s'attendant à des combats, avance prudemment. Il s'arrête à
Sainte-Hélène, où il loge dans une villa (l'épisode est
rapporté par Joseph André). Là, il reçoit la visite de
l’évêque Valperga, accompagné d’un des trois consuls de la
ville (les deux autres étant déjà partis), qui viennent
implorer grâce. Le général répond : « Monsieur l’abbé, vous
n’êtes pas chez vous en cet endroit, et je vous assure que
son air est malsain pour vous. »
Les Français traversent le quartier sans difficulté,
jusqu'au pont du Magnan, où il va y avoir des affrontements,
quelques volontaires s'étant réunis pour tenter de s'opposer
à l'invasion (on dit que de Orestis et les frères Michaud en
faisaient partie).
Cette gravure représente les événements du 29 septembre
1792. L'armée française a franchi le Var et elle se
trouve au niveau de Sainte-Hélène [A] ;
des volontaires français viennent les affronter sur le
Magnan [B] ; l'armée sarde et 4000 émigrés s'enfuient
vers le Piémont [K].
La ville de Nice [D], le fort de Montalban [G] et la
citadelle de Villefranche [H] vont être pris sans
résistance.
Le
lieutenant-colonel André Masséna [ci-contre]
participe activement à l'invasion du Comté. Il met tout son
zèle dans la répression des résistants, avec beaucoup de
succès puisqu'il connaît bien son pays natal. [Depuis 1869,
un monument érigé sur la couverture du Paillon commémore ses
exploits, et son nom a remplacé celui de Charles-Albert, le
roi qui a aboli la monarchie absolue, sur la grande place du
centre-ville.]
En 1793, la France revendique l'annexion du Comté de
Nice.
Pendant les années d'occupation, un certain André
Gastaud, fils de vermicelliers niçois, se lance dans
la politique aux côtés des Français, tandis que son
frère aîné Honoré s'est réfugié à Turin dès le début
de l'invasion. En 1795, André Gastaud abuse
de sa situation pour acheter à bas prix les terres
confisquées à la noblesse niçoise de Sainte-Hélène :
il va se construire ainsi un domaine de 25 hectares
autour des fermes des Falicon. Il est arrêté pour
corruption en 1797, mais cet épisode est de courte
durée, sa femme ne tardant pas à racheter sa liberté
grâce à leur petite fortune.
|
 Le 27
mars 1796, on voit passer le général Napoléon
Bonaparte, qui vient prendre le commandement de l'Armée
d'Italie.
Masséna est chargé de l'avant-garde.
L'expédition sera rapide : l'armée suit le littoral jusqu'à
Savone, puis franchit les Apennins par le col de Cadibone,
et le Royaume de Sardaigne capitule dès le 28 avril à
Cherasco.
Par le traité de paix signé à Paris au mois de mai, Turin
renonce officiellement au Comté de Nice et à toute force
militaire en Piémont.
Les Français sont bien conscients de la faiblesse du
quartier de Sainte-Hélène, qu'ils ont traversé sans
rencontrer d'obstacle. Ils décident donc de fortifier le
littoral. Devant l'église, ils construisent une batterie :
L'église paroissiale et la batterie
Pauline (aujourd'hui square Félix-Ziem), de part et
d'autre de la route de France.
Au fond, la ville de Nice au pied de la colline du
Château. La vue est prise à peu près depuis l'entrée des
terrains des Falicon. [Gravure d'Hercule
Trachel.]
Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809, le pape Pie VII est kidnappé
par l'armée française et emprisonné à Florence, puis
transféré en France : le convoi traverse le hameau de
Sainte-Hélène le 7 août
1809.
En 1807, âgé de 19 ans, le cousin Jean-Paul a
été enrôlé comme voltigeur dans les armées de
Napoléon (conscrit de 1808). Il
participe
aux campagnes d'Espagne en 1808-1812 (caporal en 1811),
d'Allemagne en 1812 (sergent en 1813) et de France en 1814
(prisonnier de guerre le 25 mars).
VI.
Gaetano et Teresa
La première femme de Gaetano, Pelegrina Negre, meurt en novembre 1809.
En 1810, Gaetano épouse en secondes noces Teresa Auborn,
d'une famille de Saint-Philippe, une autre campagne de
l'ouest de Nice. (Auborn est un nom d'origine
provençale, assez répandu à Nice, que les Français
écriront "Ambourg". L'arrière-grand-père de Teresa était
originaire de Vence : arrivé à l'époque de la guerre de
Succession d'Espagne, il avait épousé une Ardisson à la
cathédrale et s'était établi définitivement à
Nice.)
Ils sont cultivateurs propriétaires au "Barri de Masson" :
c'est ainsi qu'on appelle le quartier du littoral autour de
l'église Sainte-Hélène.
Les premiers enfants de Gaetano et Teresa sont Maria
Alessandra, née en 1811 ("Marie Alexandrine"), et Sebastiano, né en 1813.
Après plusieurs années de détention, Pie VII est libéré en
janvier 1814 et peut regagner Rome. Il traverse à
nouveau le hameau de Sainte-Hélène le 11 février 1814.
|
Restauration

Le père de Gaetano,
Francesco Falicon,
meurt deux semaines après la libération, le 15 juin 1814, à l'âge de
75 ans.
Sa veuve, Onorata, a 63 ans.
Gaetano a 31 ans ; sa seconde femme, Teresa, en a 26 ;
leur fille Alessandra, 5 ; et leur fils Sebastiano vient
d'avoir 1 an en mai. La petite Maria Falicon, issue du
premier mariage, doit avoir autour de 8 ans.
Depuis 1782 (et jusqu'aux années 1860), les Falicon du
quartier sont enterrés au cimetière de Sainte-Hélène, à côté
de l'église paroissiale (fermé vers 1869, aujourd'hui
disparu sous les immeubles).
|
VII. Les
frères Sebastiano, Francesco et Ambrogio
Gaetano et Teresa ont une autre
fille en 1816 : Maria Onorata.
La petite Alessandra meurt dès 1816, âgée de 5 ans.
Le second fils, Francesco,
naît en 1818.
Les enfants grandissent entre les champs et le rivage, avec leurs
parents et grands-parents, au milieu de nombreux cousins.

À la Restauration, les paysans du quartier restent à leur place.
Seuls les nobles, pendant l'occupation, ont été dépossédés de
leurs terres, acquises essentiellement par André Gastaud [portrait
à droite], qui est donc le nouveau voisin des Falicon.
Il se retire de la vie politique et mène une vie paisible sur ses
terres de Sainte-Hélène, jusqu'à sa mort en 1821.
Dans les années 1820, Gaetano et Teresa ont d'autres enfants,
notamment Maria
(en 1820), qui épousera en 1845 un certain Ange Anselme
Gilli ; Ambrogio
(en 1823), qui se mariera en 1843 ; puis Henriette
(vers 1825), qui épousera en 1850 Jean-Baptiste Portanieri,
de Tourette-Levens.

Décès d'Onorata Todon veuve Falicon
en 1826.
|
Vue de la baie des Anges, du
Paillon à Carras (puis jusqu'au fort et au cap d'Antibes, avec
l'Estérel derrière) [par Clément Roassal]. On distingue
l'église paroissiale Sainte-Hélène au milieu de l'image.
Ci-dessous : le festin de Sainte-Hélène par Antoine Trachel ; costumes de fête à la campagne par
Clément Roassal.

La vie quotidienne est loin d'être harmonieuse, dans cette petite
communauté de fermiers de "Nice hors les murs". Dans les
années 1820-1850, de nombreuses affaires opposent les voisins. Les
plus fréquentes sont des questions d'héritages, de legs et
donations, de créances, de propriété de terrain, de paiement de
dot et de pension alimentaire. D'autres litiges concernent le
droit de passage, le paiement de gages de domestique, la
résiliation d'un contrat agricole ; ainsi que des affaires plus
concrètes, comme des travaux de voisinage, un chantier dans une
cour mitoyenne, la construction d'un muret de séparation avec
appropriation d'une partie du terrain et des dégâts provoqués dans
un terrain boisé, ou encore l'achat d'une charrette pour le
commerce du vin et du raisin avec la France. Maria est ainsi en
conflit avec son frère aîné Francesco, et d'autres affaires
impliquent Gaetano, les frères Gioanni et Domenico, Maria épouse
Berthé, Giuseppina et son beau-père Gaetano, ainsi que les
Gastaud, etc.

Teresa Falicon née Auborn
meurt dès 1827.
Elle laisse son mari Gaetano (44 ans) et leurs enfants,
notamment les frères Sebastiano et Francesco,
qui reprendront l'exploitation familiale, et Ambrogio,
qui gérera l'auberge d'en face.
|
La conquête de l'Algérie par la France en 1830 met un terme aux attaques
de pirates barbaresques sur les côtes du Royaume.
En 1836, à la demande de son père, Francesco est recensé à son tour
(classe de 1838, no 287). Son frère étant déjà enrôlé, il est
provisoirement dispensé de service militaire.
En juillet 1838, Sebastiano
épouse Pelegrina Bottin, fille d'un agriculteur français,
propriétaire à Vallauris (arrondissement de Grasse, département
du Var).
Sa soeur Maria se marie avec un Ange Anselme Gilli, d'une
autre famille de Sainte-Hélène.
En septembre 1843, à
Cimiez, Francesco épouse Catarina
Laugier, d'une famille de cultivateurs propriétaires à
Brancolar (paroisse de Cimiez).
Le même jour, à Sainte-Hélène, son frère cadet Ambrogio
épouse Giuseppa Falicon (probablement cousine, mais d'une
branche éloignée).
Enfants de Sebastiano et de Pelegrina :
_________________________________
- Maria vers 1839 (à Vallauris), +1848
- Vincenzo Maria vers 1842, +1848
|
Enfants de Francesco et Catarina :
__________________________________________________________
- Maria Francesca *1844. Elle
épousera Emmanuel Maiffret (*1837).
- Massimo *1847, +1912. Il deviendra boulanger,
puis employé aux chemins de fer.
- Enrica *10.05.1849, +1934. Elle sera
couturière.
- Giacomo *1853, +1940. Il sera cultivateur.
- Maria Luigia *24.10.1855, +1943. Elle sera
couturière et épousera Louis Cagnoli.
- Giuseppa *12.05.1858 (Sainte-Hélène), +1907.
Elle épousera Élie Ferdinand Cagnoli.
- Giulio Antonio *1860, +1932
|
Enfants de Maria (Gilli) :
_____________________
- Antoine *01.1843
- Gaëtan *07.1848
- Laurent *10.1857
- Louise *12.1851
- Marie *03.1855
- Thérèse *04.1846
|
Enfants d'Ambrogio et de Giuseppa :
______________________________
- Gioanni Battista 1846-1901
- Bernardo 1849-1930
(ils deviendront maçons au
177, avenue de la Californie, emplacement de l'auberge
familiale)
|

La route de France, en arrivant de Nice à Sainte-Hélène. - Nice en 1847. À l'ouest, le hameau de Sainte-Hélène. (À
l'est, près du pont
Neuf et de la Croix de Marbre, les domiciles des Cagnoli.)
En 1847, l'Almanach de la division de Nice recommande
aux étrangers de passage quelques "promenades que l'on peut faire
en voiture". La première va "au pont du Var, frontière de France"
:
"La route unie et plate suit toujours le bord de la mer, et est
très fréquentée. Avant d'arriver à l'église Sainte-Hélène [en
venant de Nice], on peut s'arrêter : d'abord, au jardin
de M. Gastaud, grande propriété dans laquelle une belle serre et
un vaste parterre sont en tout temps garnis de fleurs ; puis
au-dessus, on trouve la terre de Mme Jaume : la voiture parvient
jusqu'au pied de la maison d'habitation, par un chemin tracé au
milieu d'un petit bois et de cultures variées.
Lorsqu'on est arrivé à la frontière, les bois qui bordent
le Var procurent une promenade champêtre. On y rencontre
quelques chemins de voiture."

Nice vue de Carras, par Hercule Trachel.

Un plan du quartier de Sainte-Hélène dressé par
l'administration, probablement en 1848 (ou peu après)
[Archives départementales].
Les Falicon possèdent le petit ensemble indiqué en bleu, de part
et d'autre de la route de France, entre l'église paroissiale et
le vallon Barla.
Par curiosité, voici le même point de vue aujourd'hui. En
rouge, on reconnaît la villa Les Palmiers (4) et
l'église paroissiale (1) :

Un détail intéressant : le colombier de Gastaud, mis en
évidence sur le plan de 1848, est toujours visible aujourd'hui (photo en bas de page).
Risorgimento
1848-1849 : Première Guerre d'Indépendance italienne
En mars 1848, Charles-Albert
mobilise les 4/5 de l'armée sarde (65.000 hommes) pour
aller soutenir les Milanais qui se soulèvent contre
leur empereur Ferdinand Ier. Le 31 mars, le
commandant de la place de Nice appelle les contingents de
cavalerie des classes de 1816 à 1821 (L'Écho des Alpes maritimes,
2 avril). En outre, les militaires en congé sont invités à
se présenter à Turin pour un enrôlement volontaire. Sebastiano est sans doute
déjà trop âgé pour être appelé (c'est sa dernière année
dans l'armée de réserve), mais Francesco est
probablement mobilisé. La Brigata Cuneo, en
garnison à Nice, quitte la ville et se dirige vers Gênes.
C'est dans ce contexte que le roi adopte le drapeau
tricolore des révolutionnaires.
Charles-Albert amnistie Giuseppe
Garibaldi et l'invite à rentrer d'Amérique pour
venir assister les révolutionnaires alliés. Le retour du
"héros" est annoncé dans la presse dès le 9 mars.
Dans un premier temps, la Brigata Cuneo, placée sous le
commandement du prince héritier Victor-Emmanuel, forme une
partie de la brigade de réserve. Puis elle participe aux
batailles de Pastrengo (30 avril, sans grands
dommages pour les Sardes), de Sainte-Lucie (6 mai, 230
morts et 370 blessés chez les Sardes) et
de Goito (30 mai, 43 morts et 253 blessés, grosses
pertes pour les Autrichiens). Charles-Albert est
brièvement acclamé comme le "roi d'Italie".
Entre-temps, Garibaldi a quitté Montevideo le 15 avril à
bord de la Speranza et il accoste directement à
Nice le 21 juin. Le dimanche 25, il donne
un discours à l'occasion d'un banquet à l'hôtel d'York.
Puis la Speranza quitte le port Lympia le 26 à
destination de Gênes.
Peu après la bataille de Custoza (24-25 juillet),
Charles-Albert capitule au début du mois d'août et signe
un premier armistice avec les Autrichiens.
À la fin
de l'année, l'empereur d'Autriche abdique au profit de son
neveu François-Joseph, âgé de 18 ans.
Pendant la trêve, des révolutions éclatent en Toscane et
aux États-Pontificaux (et les Garibaldi y participent).
Le 12 mars 1849,
les alliés rompent le cessez-le-feu avec les Autrichiens.
Mais le sursaut est de courte durée : après une dernière
défaite (bataille de Novare, 23 mars, à laquelle participe
la Brigata Cuneo), Charles-Albert
abdique (s'enfuit incognito et meurt en exil au Portugal),
et son successeur Victor-Emmanuel
II vient signer l'armistice définitif avec le maréchal
Radetzky (Vignale, 24 mars). Le traité de paix sera
signé à Milan le 6 août.
Ferdinand Ier. -
Charles-Albert et ses troupes traversant le Tessin. -
Giuseppe et Anita Garibaldi à Rome. - Radetzky et
Victor-Emmanuel II. - François-Joseph.
|
Giallo à l'auberge
En 1848, Ambrogio dit
"Roaina", 25 ans, tient une auberge au bord de la route
royale du Var, juste en face de la maison de son père
(Gaetano) et de son frère (Francesco).
Le soir du dimanche 3
décembre, une rixe éclate dans son établissement,
exacerbant les conflits de voisinage évoqués précédemment.
À l'aube, le corps d'Ignazio Felice Ramoin (fils
d'Onorato), propriétaire âgé de 27 ans, est retrouvé
inanimé sur la chaussée devant la porte de la
cuisine.
En cette première année de liberté de la presse, le fait
divers est rapporté par L'Écho
des Alpes maritimes (lundi 4), qui paraît
depuis janvier. Le journal s'abstient prudemment de
donner des noms et laisse la justice faire son travail :
L'autopsie révèle que les coups portés à la tête de
la victime avec un objet dur et contondant
ont provoqué une blessure grave avec fracture de l'os
occipital, jugée cause de sa mort instantanée. Le cadavre
est inhumé au cimetière de Sainte-Hélène le mardi 5.
Dénoncé par le père de la victime, Ambrogio est le suspect
numéro 1. Il va être ainsi l'un des premiers Niçois à
goûter aux réformes albertines dans le domaine de la
justice...
Le vicaire Don Vittorio Caisson, prêtre de la paroisse et
locataire au premier étage de l'auberge, dit aux
carabiniers qu'il n'a rien vu, rien entendu.
 Le maréchal des logis
des carabiniers :
Le 19 avril 1849,
Giuseppa donne naissance au petit Bernardo, en l'absence
du père, qui est alors en détention dans l'attente de la
sentence. L'enfant est baptisé par Don Caisson.
L'enquête nous livre des documents exceptionnels sur la
configuration du quartier et de l'auberge. Ci-dessus, on
voit l'église paroissiale et son presbytère face à la
batterie. La propriété de Gaetano est séparée de l'église
par des terres appartenant aux frères Gastaud.
L'auberge d'Ambrogio est située juste en face, au sud de
la route Royale, dont elle est séparée par un trottoir.
Les traces de sang trouvées sur le côté du bâtiment
et derrière laissent penser que les coups ont été portés
sur la plage.
 Façade
(sur
la route Royale) et plan détaillé de l'auberge
d'Ambrogio Falicon (extrait du procès n° 280, 24
avril 1849).
La porte principale est au centre, surmontée
d'un linteau. Le cadavre a été trouvé au niveau de
l'ouverture no 4, une porte de la cuisine donnant sur la
rue.
Au premier étage, la moitié ouest constitue
l'appartement du vicaire Don Caisson (les trois fenêtres
à droite sur la façade ci-dessus).
Ci-contre : la cour
d'appel, avec ses prisons et sa loge.
L'audience se déroule sur cinq jours, du 5 au 9 novembre,
sous la présidence du sénateur Jean-Baptiste Donetti.
Le mardi 6, au cours de l'audition des témoins à charge et
à décharge, on interroge notamment le vicaire Don Caisson
(la semaine suivante, il glissera un article dans L'Écho des Alpes maritimes
pour se défendre d'accusations de mensonge dans cette
affaire, son statut de prêtre ayant posé des
problèmes dans le cadre des interrogatoires sous
serment).
La sentence tombe le vendredi 9 : Ambrogio est jugé
coupable d'homicide
volontaire, avec pour complice Nicola Mari (26
ans, charretier). Ambrogio est condamné aux travaux forcés à vie
et au pilori ;
Nicola à 10 ans de travaux forcés.
Il se trouve que
Charles-Albert vient de créer une Cour de cassation à
Turin dans le cadre de ses réformes : elle exerce depuis
le mois de mai 1848. Le bâtiment est celui de
l'ancien Sénat royal de Victor-Amédée II [ci-contre].
Les condamnés se lancent donc dans une nouvelle aventure :
ils font appel. Outre quelques obscurs détails de
procédure, leur recours (présenté par maître François
Crettin, avocat fiscal général au Sénat royal de Nice)
s'appuie sur les arguments suivants :
- Onorato a été entendu comme témoin à charge sous
serment alors qu'il est le père de la victime et le
dénonciateur des accusés ; par contre, la cour a
refusé d'entendre Ambrogio comme témoin à décharge
(mais c'était incompatible avec son statut
d'accusé) ;
- aucune preuve formelle n'a été présentée pour
démontrer qu'Ambrogio était l'auteur des coups,
et Nicola est inculpé de complicité pour avoir
simplement assisté à l'acte (autrement dit, l'un a
assisté au meurtre que l'autre n'a pas commis ? de
toute façon, la cour de cassation jugera qu'il y a
suffisamment d'éléments de preuve pour accabler
Ambrogio, et que Nicola a assisté le meurtrier en
pleine conscience) ;
- la blessure a pu être volontaire, mais sans
intention de donner la mort (réponse : "il
n'appartient pas à la justice de juger les
intentions des délinquants").
La conclusion est rendue le 28 décembre par le juge suprême Giuseppe
Gromo [le jugement est donc signé "Gromo & Crettin"]
assisté par l'avocat général Lauteri : le recours est
rejeté et les peines sont maintenues.
Ambrogio est sans doute exposé dans la loge de la cour
d'appel [photo à droite ci-dessus]. Outre à Nice
et Villefranche, il y a des bagnes maritimes à Gênes
et à Savone, ainsi que sur l'île de la Capraia ; par
ailleurs, les citadelles d'Alexandrie et de Fenestrelle
sont aussi deux grands centres de détention du royaume. Il
meurt apparemment entre 1849 et 1851, la famille ne
sait ni où ni comment ("en galera"). Âgée de 26 ans, sa
veuve Giuseppa se remarie en juillet 1851 (avec Antonio
Risso, orphelin de 24 ans ; l'union est célébrée à
Sainte-Hélène par Don Caisson) et continue de gérer
l'auberge.
|

Gaetano Falicon,
veuf de Teresa depuis 1827, meurt à son tour en 1855.
Conformément au règlement (en vigueur depuis 1782), il est
enterré au cimetière paroissial, à côté de l'église
Sainte-Hélène.
Les enfants (notamment Sebastiano et Francesco) héritent
alors des terrains agricoles des Falicon de Sainte-Hélène.

|

Mention du hameau dans le Dizionario generale
geografico-statistico degli Stati
Sardi (Turin, 1855).

Extrait des cartes d'état-major des
États-Sardes (années 1850).
D'ouest en est, en rouge : les postes de douane de part et
d'autre du pont du Var, le hameau de Sainte-Hélène (église et
batterie), le faubourg de la Croix-de-Marbre, le pont Neuf
("St-Charles") et le pont Vieux ("St-Antoine").
En bleu, les principaux vallons que l'on traverse en
parcourant la route de France entre le Var et le Paillon :
Barla, Magnan, Mantega (actuel boulevard Gambetta) et
St-Barthélemy (actuelle rue de Rivoli).

Sur les terres des Gastaud : le colombier et la terrasse de la
villa Les Palmiers (par Hercule Trachel, à l'occasion de la
visite de la tsarine Maria Alexandrovna en 1858). - Le colombier
en 2014.

Le pont frontalier en 1859 (photo de Pierre Ferret). En face, en
amont, le village de Saint-Laurent.
[cliquer sur les arbres pour lesagrandir]

VIII. Le
changement de souveraineté
En 1858, à Plombières, le président du Conseil du Royaume de Sardaigne, Cavour, s'est
mis d'accord avec l'empereur Napoléon III pour céder à la France le
Comté de Nice et le Duché de Savoie en échange d'une aide militaire
pour chasser les Autrichiens d'Italie.
Première conséquence de
l'entrevue de Plombières : le 13 mai 1859, Napoléon III se
lance dans une Campagne d'Italie, comme du temps de son oncle. Les
troupes impériales françaises entrent dans Nice [ci-contre,
tableau
de Trachel] pour aller combattre les Autrichiens sur
le Pô.
Seconde
conséquence : la cession territoriale promise par Cavour est
officialisée par un traité signé à Turin en mars 1860. Le 1er
avril, l'armée française franchit le Var, traverse le quartier
de Sainte-Hélène, et prend le contrôle du Comté de Nice. Les
Français organisent un plébiscite dès les 15 et 16 avril pour
valider rapidement l'annexion.
Entre 1860 et 1864, au nord des propriétés Falicon, la Compagnie des
chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée construit la voie ferrée en
bordure des terrains [voir le tracé ci-dessous]. Il est même
vraisemblable qu'une partie des champs autour du hameau aient été
réquisitionnées pour la PLM, y compris certaines terres de la
famille.
Le tronçon Cagnes-Nice ouvre le 18 octobre 1864, amenant dorénavant
un flot de touristes du nord-ouest de l'Europe.
La gare de Nice en 1865.
En 1867, Joseph
Falicon, un cousin charretier, fait construire une maison
avec balcon sur le côté nord de la route :
La façade a une douzaine de mètres de large. À l'ouest, le
terrain adjacent appartient à Antoinette Portanelli (soeur
ou nièce de nos trois frères Falicon) ; à l'est se trouve la
maison de François Falicon. Le balcon donne sur la route et
la mer.
|
Plan cadastral de 1871. Les propriétés Gastaud ont été divisées
en lots :
Château de Barla, Château de Fabron (aujourd'hui parc
Carol-de-Roumanie), Villa Blanc (aujourd'hui Musée d'Art naïf),
Les Palmiers (aujourd'hui Archives municipales et résidence des
Grands-Cèdres), etc.
La voie ferrée (années 1860), la route de France (aujourd'hui
avenue de la Californie) et l'actuelle promenade des Anglais
(1882) sont représentées respectivement en gris, vert et bleu.
Le terrain militaire autour de la batterie s'étend de l'hôtel
Radisson à la station-service inclus.
Les propriétés des familles Falicon sont circonscrites en violet
: l'ensemble forme un véritable petit village.
Du côté nord de la route, Francesco partage avec son frère Sebastiano un terrain de 952 m².
Sur le plan détaillé ci-dessous, on peut voir la maison de
Francesco, 90 m² au sol [393], et celle de Sebastiano, 120 m² au sol
[395]. Les deux frères partagent un puits [392] et une cour de 225
m² [394]. Le tout correspond à l'actuelle résidence Solazur, 154-156
av. de la Californie. En outre, Sebastiano a un jardin de 240 m²
[391]. Quant à Francesco, il possède un moulin à huile [390]. En
effet, les Falicon-Laugier sont fabricants d'huiles. De l'autre côté
de la route, ils ont encore 680 m² de terrain autour d'un réservoir
[366-367, aujourd'hui l'immeuble 149 av. de la Californie, qui se
distingue à sa cage d'escalier en façade sur une double cour
intérieure].
Au sud et à l'ouest, les îlots voisins [358-364 et 371-385]
appartiennent aux familles Falicon, Maiffret, Pin, Galante,
Bourroul, etc., qui sont toutes étroitement apparentées (voir
cette page détaillée). Outre leurs maisons et jardins, ils
possèdent un four à pain [374] et une écurie de 88 m² avec fenil
[381-381bis]... Le tout s'étend à l'ouest jusqu'à l'actuelle rue
Aubry Lecomte. Un peu plus loin, au bord de la route, après un
espace public réservé au pâturage, Antoine Risso-Falicon tient une
auberge [355-356, aujourd'hui immeubles 177-179 avenue de la
Californie], à ne pas confondre avec celle d'Ambrogio, qui
appartient maintenant aux Spinetta-Colla (Bernard Spinetta, fils de
Jean-Baptiste, et Madeleine Colla, fille de Joseph et d'une
Marie Falicon).
La route de France, aujourd'hui (avant et après la construction
de la ligne de tram), avenue de la Californie, en regardant vers
Nice.
À gauche, les balcons dorés sont ceux de la résidence
Solazur, où se trouvaient les maisons de Francesco et
Sebastiano.
Complètement à droite, les balustrades métalliques sont celles
du n° 149, à l'emplacement du réservoir des Falicon-Laugier.
Plus loin, on distingue l'église Sainte-Hélène.
Démembrement des propriétés Gastaud
Lorsque André Gastaud meurt en 1821, son seul héritier
direct est son frère aîné Honoré, qui s'était réfugié en
Piémont pendant l'occupation. Le petit-fils de celui-ci, le
banquier Honoré Gastaud, héritera, à terme, de la totalité
des terres.
En 1847, ainsi, Honoré Gastaud devient propriétaire d'un
domaine de 25 hectares (dont le père garde l'usufruit). Il
fait aménager un jardin exotique autour de la maison,
agrémenté d'une serre, de rochers, de grottes artificielles,
etc.
À la mort de son père en 1867, il agrandit encore son
domaine. Mais voici que le banquier fait faillite
(1869-1870). Ses biens sont mis aux enchères.
La plupart des terres sont rachetées en 1871 par Ernest Gambart [ci-contre,
portrait par John Prescott Knight], homme
d'affaires belge naturalisé britannique, marchand d'œuvres
d’art et consul d'Espagne à Nice. |

Villa Les Palmiers
En 1872, Ernest Gambart remplace la traditionnelle
villa des Palmiers par l'imposant Palais de Marbre
(aujourd'hui Archives municipales, au sein de la résidence
des Grands-Cèdres).
Les terres de ce domaine s'étendent très loin en-deçà de
la voie ferrée, comme on peut le voir sur le plan détaillé
ci-dessus : tout autour des îlots Falicon (y compris la
maison attenante au moulin à huile), tout autour de
l'église, à l'exception d'un pâturage qui reste public et,
bien sûr, de l'église et du vaste terrain militaire de la
batterie (aujourd'hui hôtel Radisson).
Outre le Palais de Marbre et les jardins avec leurs
nombreuses statues et faux rochers, il reste le colombier
[313] et des vestiges de serres.
|



|
Château de Barla
De même, Ernest Gambart rachète le château de Barla,
construit avant 1870 par Gastaud. Il a un style composite
qui emprunte à la fois au gothique et au classicisme, avec
une tour carrée caractéristique.
Gambart revend le château en 1874 au britannique George
Bishop, qui le modifie pour lui donner un style
"troubadour".
|

|

Un peu plus haut : le Château de Fabron est un
terrain de Gastaud également acquis par Gambart, qui le
revend en 1879 au duc Ernest II de Saxe-Cobourg-Gotha. Le
château proprement dit a disparu depuis, et ce terrain,
acquis par la ville en 1956, est devenu le parc
Carol-de-Roumanie, ainsi baptisé en l'honneur de son dernier
propriétaire, le roi Carol II, fils de la reine Marie de
Roumanie (née princesse de Saxe-Cobourg-Gotha et du
Royaume-Uni).
Il reste tout de même un vestige du temps de Gambart :
une maison rurale [254] construite en 1873 dans une
oliveraie du Château de Fabron. Peut-être donne-t-elle une
idée de ce que pouvaient être les bâtisses des Falicon en
bord de mer.
|
|
La villa Blanc
Cette partie de la propriété Gastaud a été achetée en 1871
par François Blanc, créateur du casino de Monte-Carlo.
En 1882, son fils Edmond Blanc fait bâtir une villa, qu'il
baptise Château Sainte-Hélène.
Le bâtiment existe toujours, mais il a été considérablement
modifié (après de nombreux rachats et transformations, la
villa a été rachetée en 1973 par la ville de Nice pour y
installer le musée d’Art naïf Anatole-Jakovski, ouvert en
1982).
|
|

Sur les terrains Gastaud se trouva aussi, par la suite, le
Château Sainte-Anne, aujourd'hui remplacé par une
résidence du même nom et par le parc de l'Indochine.
|

|
En 1876, l'ensemble des
propriétés Falicon-Laugier sont rachetées par l’État
français (administration des Ponts et Chaussées).
Le 28 octobre 1876, Louise épouse
Louis Cagnoli, d'une famille
d'ébénistes des nouveaux quartiers de Nice sur la rive droite du
Paillon. Élie Ferdinand Cagnoli, frère du marié, est témoin.
Le 14 juillet 1877, Joséphine épouse Élie Ferdinand, dont la première
femme vient de mourir. Louis Cagnoli est témoin.
Sur cette photo de 1878
(Gilletta), on voit l'église paroissiale et la batterie de part
et d'autre de la route de France ; au premier plan, la propriété
Gambart.
En 1878, "concession d'une parcelle de terrain dépendant de
la route nationale 7 pour l'installation d'une tonnelle au droit de
la propriété du concessionnaire Falicon".
Dans les années 1878-1884,
"aliénation au bénéfice des sieurs Falicon et Maiffret de terrains
provenant des lais et relais de mer". En 1895, sur ces terrains, "amodiation d'une parcelle
[...] pour l'installation d'un jeu de boules".
Un peu plus à l'ouest, sur la
rive droite du vallon Barla, au nord de la voie ferrée, le
Polonais Michel Rohoziński, comte de Leliwa, achète une
propriété Girard à la fin des années 1880. Il fait transformer la bâtisse
existante en un château d'allure médiévale, qu'il baptise Manoir
Leliwa.
|

|

Également sur la rive droite du vallon Barla, mais au sud de
la voie ferrée, la villa La Luna est longtemps
restée à l'abandon (260 promenade des Anglais, photos
ci-contre). Finalement acquise par la ville de Nice, elle a
été rénovée en 2017-2018.
|

|

Francesco Falicon meurt
en sa propriété le 27 mars 1889, âgé de 71 ans.
Il est inhumé au cimetière de Caucade, créé récemment non
loin de là, à flanc de colline (carré 4, CAP 1862).
|

En 1893, les maçons Jean-Baptiste et Bernard
Falicon, fils de l'aubergiste Joséphine
(veuve d'Ambroise mort suite à sa détention pour
homicide, remariée avec Antoine Risso) acquièrent une
concession à perpétuité à Caucade, à côté de celle de leur
cousin François. Ils la dédient à la "Famille Falicon frères" :
on y inhume la petite Jeanne, fille de Bernard, décédée à
l'âge de 18 mois.
Bernard et sa mère vivent toujours à l'emplacement de
l'ancienne auberge (maintenant 177 avenue de la Californie).
Joséphine, ses deux fils et leurs familles
partageront cette sépulture.
|
Joséphine Falicon avec son mari
Élie Ferdinand et leurs enfants (et cousins) dans le vallon de
la Bournala vers 1900.
Entre 1901 et 1906, Louise
s'installe avec son mari Louis Cagnoli (et leurs deux fils
ébénistes) dans la nouvelle "rue de Falicon" (qui
sera renommée "rue des Combattants en Afrique du
Nord" en 1980), de l'autre côté de la voie ferrée. Il
s'agit d'une petite allée construite en 1897 sur le vallon
Saint-Barthélemy pour relier la gare du "PLM" à celle de
la "Compagnie des chemins de fer du Sud de la France" (inaugurée en
1892). Elle porte le nom de la comtesse de Falicon, expropriée pour
la réalisation de cette voie de raccordement (voir Le Petit Niçois, 25 mars 1897,
p. 2).

Catherine Laugier veuve
Falicon meurt en 1908 au 26 rue de
Falicon.
Elle rejoint son mari au cimetière de Caucade.
Par la suite, leurs
enfants seront également inhumés dans cette sépulture
familiale : notamment Maximin en 1912 ; Antoine en 1932
; Henriette en 1934 ; Jacques en 1940 ; Louise en 1943 (et son mari Louis Cagnoli dès 1932).
|
En 1908, l'annuaire de Nice
répertorie les Falicon ci-dessus.
Il reste de nombreux cousins
actifs sur l'ancienne route de France (rue de
France, avenue de la Californie, Caucade), notamment
l'entrepreneur maçon Bernard à l'emplacement de l'ancienne
auberge.
Au bord de l'avenue
de la Californie, sur la façade du n° 112 (Villa Apraxine),
il reste une fontaine de marbre portant cette inscription :
Donas a beure en achelu ch'an set.
|

|

En 1894, la batterie Pauline est démolie et le terrain est
récupéré pour prolonger la promenade des Anglais. Un square
est aménagé à la place de l'ancien ouvrage de défense. Il
prendra le nom du peintre Félix Ziem, mort en 1911 : un
buste de l'artiste est érigé dans le jardin.
Sur la carte postale de gauche, on aperçoit au fond la
pension-restaurant-garage "Le Minaret" (140 rue de la
Californie), à l'architecture exotique. À droite, on peut en
voir la salle à manger.
|
 |
J. de Grandières, Nice vue de la plage à Carras, 1879
(Acadèmia
Nissarda) ; à droite, les Bains Georges (Walburg de
Bray, 1873).
Nice vue de Sainte-Hélène
aujourd'hui (2014).
Sources :
Archives
départementales des Alpes-Maritimes
Archives
municipales de Nice
Au sujet des Falicon de Sainte-Hélène, voir ce site bien
documenté.
Pierre GIOFFREDO (1629-1692), Histoire
des Alpes maritimes.
Almanach de la division de Nice et Indicateur niçois pour
l'année 1847, Société typographique, Nice, 1847.
Collezione delle sentenze del
Magistrato di Cassazione - Anni 1848-49, Torino,
1850.
Dizionario
generale geografico-statistico degli Stati Sardi, 1855.
Robert LATOUCHE, Histoire de
Nice des origines à 1860, Tome 1, Paris, 1951.
Charles-Alexandre FIGHIERA, "La
desserte
de la campagne niçoise aux XVIIe et XVIIIe siècles (églises et
chapelles rurales)", Nice
historique, 1967, pp. 65-90.
Évelyne MIGLIORE, Citadins à la
campagne - La paroisse Sainte-Hélène de Nice au 18e siècle,
Laboratoire d'histoire quantitative, Nice, 1978.
Stefano ALES, L'armata sarda e
le riforme albertine, Stato Maggiore Esercito, Roma,
1987.
André COMPAN, Les noms de
personne dans le comté de Nice aux XIIIe, XIVe et XVe siècles,
Serre, Nice, 2004.
Anne BROGINI, "Villefranche et la mer aux XVIe et XVIIe siècles",
in Villefranche et la mer,
éd. du Musée d'anthropologie préhistorique de Monaco, 2019.
Retour à l'index Europe 1815