Falicon, Nice
(XVIe-XIXe siècles)
Cultivateurs à Carras


   

La campagne de Carras se trouve à l'ouest de Nice, au pied des collines, en bord de mer, à 4 km environ des portes de la cité. L'image ci-dessous donne une idée du cadre, et de la vue qu'on y a sur Nice et sur le cap Ferrat. À l'écart de la ville et de ses fortifications, le hameau est constitué de quelques fermes et de maisons rurales de la noblesse niçoise, mais sa situation n'est pas commode, exposée en permanence aux invasions françaises (par la route) et aux pirates (par la mer). En effet, si le Comté de Nice est éternellement un territoire frontalier entre Provence et Piémont, sans cesse disputé par la France et l'Italie (du Moyen-Âge à 1947), le quartier de Carras se trouve aux confins mêmes de Nice et de la France : c'est en quelque sorte la frontière de la frontière. Sa situation sur la grand-route du littoral à l'entrée du Comté est stratégique pour le commerce, mais catastrophique pour la sécurité.



Dominique Rozier, Nice vue de la plage à Carras au XIXe siècle (Acadèmia Nissarda).

 
La représentation ci-contre est tirée de la galerie des cartes, au Vatican (XVIe siècle). La commune de Nice est indiquée en jaune, avec la campagne de Carras en bleu.


 

I. XVe-XVIe siècles

Blanche of Montferrat.jpgLe 13 mars 1490, le duc Charles de Savoie meurt à l'âge de 22 ans (on pense qu'il a été empoisonné par le marquis Louis II de Saluces). Sa veuve Blanche de Montferrat [ci-contre] prend en charge la régence de leur fils, Charles-Jean-Amédée, âgé d'à peine un an.
Le 1er mai 1492, Blanche et le gouverneur de Nice (Antoine de Soumont) réforment la procédure d'élection des syndics de la ville. Le sort désigne Antoine Falicon parmi 8 citoyens chargés d'élire les 4 nouveaux syndics (un pour chacun des 4 états) qui administreront la ville à compter du 1er janvier 1493 : ils désignent le noble Matthieu Marquesan, le marchand Jean Caravadossi, l'artisan Jean Nicolai et le paysan Antoine Pittavino [cf. Gioffredo].


Juillet 1524 : bataille navale dans la baie des Anges

En Europe, le XVIe siècle n'est autre qu'une série de conflits entre le Royaume de France et le Saint-Empire. François Ier a pris le Milanais en 1515 (Marignan), mais il en est expulsé par les troupes impériales dès avril 1524 (6e guerre d'Italie, 1521-1525). Les Français battent alors en retraite, et l'armée de Charles V est bien résolue à les pourchasser jusqu'en Provence. Fin juin, les belligérants arrivent sur le littoral niçois : les Français s'abritent dans la rade de Villefranche (le duc Charles II de Savoie étant alors "neutre"), tandis que les troupes impériales mouillent à Monaco.
Le 7 juillet, les Espagnols sortent 18 galères de Monaco pour débarquer leurs troupes à Nice (flotte de l'amiral Hugues de Moncade, soutenue à terre par l'infanterie de Charles III de Bourbon). Mais 15 galères françaises interviennent et se mettent à les bombarder (avec l'aide d'Andrea Doria). Les Espagnols reprennent le large, sauf 3 navires, qui n'arrivent pas à suivre et tentent tout de même de viser la plage de Carras. Il s'ensuit une bataille navale au cours de laquelle les galères impériales sont attaquées, bombardées, capturées, libérées, incendiées... avec de lourdes pertes des deux côtés.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/3f/Banner_of_the_Holy_Roman_Emperor_%28after_1400%29.svg/200px-Banner_of_the_Holy_Roman_Emperor_%28after_1400%29.svg.png?uselang=frIllustration.   Illustration.
L'empereur Charles V et le roi de France François Ier.
 

La bataille navale franco-espagnole du 7 juillet au large de Carras (par Théodore Gudin, 1846),
entre Moncade et Doria...

... et la course-poursuite vers la Provence.
   


Juin 1538 : le Congrès de Nice

En 1538, pour en finir avec la 8e guerre d'Italie, le pape Paul III a organisé à Nice un Congrès afin de persuader Charles V et François Ier de consentir à une trêve.
Le souverain pontife à Nice le 17 mai, accompagné par des diplomates vénitiens et par une douzaine de galères espagnoles. Devant ce déploiement de forces militaires, les Niçois paniquent : dans ce contexte de guerre incessante entre les deux voisins, ils craignent une véritable invasion et refusent donc d'ouvrir les portes de la ville. Les abords de la baie des Anges sont dans une tension extême, et tout le congrès va se dérouler sous haute surveillance, hors les murs, la ville et son château fortement gardés. Le pape, vexé, va s’installer directement au couvent franciscain de la Sainte-Croix, dans les faubourgs occidentaux de la ville, sur la route de France, non loin du bord de mer.
   Invité à plusieurs reprises par Paul III, François Ier finit par arriver derrière la frontière le 31 mai. Il s’installe au château de Villeneuve-Loubet. D’entrée de jeu, François pose ses conditions : "Si le cardinal de Carpi avait écrit à sa sainteté la pure vérité, c’est-à-dire que je ne voudrais jamais de la paix sans l’État de Milan, le saint père aurait alors essayé d’obtenir cette condition de l’empereur ; et en le voyant tout à fait éloigné d’une telle concession, il n’aurait pas entrepris un voyage inutile." Il répète "qu’il veut de l’État de Milan, que cet État lui appartient, que tout le monde le sait, que rien n’a jamais été d’une plus grande évidence".
   Les deux monarques ne se rencontrent pas directement. Étant donné la tension extrême qui règne autour de la cité, ils ne mettent même pas les pieds en ville : Charles V reste dans la rade de Villefranche ; François ne va pas plus loin que Carras. Le pape fait la navette entre les deux avec l’aide de messagers. Il tente d’abord de rédiger un traité de paix, avec pour objectifs : d’empêcher l’annexion pure et simple du Milanais par le roi de France ; de restituer au duc de Savoie les terres occupées par les Français ; de persuader les Français de s’éloigner des protestants et des musulmans, et de se joindre à la sainte ligue qui est en train de s’organiser pour aller combattre les Ottomans.
   Une partie des entretiens se déroule "à la bastide du noble François-Gaspard Dal Pozzo de Buschetta, qui est à la tour de Carras", notamment le 17 juin. Le pape et François y "parlèrent de la paix, il tonna, les vingt-deux galères du roi de France stationnaient continuellement devant la tour, soit sous la pointe du Var".
   Dans l'impasse, le pape se résout à conclure une trêve. C’est sur la conclusion de cette « Trêve de Nice » que se séparent les intervenants le 18 juin. L’Empire germanique reste maître de la totalité du Milanais, mais la France conserve ses conquêtes (Bresse, Bugey, Piémont). Le duc de Savoie n'a plus que les provinces d’Aoste, de Verceil et de Nice. L’armistice est censé durer au moins dix ans, pendant lesquels les deux parties sont vivement encouragées à chercher un accord de paix.




Août 1543 : le Siège de Nice

Censé durer 10 ans, l'armistice de 1538 est violé par le roi de France dès 1542. La 9e guerre d'Italie arrive aux portes de Nice en août 1543, lorsque les navires français de François de Bourbon, comte d'Enghien, assistés par la flotte turque du beylerbey Khayr ad-Din Barberousse, soumettent la ville à un siège qui laissera de profondes cicatrices dans toutes les mémoires.

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Siège de Nice par la flotte franco-turque du comte d'Enghien et de Barberousse (1543). La baie des Anges est envahie par les galères ennemies [représentation d'époque par les Ottomans].
À droite, François Ier et Soliman le Magnifique par le Titien.
 
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https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/03/Fictitious_Ottoman_flag_2.svg/320px-Fictitious_Ottoman_flag_2.svg.png
   

En 1561, le duc de Savoie autorise les Niçois établis "le long du rivage maritime et donc exposés aux nombreux dangers d'invasion maritime de porter sur eux toutes sortes d'armes d'attaque et de défense, exception faite des pistolets et des arbalètes, sans encourir aucune sanction".

Le premier acte de mariage d'un Falicon dans cette campagne niçoise est celui d'un fils de Francesco (Antonio ?), en février 1577 (sous le règne d'Emmanuel Philibert), avec une certaine Andrineta Guillon (fille de Francesco Guillon).
Le hameau n'ayant pas d'église paroissiale, il relève directement de la cathédrale Sainte-Réparate.



1590-1592 : guerre en Provence et razzias huguenotes

En France, les guerres de religion qui déchirent le royaume depuis 1562 débouchent sur un conflit européen lorsque Henri de Navarre, leader des huguenots, doit succéder à Henri III sur le trône de France (1589-1594). L'héritier légitime est soutenu par la reine Élisabeth d'Angleterre, tandis que le duc de Guise bénéficie de l'appui des catholiques : Espagne et duché de Savoie.
En 1590, le duc Charles-Emmanuel envahit la Provence pour porter assistance à la Ligue catholique. Son armée traverse la campagne de Carras le 14 octobre et va affronter les troupes huguenotes dirigées par François de Bonne, duc de Lesdiguières. Dans un premier temps, l'initiative rencontre un certain succès, et le duc de Savoie se fait proclamer "comte de Provence".
 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/20/Croix_huguenote.svg/188px-Croix_huguenote.svg.png   https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/d2/Fran%C3%A7ois_de_Bonne_de_Lesdigui%C3%A8res_-_1597.jpg/205px-Fran%C3%A7ois_de_Bonne_de_Lesdigui%C3%A8res_-_1597.jpg
Charles-Emmanuel vs Lesdiguières                                                          
 
Deux ans plus tard, les Huguenots repoussent les Piémontais et dressent le camp aux abords de la frontière. Le 4 juin 1592, ils font une incursion dans les campagnes et pillent les fermes jusqu'à la Lanterne. L'Armada arrive en renfort. Quelques Français en garnison au Broc entrent dans la campagne niçoise le 14 novembre et lancent une attaque jusqu'à Carras. Le 27, une nouvelle razzia menée avec 200 cavaliers, quasiment jusqu'aux portes de la ville, fait beaucoup de dégâts et quelques prisonniers. (Les combats vont ensuite se déplacer en Piémont. Si l'abjuration d'Henri de Navarre en 1593 et son sacre en 1594 finissent par désarmer la Ligue, le conflit international se poursuit jusqu'à la paix de Vervins conclue le 2 mai 1598.)
 



II. XVIIe siècle

La branche décrite sur cette page est actuellement identifiée à partir de Luigi Falicon (fils d'Antoine ?) et de son épouse Lucrezia, dans les années 1610-1620 (sous Charles-Emmanuel).
Les actes d'état civil sont un peu confus et difficiles à interpréter. En particulier, il semble y avoir deux "Luigi Falicon" dont l'épouse se prénomme Lucrezia (un mariage indéterminé avant 1616, et un autre en janvier 1623 avec Lucrezia Viano, fille de Baptistin).

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/03/Fictitious_Ottoman_flag_2.svg/320px-Fictitious_Ottoman_flag_2.svg.png1623 : raid barbaresque à Carras

Le 17 juillet 1623, neuf galères et un brigantin originaires d'Alger et de Bizerte accostent dans la campagne des Sagnes (aujourd'hui l'Arénas et l'aéroport). 600 à 700 Turcs débarquent et terrorisent le littoral depuis le Var jusqu'au Magnan. Ils brûlent et pillent tout ce qu'ils trouvent sur leur chemin. Hommes, femmes et enfants s'enfuient et cherchent un abri. Certains se réfugient dans la "tour des Serres", mais les assaillants y mettent le feu, causant la mort d'une centaine de personnes. Une cinquantaine sont emmenés en esclavage. Les Turcs embarquent avec leur butin et mettent le cap sur la Provence.


                                      Le curé de la paroisse cathédrale rend compte de l'incident dans le registre des décès.

La "tour des Serres" était un ouvrage défensif, vraisemblablement situé au niveau de l'actuel boulevard Édouard-Herriot, entre la Bournala et le vallon de l'Archet.

   
À gauche : le littoral concerné par les événements (en bleu), avec la tour des Serres (en rouge) ; les forts qui surveillent le littoral niçois sont en orange (Montalban et Saint-Hospice) ;
la ville de Nice en jaune (et le village de Falicon, sur le flanc du mont Chauve, en vert).
À droite : Alger, marché aux esclaves (gravure du XVIIe siècle).

 
Dans le cadre de cette opération menée à Nice et dans les environs, 623 personnes sont capturées.
Entre 1621 et 1625, on dénombre 8.000 à 25.000 esclaves chrétiens à Alger.
 

Gioan Battista, fils de "Luigi et Lucrezia", naît le 23 mars 1624. Je suis tenté de penser que c'est le premier enfant de Lucrezia Viano. En tout cas, la mère était probablement enceinte lors de l'attaque des pirates ottomans en juillet. Le garçon est baptisé le 25 à la cathédrale.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/92/Pavillon_royal_de_la_France.svg/320px-Pavillon_royal_de_la_France.svg.pngMars 1629 : invasion française et bombardements espagnols

Suite à l'extinction de la dynastie des Gonzague, les possessions des ducs de Mantoue sont évidemment convoitées par les Français et par les Habsbourg (guerre de succession de Mantoue, 1628-1631), notamment le Montferrat, entre Piémont et Milanais.
Sur le front du Var, l'invasion est imminente en mars 1629. Le 9, le habitants se barricadent ; des renforts alliés (Espagnols et Napolitains, puis Génois) mouillent à Villefranche et s'approchent de Carras. Le 13, les Français construisent un pont sur le Var et commencent à franchir la frontière. Pendant plusieurs jours, les galères espagnoles de Don Melchior Borgia bombardent le pont et la campagne de Carras pour repousser les envahisseurs.
Finalement, suite à un accord de trêve signé à Suse entre Charles-Emmanuel et Louis XIII, les Français se retirent le 9 avril.

  https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f5/Louis_XIII_%28de_Champaigne%29.jpg/200px-Louis_XIII_%28de_Champaigne%29.jpg?uselang=fr
Charles-Emmanuel vs Louis XIII
 
(La guerre n'est pas finie pour autant. Avec le traité de paix de Cherasco en avril 1631, la succession sera accordée au favori de Louis XIII mais les ducs de Savoie annexeront une partie du Montferrat.)


Le 16 août 1643 (sous Charles-Emmanuel II), Gioan Battista Falicon épouse Anna Francesca Seassau.
Leurs enfants : Bartolomeo en 1644 ; Anna Camilla en 1647 ; Angela en 1649...

Dans les années 1640, Savoie et Bourbon sont alliés. Le 3 septembre 1648, Thomas de Savoie, prince de Carignan (et marié à Marie de Bourbon), débarque sur la plage de Carras. Il rentre de Naples et se dirige vers le Piémont.

Entre 1646 et 1656, à l'initiative de la famille Rossignoli, une chapelle dédiée à sainte Hélène est construite à Carras, parmi les vignes, les oliveraies et les vergers.
 

En 1663, un Bartolomeo Falicon est nommé consul de Nice. Il représente sans doute la classe des paysans. 


La place Saint-François et le
Palais Communal, où siègent les consuls de la ville [représentation du XVIe s.].



Notre Bartolomeo se marie en mai 1675 avec Anna Francesca Rostan (fille de Gioan Francesco Rostan). En juin 1675, couronnement du duc Victor-Amédée II de Savoie.

Enfants de Bartolomeo et d'Anna Francesca : Gioan Battista le 12 décembre 1676 (baptisé le 13) ; Angelica en 1679 ; Gioan Domenico en 1682 ; Marco en 1685 ; Pietro en 1687 ; Angela Maria en 1689.
 

Sur cette carte de 1685, l'emplacement du quartier de Carras est indiqué en rouge.
On remarque au passage le village de Falicon sur le flanc du mont Chauve.

Portrait de
          Louis XIV en costume de sacre

III. Les Falicon de Sainte-Hélène sous Victor-Amédée II

Face à la politique agressive du roi de France Louis XIV, le règne de Victor-Amédée II est fait de guerres perpétuelles. Entre la frontière et la ville de Nice, la campagne de Sainte-Hélène va voir défiler toutes les armées entre la France et le Saint-Empire... 

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6d/Royal_Standard_of_King_Louis_XIV.svg/200px-Royal_Standard_of_King_Louis_XIV.svg.png1691-1696 : Guerre de la Ligue d'Augsbourg

Le 4 avril 1691, ravagé par deux explosions, le Château de Nice doit se rendre au maréchal Nicolas de Catinat. Les Français vont occuper la ville et le Comté pendant 5 ans.
Louis XIV se proclame "comte de Nice".

Urbano Falicon, petit frère de Bartolomeo (né en 1663) part alors pour la Provence en 1691. Le 14 octobre, à Cagnes, il épouse une certaine Honorade Suques.

Pendant cette guerre, Bartolomeo et Anna Francesca ont un nouvel enfant, Francesco, en 1693.

Le 29 août 1696, Nice et son comté sont rendus au duc de Savoie.
 


Le 8 novembre 1699, Gioan Battista Falicon épouse Lucrezia Martin (fille d'Urbano Martin). Le mariage est célébré en l'église Saint-Jean-Baptiste (hors les murs, construite entre 1645 et 1652 au débouché du pont Saint-Antoine), qui dépend alors de la paroisse cathédrale Ste-Réparate. Giorgio Martin est témoin.
En novembre 1700, leur premier enfant reçoit le prénom de son grand-père paternel : Bartolomeo. Les comparents sont les grands-parents Bartolomeo et Anna Francesca. Naissent ensuite Urbano (en mars 1702) et Gioanni (en avril 1703).


https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6d/Royal_Standard_of_King_Louis_XIV.svg/200px-Royal_Standard_of_King_Louis_XIV.svg.png1705-1713 : Guerre de Succession d'Espagne

En avril 1705, une nouvelle invasion ordonnée par Louis XIV aboutit à la prise de Nice le 14 novembre. Le siège dure 51 jours, et la ville se rend le 4 janvier 1706. Le roi de France annexe le Comté et se proclame à nouveau "comte de Nice". Du 13 février au 25 juillet 1706, les Français achèvent de raser le Château et les fortifications de la ville basse (seuls le fort de Montalban et la citadelle de Villefranche sont conservés). Nice perd définitivement toute fonction militaire.

Gioan Battista et Lucrezia ont un nouvel enfant, Giovaneta, en mai 1707.

En juillet-août 1707Victor-Amédée lance une contre-offensive et envahit la Provence. On voit donc passer à Sainte-Hélène des troupes piémontaises et autrichiennes, qui viennent de Nice et traversent le Var. L'occupation savoisienne de la Provence est de courte de durée : l'armée alliée rentre bientôt sans demander son reste, et les Français reviennent.

Toujours au cours de cette guerre, Lucrezia donne encore naissance à une petite Angelica, en décembre 1709.

L'occupation prend fin en 1713 avec la signature du traité d'Utrecht, qui rend le Comté de Nice à la Maison de Savoie (sauf la viguerie de Barcelonnette, cédée à la France). La nouvelle frontière entre le Comté de Nice et la France sera bornée en 1718.
 

Le traité d'Utrecht a offert le royaume de Sicile aux Savoie et celui de Sardaigne aux Habsbourg. En 1720, Victor-Amédée II échange sa nouvelle acquisition contre celle de l'empereur Charles VI. Désormais (et jusqu'à 1860), le Comté de Nice fait donc partie du "Royaume de Sardaigne". Pour affirmer la place de ses États sur la carte de l'Europe, Victor-Amédée y met en place une monarchie absolue inspirée de celle du "Roi-Soleil".

C'est dans ce contexte géopolitique que Gioanni Falicon, fils de Gioan Battista, épouse Maria Cattarina Baudoin, fille d'Alessandro, en juin 1727. Les Falicon et les Baudoin sont apparemment deux familles installées de longue date dans cette campagne de l'ouest de Nice ; le vieux village perché près du mont Chauve aura donné son nom aux paysans qui en étaient originaires lors de l'apparition des noms de famille au Moyen-Âge. Le mariage de Gioanni et de Cattarina est célébré à la cathédrale Sainte-Réparate, étant donné que le diocèse n'a toujours pas de paroisse hors les murs.


La paroisse de Sainte-Hélène

C'est seulement en 1728 que la chapelle rurale de Sainte-Hélène, construite à Carras au milieu du siècle précédent, devient une église paroissiale.

En 1730, Charles-Emmanuel III de Savoie succède à son père sur le trône de Sardaigne.

IV. La jeunesse de Francesco sous Charles-Emmanuel III

À cette époque, le nombre de familles établies dans la campagne de Sainte-Hélène est estimé à 110. Cette petite communauté vit en autarcie de ses minces ressources agricoles. "Les paysans vivaient dans des bastides et des "cassines" de la banlieue, de peu : ils se nourrissaient de fanes de leur jardin, de pain bis, le tout assaisonné d'huile. Cela était dû au sol ingrat. Souvent les paysans et le petit peuple s'associaient à des fêtes champêtres devant une église", se rappelle le voyageur suisse Johann Georg Sulzer dans les années 1770 (cité ici par Latouche en 1951).

Gioanni et Cattarina ont de nombreux enfants, parmi lesquels Francesco, né le 10 décembre 1738 et baptisé le jour même à Sainte-Hélène.


1744-1748 : Guerre de Succession d'Autriche

Le 2 avril 1744, une armée franco-espagnole franchit le Var et marche sur Nice, qui capitule aussitôt. Cette fois, c'est à cause de la guerre de succession d'Autriche (où le Royaume de Sardaigne et l’Électorat de Saxe s'allient brièvement à l'Autriche contre la France et la Prusse).

L'alliance austro-sarde lance une contre-offensive en octobre-novembre 1746 : les Français sont chassés du Comté, et l'armée alliée traverse le Var à son tour pour occuper la Provence pendant quelques mois.

Puis les troupes franco-espagnoles réoccupent le comté (sauf Saorge) jusqu'à 1748.

Encore une fois, beaucoup de passage à Sainte-Hélène...
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À partir de cette seconde moitié de XVIIIe siècle, les aristocrates européens commencent à prendre goût au tourisme hivernal à Nice. Les premiers sont les Anglais (alliés de Charles-Emmanuel III). Les Falicon sont à l'écart de l'animation urbaine, mais ils habitent au bord de la route de France. En temps de paix, c'est un axe commercial très important.

Le 24 mars 1760, un traité signé à Turin réajuste la frontière entre le comté de Nice et la France. Cette nouvelle frontière, qui suit approximativement le cours du Var, sera bornée l'année suivante.

En 1763, le voyageur britannique Tobias Smollett vient séjourner à Nice. Il sera l'un des premiers à décrire le comté d'un point de vue "touristique". Venant de Provence, il traverse le Var à gué puis passe nécessairement entre les maisons des Falicon. Après avoir été racketté par les gueyeurs, il évoque les escroqueries similaires auquelles se livrent les aubergistes : "And here, once for all, I would advise every traveller who consults his own ease and convenience, to be liberal of his money to all that sort of people; and even to wink at the imposition of aubergistes on the road, unless it be very flagrant. So sure as you enter into disputes with them, you will be put to a great deal of trouble, and fret yourself to no manner of purpose." A-t-il eu une mauvaise expérience en passant devant l'auberge des Falicon ?



Une vue de la baie depuis les hauteurs de Sainte-Hélène : le Magnan et la tour du Bari Vièi, Nice et la colline du Château, mont Boron et cap de Nice, cap Ferrat [gravure d'Albanis Beaumont rehaussée, 1787].

V. Francesco et Onorata

Le 7 février 1768, Francesco épouse Onorata Todon, originaire de Nice intra-muros. Le mariage est célébré à la cathédrale Ste-Réparate.
Le patronyme Todon indique une origine médiévale du côté du village de Toudon, surplombant l'Esteron sur le flanc du mont Vial ; la racine ligure tut-/tud- désigne un éperon rocheux.

Leur fils Gaetano naît le 4 mai 1783.


Sur ce plan cadastral napoléonien, on reconnaît d'ouest en est : le vallon Barla (aujourd'hui couvert par le chemin du Vallon-Barla), le vallon de l'Archet (aujourd'hui avenue de Fabron) et le Magnan.
La "grande route de Paris à Gênes" est la route de France (aujourd'hui avenue de la Californie).
L'église Sainte-Hélène est encadrée en rouge.
La batterie Pauline, construite sous l'occupation française révolutionnaire, a disparu depuis (remplacée par le square Ziem).
Les terrains des Falicon se trouvent dans la zone marquée en violet.


1792-1814 : Guerres de la Révolution française et occupation napoléonienne

Le 28 septembre 1792, l'armée française qui menaçait depuis quelque temps à Saint-Laurent-du-Var franchit la frontière et emprunte la route de France en direction de Nice. Épouvantée, la population a quitté la ville avec l'armée, en direction de l'Escarène, pour chercher refuge dans les montagnes et en Piémont. Le général d'Anselme [ci-contre], s'attendant à des combats, avance prudemment. Il s'arrête à Sainte-Hélène, où il loge dans une villa (l'épisode est rapporté par Joseph André). Là, il reçoit la visite de l’évêque Valperga, accompagné d’un des trois consuls de la ville (les deux autres étant déjà partis), qui viennent implorer grâce. Le général répond : « Monsieur l’abbé, vous n’êtes pas chez vous en cet endroit, et je vous assure que son air est malsain pour vous. »
Les Français traversent le quartier sans difficulté, jusqu'au pont du Magnan, où il va y avoir des affrontements, quelques volontaires s'étant réunis pour tenter de s'opposer à l'invasion (on dit que de Orestis et les frères Michaud en faisaient partie).


Cette gravure représente les événements du 29 septembre 1792. L'armée française a franchi le Var et elle se trouve au niveau de Sainte-Hélène [A] ;
des volontaires français viennent les affronter sur le Magnan [B] ; l'armée sarde et 4000 émigrés s'enfuient vers le Piémont [K].
La ville de Nice [D], le fort de Montalban [G] et la citadelle de Villefranche [H] vont être pris sans résistance.


Le lieutenant-colonel André Masséna [ci-contre] participe activement à l'invasion du Comté. Il met tout son zèle dans la répression des résistants, avec beaucoup de succès puisqu'il connaît bien son pays natal. [Depuis 1869, un monument érigé sur la couverture du Paillon commémore ses exploits, et son nom a remplacé celui de Charles-Albert, le roi qui a aboli la monarchie absolue, sur la grande place du centre-ville.]
En 1793, la France revendique l'annexion du Comté de Nice.


Pendant les années d'occupation, un certain André Gastaud, fils de vermicelliers niçois, se lance dans la politique aux côtés des Français, tandis que son frère aîné Honoré s'est réfugié à Turin dès le début de l'invasion. En 1795, André Gastaud abuse de sa situation pour acheter à bas prix les terres confisquées à la noblesse niçoise de Sainte-Hélène : il va se construire ainsi un domaine de 25 hectares autour des fermes des Falicon. Il est arrêté pour corruption en 1797, mais cet épisode est de courte durée, sa femme ne tardant pas à racheter sa liberté grâce à leur petite fortune.
 

Le 27 mars 1796, on voit passer le général Napoléon Bonaparte, qui vient prendre le commandement de l'Armée d'Italie.
Masséna est chargé de l'avant-garde.
L'expédition sera rapide : l'armée suit le littoral jusqu'à Savone, puis franchit les Apennins par le col de Cadibone, et le Royaume de Sardaigne capitule dès le 28 avril à Cherasco.
Par le traité de paix signé à Paris au mois de mai, Turin renonce officiellement au Comté de Nice et à toute force militaire en Piémont.

Les Français sont bien conscients de la faiblesse du quartier de Sainte-Hélène, qu'ils ont traversé sans rencontrer d'obstacle. Ils décident donc de fortifier le littoral. Devant l'église, ils construisent une batterie :

L'église paroissiale et la batterie Pauline (aujourd'hui square Félix-Ziem), de part et d'autre de la route de France.
Au fond, la ville de Nice au pied de la colline du Château. La vue est prise à peu près depuis l'entrée des terrains des Falicon. [Gravure d'Hercule Trachel.]

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809, le pape Pie VII est kidnappé par l'armée française et emprisonné à Florence, puis transféré en France : le convoi traverse le hameau de Sainte-Hélène le 7 août 1809.

En 1807, âgé de 19 ans, le cousin Jean-Paul a été enrôlé comme voltigeur dans les armées de Napoléon (conscrit de 1808). Il participe aux campagnes d'Espagne en 1808-1812 (caporal en 1811), d'Allemagne en 1812 (sergent en 1813) et de France en 1814 (prisonnier de guerre le 25 mars).

VI. Gaetano et Teresa

La première femme de Gaetano, Pelegrina Negre, meurt en novembre 1809.
En 1810, Gaetano épouse en secondes noces Teresa Auborn, d'une famille de Saint-Philippe, une autre campagne de l'ouest de Nice. (Auborn est un nom d'origine provençale, assez répandu à Nice, que les Français écriront "Ambourg". L'arrière-grand-père de Teresa était originaire de Vence : arrivé à l'époque de la guerre de Succession d'Espagne, il avait épousé une Ardisson à la cathédrale et s'était établi définitivement à Nice.)
Ils sont cultivateurs propriétaires au "Barri de Masson" : c'est ainsi qu'on appelle le quartier du littoral autour de l'église Sainte-Hélène.

Les premiers enfants de Gaetano et Teresa sont Maria Alessandra, née en 1811 ("Marie Alexandrine"), et Sebastiano, né en 1813.

Après plusieurs années de détention, Pie VII est libéré en janvier 1814 et peut regagner Rome. Il traverse à nouveau le hameau de Sainte-Hélène le 11 février 1814.
 

Restauration



Le père de Gaetano, Francesco Falicon, meurt deux semaines après la libération, le 15 juin 1814, à l'âge de 75 ans.

Sa veuve, Onorata, a 63 ans.

Gaetano a 31 ans ; sa seconde femme, Teresa, en a 26 ; leur fille Alessandra, 5 ; et leur fils Sebastiano vient d'avoir 1 an en mai. La petite Maria Falicon, issue du premier mariage, doit avoir autour de 8 ans.


Depuis 1782 (et jusqu'aux années 1860), les Falicon du quartier sont enterrés au cimetière de Sainte-Hélène, à côté de l'église paroissiale (fermé vers 1869, aujourd'hui disparu sous les immeubles).

VII. Les frères Sebastiano, Francesco et Ambrogio 

Gaetano et Teresa ont une autre fille en 1816 : Maria Onorata.
La petite Alessandra meurt dès 1816, âgée de 5 ans.
Le second fils, Francesco, naît en 1818.

 
Les enfants grandissent entre les champs et le rivage, avec leurs parents et grands-parents, au milieu de nombreux cousins.

À la Restauration, les paysans du quartier restent à leur place. Seuls les nobles, pendant l'occupation, ont été dépossédés de leurs terres, acquises essentiellement par André Gastaud [portrait à droite], qui est donc le nouveau voisin des Falicon. Il se retire de la vie politique et mène une vie paisible sur ses terres de Sainte-Hélène, jusqu'à sa mort en 1821. 

Dans les années 1820, Gaetano et Teresa ont d'autres enfants, notamment Maria (en 1820), qui épousera en 1845 un certain Ange Anselme Gilli ; Ambrogio (en 1823), qui se mariera en 1843 ; puis Henriette (vers 1825), qui épousera en 1850 Jean-Baptiste Portanieri, de Tourette-Levens


Décès d'Onorata Todon veuve Falicon en 1826.





     
Vue de la baie des Anges, du Paillon à Carras (puis jusqu'au fort et au cap d'Antibes, avec l'Estérel derrière) [par Clément Roassal]. On distingue l'église paroissiale Sainte-Hélène au milieu de l'image. 
Ci-dessous : le festin de Sainte-Hélène par Antoine Trachel ;
costumes de fête à la campagne par Clément Roassal.
 

La vie quotidienne est loin d'être harmonieuse, dans cette petite communauté de fermiers de "Nice hors les murs". Dans les années 1820-1850, de nombreuses affaires opposent les voisins. Les plus fréquentes sont des questions d'héritages, de legs et donations, de créances, de propriété de terrain, de paiement de dot et de pension alimentaire. D'autres litiges concernent le droit de passage, le paiement de gages de domestique, la résiliation d'un contrat agricole ; ainsi que des affaires plus concrètes, comme des travaux de voisinage, un chantier dans une cour mitoyenne, la construction d'un muret de séparation avec appropriation d'une partie du terrain et des dégâts provoqués dans un terrain boisé, ou encore l'achat d'une charrette pour le commerce du vin et du raisin avec la France. Maria est ainsi en conflit avec son frère aîné Francesco, et d'autres affaires impliquent Gaetano, les frères Gioanni et Domenico, Maria épouse Berthé, Giuseppina et son beau-père Gaetano, ainsi que les Gastaud, etc.



Teresa Falicon née Auborn meurt dès 1827.

Elle laisse son mari Gaetano (44 ans) et leurs enfants, notamment les frères Sebastiano et Francesco, qui reprendront l'exploitation familiale, et Ambrogio, qui gérera l'auberge d'en face.



La conquête de l'Algérie par la France en 1830 met un terme aux attaques de pirates barbaresques sur les côtes du Royaume. 

 

 Vers 1833, Sebastiano est recensé par l'armée sarde et recruté comme soldat dans le 2o Reggimento Cuneo. Dans l'infanterie, depuis la réforme de Charles-Albert en 1831, la durée totale du service est de 16 ans, mais la présence réelle sous les drapeaux ne dure qu'un an (suivi de 7 d'astreinte et 8 de réserve).


Comment bien ranger son sac (Turin, 1840).
Représentation générale des costumes de l'armée sous Charles-Albert.


En 1836, à la demande de son père, Francesco est recensé à son tour (classe de 1838, no 287). Son frère étant déjà enrôlé, il est provisoirement dispensé de service militaire.

En juillet 1838, Sebastiano épouse Pelegrina Bottin, fille d'un agriculteur français, propriétaire à Vallauris (arrondissement de Grasse, département du Var).

Sa soeur Maria se marie avec un Ange Anselme Gilli, d'une autre famille de Sainte-Hélène.

En septembre 1843, à Cimiez, Francesco épouse Catarina Laugier, d'une famille de cultivateurs propriétaires à Brancolar (paroisse de Cimiez).
Le même jour, à Sainte-Hélène, son frère cadet Ambrogio épouse Giuseppa Falicon (probablement cousine, mais d'une branche éloignée).

Enfants de Sebastiano et de Pelegrina :
_________________________________
  • Maria vers 1839 (à Vallauris), +1848
  • Vincenzo Maria vers 1842, +1848

Enfants de Francesco et Catarina :
__________________________________________________________
  • Maria Francesca *1844. Elle épousera Emmanuel Maiffret (*1837).
  • Massimo *1847, +1912. Il deviendra boulanger, puis employé aux chemins de fer.
  • Enrica *10.05.1849, +1934. Elle sera couturière.
  • Giacomo *1853, +1940. Il sera cultivateur.
  • Maria Luigia *24.10.1855, +1943. Elle sera couturière et épousera Louis Cagnoli.
  • Giuseppa *12.05.1858 (Sainte-Hélène), +1907. Elle épousera Élie Ferdinand Cagnoli.
  • Giulio Antonio *1860, +1932
Enfants de Maria (Gilli) :
_____________________
  • Antoine *01.1843
  • Gaëtan *07.1848
  • Laurent *10.1857
  • Louise *12.1851
  • Marie *03.1855
  • Thérèse *04.1846 
Enfants d'Ambrogio et de Giuseppa :
______________________________
  • Gioanni Battista 1846-1901
  • Bernardo 1849-1930

(ils deviendront maçons au 177, avenue de la Californie, emplacement de l'auberge familiale)


 
La route de France, en arrivant de Nice à Sainte-Hélène. - Nice en 1847. À l'ouest, le hameau de Sainte-Hélène. (À l'est, près du pont Neuf et de la Croix de Marbre, les domiciles des Cagnoli.)

En 1847, l'Almanach de la division de Nice recommande aux étrangers de passage quelques "promenades que l'on peut faire en voiture". La première va "au pont du Var, frontière de France" :
"La route unie et plate suit toujours le bord de la mer, et est très fréquentée. Avant d'arriver à l'église Sainte-Hélène [en venant de Nice], on peut s'arrêter : d'abord, au jardin de M. Gastaud, grande propriété dans laquelle une belle serre et un vaste parterre sont en tout temps garnis de fleurs ; puis au-dessus, on trouve la terre de Mme Jaume : la voiture parvient jusqu'au pied de la maison d'habitation, par un chemin tracé au milieu d'un petit bois et de cultures variées.
Lorsqu'on est arrivé à la frontière, les bois qui bordent le Var procurent une promenade champêtre. On y rencontre quelques chemins de voiture."


Nice vue de Carras, par Hercule Trachel.


Un plan du quartier de Sainte-Hélène dressé
par l'administration, probablement en 1848 (ou peu après) [Archives départementales].
Les Falicon possèdent le petit ensemble indiqué en bleu, de part et d'autre de la route de France, entre l'église paroissiale et le vallon Barla.
Par curiosité, voici le même point de vue aujourd'hui. En rouge,
on reconnaît la villa Les Palmiers (4) et l'église paroissiale (1) : 

Un détail intéressant : le colombier de Gastaud, mis en évidence sur le plan de 1848, est toujours visible aujourd'hui (photo en bas de page).


Risorgimento

1848-1849 : Première Guerre d'Indépendance italienne

En mars 1848, Charles-Albert mobilise les 4/5 de l'armée sarde (65.000 hommes) pour aller soutenir les Milanais qui se soulèvent contre leur empereur Ferdinand Ier. Le 31 mars, le commandant de la place de Nice appelle les contingents de cavalerie des classes de 1816 à 1821 (L'Écho des Alpes maritimes, 2 avril). En outre, les militaires en congé sont invités à se présenter à Turin pour un enrôlement volontaire. Sebastiano est sans doute déjà trop âgé pour être appelé (c'est sa dernière année dans l'armée de réserve), mais Francesco est probablement mobilisé. La Brigata Cuneo, en garnison à Nice, quitte la ville et se dirige vers Gênes.
C'est dans ce contexte que le roi adopte le drapeau tricolore des révolutionnaires.
Charles-Albert amnistie Giuseppe Garibaldi et l'invite à rentrer d'Amérique pour venir assister les révolutionnaires alliés. Le retour du "héros" est annoncé dans la presse dès le 9 mars.
Dans un premier temps, la Brigata Cuneo, placée sous le commandement du prince héritier Victor-Emmanuel, forme une partie de la brigade de réserve. Puis elle participe aux batailles de Pastrengo (30 avril, sans grands dommages pour les Sardes), de Sainte-Lucie (6 mai, 230 morts et 370 blessés chez les Sardes) et de Goito (30 mai, 43 morts et 253 blessés, grosses pertes pour les Autrichiens). Charles-Albert est brièvement acclamé comme le "roi d'Italie".

   
Les batailles de Pastrengo, Santa Lucia et Goito.
 
La Brigata Cuneo à Pastrengo et la bataille de Sainte-Lucie (illustrations pour
La Royale Maison de Savoie d'Alexandre Dumas).
     


Entre-temps, Garibaldi a quitté Montevideo le 15 avril à bord de la Speranza et il accoste directement à Nice le 21 juin. Le dimanche 25, il donne un discours à l'occasion d'un banquet à l'hôtel d'York. Puis la Speranza quitte le port Lympia le 26 à destination de Gênes.
Peu après la bataille de Custoza (24-25 juillet), Charles-Albert capitule au début du mois d'août et signe un premier armistice avec les Autrichiens.
À la fin de l'année, l'empereur d'Autriche abdique au profit de son neveu François-Joseph, âgé de 18 ans.

Pendant la trêve, des révolutions éclatent en Toscane et aux États-Pontificaux (et les Garibaldi y participent).

Le 12 mars 1849, les alliés rompent le cessez-le-feu avec les Autrichiens. Mais le sursaut est de courte durée : après une dernière défaite (bataille de Novare, 23 mars, à laquelle participe la Brigata Cuneo), Charles-Albert abdique (s'enfuit incognito et meurt en exil au Portugal), et son successeur Victor-Emmanuel II vient signer l'armistice définitif avec le maréchal Radetzky (Vignale, 24 mars). Le traité de paix sera signé à Milan le 6 août.

          
Ferdinand Ier. - Charles-Albert et ses troupes traversant le Tessin. - Giuseppe et Anita Garibaldi à Rome. - Radetzky et Victor-Emmanuel II. - François-Joseph.



Giallo à l'auberge

En 1848, Ambrogio dit "Roaina", 25 ans, tient une auberge au bord de la route royale du Var, juste en face de la maison de son père (Gaetano) et de son frère (Francesco).

Le soir du dimanche 3 décembre, une rixe éclate dans son établissement, exacerbant les conflits de voisinage évoqués précédemment. À l'aube, le corps d'Ignazio Felice Ramoin (fils d'Onorato), propriétaire âgé de 27 ans, est retrouvé inanimé sur la chaussée devant la porte de la cuisine.
En cette première année de liberté de la presse, le fait divers est rapporté par L'Écho des Alpes maritimes (lundi 4), qui paraît depuis janvier. Le journal s'abstient prudemment de donner des noms et laisse la justice faire son travail :

L'autopsie révèle que les coups portés à la tête de la victime avec un objet dur et contondant ont provoqué une blessure grave avec fracture de l'os occipital, jugée cause de sa mort instantanée. Le cadavre est inhumé au cimetière de Sainte-Hélène le mardi 5.
Dénoncé par le père de la victime, Ambrogio est le suspect numéro 1. Il va être ainsi l'un des premiers Niçois à goûter aux réformes albertines dans le domaine de la justice...
Le vicaire Don Vittorio Caisson, prêtre de la paroisse et locataire au premier étage de l'auberge, dit aux carabiniers qu'il n'a rien vu, rien entendu.

Le maréchal des logis des carabiniers :


Le 19 avril 1849, Giuseppa donne naissance au petit Bernardo, en l'absence du père, qui est alors en détention dans l'attente de la sentence. L'enfant est baptisé par Don Caisson.

L'enquête nous livre des documents exceptionnels sur la configuration du quartier et de l'auberge. Ci-dessus, on voit l'église paroissiale et son presbytère face à la batterie. La propriété de Gaetano est séparée de l'église par des terres appartenant aux frères Gastaud. L'auberge d'Ambrogio est située juste en face, au sud de la route Royale, dont elle est séparée par un trottoir. Les traces de sang trouvées sur le côté du bâtiment et derrière laissent penser que les coups ont été portés sur la plage.

 
Façade (sur la route Royale) et plan détaillé de l'auberge d'Ambrogio Falicon (extrait du procès n° 280, 24 avril 1849).
La porte principale est au centre, surmontée d'un linteau. Le cadavre a été trouvé au niveau de l'ouverture no 4, une porte de la cuisine donnant sur la rue.
Au premier étage, la moitié ouest constitue l'appartement du vicaire Don Caisson (les trois fenêtres à droite sur la façade ci-dessus).

Ci-contre : la cour d'appel, avec ses prisons et sa loge.

L'audience se déroule sur cinq jours, du 5 au 9 novembre, sous la présidence du sénateur Jean-Baptiste Donetti.
Le mardi 6, au cours de l'audition des témoins à charge et à décharge, on interroge notamment le vicaire Don Caisson (la semaine suivante, il glissera un article dans L'Écho des Alpes maritimes pour se défendre d'accusations de mensonge dans cette affaire, son statut de prêtre ayant posé des problèmes dans le cadre des interrogatoires sous serment). 
La sentence tombe le vendredi 9 : Ambrogio est jugé coupable d'homicide volontaire, avec pour complice Nicola Mari (26 ans, charretier). Ambrogio est condamné aux travaux forcés à vie et au pilori ; Nicola à 10 ans de travaux forcés.

Il se trouve que Charles-Albert vient de créer une Cour de cassation à Turin dans le cadre de ses réformes : elle exerce depuis le mois de mai 1848. Le bâtiment est celui de l'ancien Sénat royal de Victor-Amédée II [ci-contre].
Les condamnés se lancent donc dans une nouvelle aventure : ils font appel. Outre quelques obscurs détails de procédure, leur recours (présenté par maître François Crettin, avocat fiscal général au Sénat royal de Nice) s'appuie sur les arguments suivants :
  • Onorato a été entendu comme témoin à charge sous serment alors qu'il est le père de la victime et le dénonciateur des accusés ; par contre, la cour a refusé d'entendre Ambrogio comme témoin à décharge (mais c'était incompatible avec son statut d'accusé) ;
  • aucune preuve formelle n'a été présentée pour démontrer qu'Ambrogio était l'auteur des coups, et Nicola est inculpé de complicité pour avoir simplement assisté à l'acte (autrement dit, l'un a assisté au meurtre que l'autre n'a pas commis ? de toute façon, la cour de cassation jugera qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour accabler Ambrogio, et que Nicola a assisté le meurtrier en pleine conscience) ; 
  • la blessure a pu être volontaire, mais sans intention de donner la mort (réponse : "il n'appartient pas à la justice de juger les intentions des délinquants").
La conclusion est rendue le 28 décembre par le juge suprême Giuseppe Gromo [le jugement est donc signé "Gromo & Crettin"] assisté par l'avocat général Lauteri : le recours est rejeté et les peines sont maintenues.


Ambrogio est sans doute exposé dans la loge de la cour d'appel [photo à droite ci-dessus]. Outre à Nice et Villefranche, il y a des bagnes maritimes à Gênes et à Savone, ainsi que sur l'île de la Capraia ; par ailleurs, les citadelles d'Alexandrie et de Fenestrelle sont aussi deux grands centres de détention du royaume. Il meurt apparemment entre 1849 et 1851, la famille ne sait ni où ni comment ("en galera"). Âgée de 26 ans, sa veuve Giuseppa se remarie en juillet 1851 (avec Antonio Risso, orphelin de 24 ans ; l'union est célébrée à Sainte-Hélène par Don Caisson) et continue de gérer l'auberge.
 



Gaetano Falicon, veuf de Teresa depuis 1827, meurt à son tour en 1855.
Conformément au règlement (en vigueur depuis 1782), il est enterré au cimetière paroissial, à côté de l'église Sainte-Hélène. 

Les enfants (notamment Sebastiano et Francesco) héritent alors des terrains agricoles des Falicon de Sainte-Hélène.

   


Mention du hameau dans le Dizionario generale geografico-statistico degli Stati Sardi (Turin, 1855).


Extrait des cartes d'état-major des États-Sardes (années 1850).
D'ouest en est, en rouge : les postes de douane de part et d'autre du pont du Var, le hameau de Sainte-Hélène (église et batterie), le faubourg de la Croix-de-Marbre, le pont Neuf ("St-Charles") et le pont Vieux ("St-Antoine").
En bleu, les principaux vallons que l'on traverse en parcourant la route de France entre le Var et le Paillon : Barla, Magnan, Mantega (actuel boulevard Gambetta) et St-Barthélemy (actuelle rue de Rivoli).

 
Sur les terres des Gastaud : le colombier et la terrasse de la villa Les Palmiers (par Hercule Trachel, à l'occasion de la visite de la tsarine Maria Alexandrovna en 1858). - Le colombier en 2014.


Le pont frontalier en 1859 (photo de Pierre Ferret). En face, en amont, le village de Saint-Laurent.



[cliquer sur les arbres pour lesagrandir]


VIII. Le changement de souveraineté

En 1858, à Plombières, le président du Conseil du Royaume de Sardaigne, Cavour, s'est mis d'accord avec l'empereur Napoléon III pour céder à la France le Comté de Nice et le Duché de Savoie en échange d'une aide militaire pour chasser les Autrichiens d'Italie.

Première conséquence de l'entrevue de Plombières : le 13 mai 1859, Napoléon III se lance dans une Campagne d'Italie, comme du temps de son oncle. Les troupes impériales françaises entrent dans Nice [ci-contre, tableau de Trachel] pour aller combattre les Autrichiens sur le Pô.

Seconde conséquence : la cession territoriale promise par Cavour est officialisée par un traité signé à Turin en mars 1860. Le 1er avril, l'armée française franchit le Var, traverse le quartier de Sainte-Hélène, et prend le contrôle du Comté de Nice. Les Français organisent un plébiscite dès les 15 et 16 avril pour valider rapidement l'annexion.  

Entre 1860 et 1864, au nord des propriétés Falicon, la Compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée construit la voie ferrée en bordure des terrains [voir le tracé ci-dessous]. Il est même vraisemblable qu'une partie des champs autour du hameau aient été réquisitionnées pour la PLM, y compris certaines terres de la famille.
Le tronçon Cagnes-Nice ouvre le 18 octobre 1864, amenant dorénavant un flot de touristes du nord-ouest de l'Europe.


La gare de Nice en 1865.
   

En 1867, Joseph Falicon, un cousin charretier, fait construire une maison avec balcon sur le côté nord de la route :



La façade a une douzaine de mètres de large. À l'ouest, le terrain adjacent appartient à Antoinette Portanelli (soeur ou nièce de nos trois frères Falicon) ; à l'est se trouve la maison de François Falicon. Le balcon donne sur la route et la mer.

 

 

Plan cadastral de 1871. Les propriétés Gastaud ont été divisées en lots :
Château de Barla, Château de Fabron (aujourd'hui parc Carol-de-Roumanie), Villa Blanc (aujourd'hui Musée d'Art naïf), Les Palmiers (aujourd'hui Archives municipales et résidence des Grands-Cèdres), etc.

La voie ferrée (années 1860), la route de France (aujourd'hui avenue de la Californie) et l'actuelle promenade des Anglais (1882) sont représentées respectivement en gris, vert et bleu.
Le terrain militaire autour de la batterie s'étend de l'hôtel Radisson à la station-service inclus.
Les propriétés des familles Falicon sont circonscrites en violet : l'ensemble forme un véritable petit village.


Du côté nord de la route, Francesco partage avec son frère Sebastiano un terrain de 952 m². Sur le plan détaillé ci-dessous, on peut voir la maison de Francesco, 90 m² au sol [393], et celle de Sebastiano, 120 m² au sol [395]. Les deux frères partagent un puits [392] et une cour de 225 m² [394]. Le tout correspond à l'actuelle résidence Solazur, 154-156 av. de la Californie. En outre, Sebastiano a un jardin de 240 m² [391]. Quant à Francesco, il possède un moulin à huile [390]. En effet, les Falicon-Laugier sont fabricants d'huiles. De l'autre côté de la route, ils ont encore 680 m² de terrain autour d'un réservoir [366-367, aujourd'hui l'immeuble 149 av. de la Californie, qui se distingue à sa cage d'escalier en façade sur une double cour intérieure].



Au sud et à l'ouest, les îlots voisins [358-364 et 371-385] appartiennent aux familles Falicon, Maiffret, Pin, Galante, Bourroul, etc., qui sont toutes étroitement apparentées (voir cette page détaillée). Outre leurs maisons et jardins, ils possèdent un four à pain [374] et une écurie de 88 m² avec fenil [381-381bis]... Le tout s'étend à l'ouest jusqu'à l'actuelle rue Aubry Lecomte. Un peu plus loin, au bord de la route, après un espace public réservé au pâturage, Antoine Risso-Falicon tient une auberge [355-356, aujourd'hui immeubles 177-179 avenue de la Californie], à ne pas confondre avec celle d'Ambrogio, qui appartient maintenant aux Spinetta-Colla (Bernard Spinetta, fils de Jean-Baptiste, et Madeleine Colla, fille de Joseph et d'une Marie Falicon). 


 
La route de France, aujourd'hui (avant et après la construction de la ligne de tram), avenue de la Californie, en regardant vers Nice.
À gauche, les balcons dorés sont ceux de la résidence Solazur, où se trouvaient les maisons de Francesco et Sebastiano.
Complètement à droite, les balustrades métalliques sont celles du n° 149, à l'emplacement du réservoir des Falicon-Laugier.
Plus loin, on distingue l'église Sainte-Hélène. 




Démembrement des propriétés Gastaud

Lorsque André Gastaud meurt en 1821, son seul héritier direct est son frère aîné Honoré, qui s'était réfugié en Piémont pendant l'occupation. Le petit-fils de celui-ci, le banquier Honoré Gastaud, héritera, à terme, de la totalité des terres.
En 1847, ainsi, Honoré Gastaud devient propriétaire d'un domaine de 25 hectares (dont le père garde l'usufruit). Il fait aménager un jardin exotique autour de la maison, agrémenté d'une serre, de rochers, de grottes artificielles, etc.
À la mort de son père en 1867, il agrandit encore son domaine. Mais voici que le banquier fait faillite (1869-1870). Ses biens sont mis aux enchères.

La plupart des terres sont rachetées en 1871 par Ernest Gambart [ci-contre, portrait par John Prescott Knight], homme d'affaires belge naturalisé britannique, marchand d'œuvres d’art et consul d'Espagne à Nice.

Villa Les Palmiers

En 1872, Ernest Gambart remplace la traditionnelle villa des Palmiers par l'imposant Palais de Marbre (aujourd'hui Archives municipales, au sein de la résidence des Grands-Cèdres).
Les terres de ce domaine s'étendent très loin en-deçà de la voie ferrée, comme on peut le voir sur le plan détaillé ci-dessus : tout autour des îlots Falicon (y compris la maison attenante au moulin à huile), tout autour de l'église, à l'exception d'un pâturage qui reste public et, bien sûr, de l'église et du vaste terrain militaire de la batterie (aujourd'hui hôtel Radisson).
Outre le Palais de Marbre et les jardins avec leurs nombreuses statues et faux rochers, il reste le colombier [313] et des vestiges de serres.

  

     






 
Château de Barla


De même, Ernest Gambart rachète le château de Barla, construit avant 1870 par Gastaud. Il a un style composite qui emprunte à la fois au gothique et au classicisme, avec une tour carrée caractéristique.
Gambart revend le château en 1874 au britannique George Bishop, qui le modifie pour lui donner un style "troubadour".



Un peu plus haut : le Château de Fabron est un terrain de Gastaud également acquis par Gambart, qui le revend en 1879 au duc Ernest II de Saxe-Cobourg-Gotha. Le château proprement dit a disparu depuis, et ce terrain, acquis par la ville en 1956, est devenu le parc Carol-de-Roumanie, ainsi baptisé en l'honneur de son dernier propriétaire, le roi Carol II, fils de la reine Marie de Roumanie (née princesse de Saxe-Cobourg-Gotha et du Royaume-Uni).

Il reste tout de même un vestige du temps de Gambart : une maison rurale [254] construite en 1873 dans une oliveraie du Château de Fabron. Peut-être donne-t-elle une idée de ce que pouvaient être les bâtisses des Falicon en bord de mer.

   


La villa Blanc


Cette partie de la propriété Gastaud a été achetée en 1871 par François Blanc, créateur du casino de Monte-Carlo.
En 1882, son fils Edmond Blanc fait bâtir une villa, qu'il baptise Château Sainte-Hélène.
Le bâtiment existe toujours, mais il a été considérablement modifié (après de nombreux rachats et transformations, la villa a été rachetée en 1973 par la ville de Nice pour y installer le musée d’Art naïf Anatole-Jakovski, ouvert en 1982).

musée international d'art naïf anatole jakovsky

Sur les terrains Gastaud se trouva aussi, par la suite, le Château Sainte-Anne, aujourd'hui remplacé par une résidence du même nom et par le parc de l'Indochine.




En 1876, l'ensemble des propriétés Falicon-Laugier sont rachetées par l’État français (administration des Ponts et Chaussées).
Le 28 octobre 1876, Louise épouse Louis Cagnoli, d'une famille d'ébénistes des nouveaux quartiers de Nice sur la rive droite du Paillon. Élie Ferdinand Cagnoli, frère du marié, est témoin.

Le 14 juillet 1877, Joséphine épouse Élie Ferdinand, dont la première femme vient de mourir. Louis Cagnoli est témoin.


Sur cette photo de 1878 (Gilletta), on voit l'église paroissiale et la batterie de part et d'autre de la route de France ; au premier plan, la propriété Gambart.


En 1878, "concession d'une parcelle de terrain dépendant de la route nationale 7 pour l'installation d'une tonnelle au droit de la propriété du concessionnaire Falicon".
Dans les années 1878-1884, "aliénation au bénéfice des sieurs Falicon et Maiffret de terrains provenant des lais et relais de mer". En 1895, sur ces terrains, "amodiation d'une parcelle [...] pour l'installation d'un jeu de boules".


Un peu plus à l'ouest, sur la rive droite du vallon Barla, au nord de la voie ferrée, le Polonais Michel Rohoziński, comte de Leliwa, achète une propriété Girard à la fin des années 1880. Il fait transformer la bâtisse existante en un château d'allure médiévale, qu'il baptise Manoir Leliwa.









Également sur la rive droite du vallon Barla, mais au sud de la voie ferrée, la villa La Luna est longtemps restée à l'abandon (260 promenade des Anglais, photos ci-contre). Finalement acquise par la ville de Nice, elle a été rénovée en 2017-2018.






Francesco Falicon meurt en sa propriété le 27 mars 1889, âgé de 71 ans.
Il est inhumé au cimetière de Caucade, créé récemment non loin de là, à flanc de colline (carré 4, CAP 1862).

  






En 1893, les maçons Jean-Baptiste et Bernard Falicon, fils de l'aubergiste Joséphine (veuve d'Ambroise mort suite à sa détention pour homicide, remariée avec Antoine Risso) acquièrent une concession à perpétuité à Caucade, à côté de celle de leur cousin François. Ils la dédient à la "Famille Falicon frères" : on y inhume la petite Jeanne, fille de Bernard, décédée à l'âge de 18 mois.
Bernard et sa mère vivent toujours à l'emplacement de l'ancienne auberge (maintenant 177 avenue de la Californie).

Joséphine, ses deux fils et leurs familles partageront cette sépulture.


 
Joséphine Falicon avec son mari Élie Ferdinand et leurs enfants (et cousins) dans le vallon de la Bournala vers 1900.


Entre 1901 et 1906, Louise s'installe avec son mari Louis Cagnoli (et leurs deux fils ébénistes) dans la nouvelle "rue de Falicon" (qui sera renommée "rue des Combattants en Afrique du Nord" en 1980), de l'autre côté de la voie ferrée. Il s'agit d'une petite allée construite en 1897 sur le vallon Saint-Barthélemy pour relier la gare du "PLM" à celle de la "Compagnie des chemins de fer du Sud de la France" (inaugurée en 1892). Elle porte le nom de la comtesse de Falicon, expropriée pour la réalisation de cette voie de raccordement (voir Le Petit Niçois, 25 mars 1897, p. 2).



En 1907, décès de Joséphine, âgée d'à peine 49 ans. Elle est enterrée dans le caveau familial de son mari Élie Cagnoli, frère de Louis (tout près de son père : carré 2 du cimetière de Caucade).


 


Catherine Laugier veuve Falicon meurt en 1908 au 26 rue de Falicon.
Elle rejoint son mari au cimetière de Caucade.


Par la suite, leurs enfants seront également inhumés dans cette sépulture familiale : notamment Maximin en 1912 ; Antoine en 1932 ; Henriette en 1934 ; Jacques en 1940 ; Louise en 1943 (et son mari Louis Cagnoli dès 1932).




En 1908, l'annuaire de Nice répertorie les Falicon ci-dessus.
Il reste de nombreux cousins actifs sur l'ancienne route de France (rue de France, avenue de la Californie, Caucade), notamment l'entrepreneur maçon Bernard à l'emplacement de l'ancienne auberge.


Au bord de l'avenue de la Californie, sur la façade du n° 112 (Villa Apraxine), il reste une fontaine de marbre portant cette inscription : Donas a beure en achelu ch'an set.



En 1894, la batterie Pauline est démolie et le terrain est récupéré pour prolonger la promenade des Anglais. Un square est aménagé à la place de l'ancien ouvrage de défense. Il prendra le nom du peintre Félix Ziem, mort en 1911 : un buste de l'artiste est érigé dans le jardin.

Sur la carte postale de gauche, on aperçoit au fond la pension-restaurant-garage "Le Minaret" (140 rue de la Californie), à l'architecture exotique. À droite, on peut en voir la salle à manger.



  
J. de Grandières, Nice vue de la plage à Carras, 1879 (Acadèmia Nissarda) ; à droite, les Bains Georges (Walburg de Bray, 1873).


Nice vue de Sainte-Hélène aujourd'hui (2014).


Sources :
Archives départementales des Alpes-Maritimes
Archives municipales de Nice
Au sujet des Falicon de Sainte-Hélène, voir ce site bien documenté.
Pierre GIOFFREDO (1629-1692), Histoire des Alpes maritimes.
Almanach de la division de Nice et Indicateur niçois pour l'année 1847, Société typographique, Nice, 1847.
Collezione delle sentenze del Magistrato di Cassazione -  Anni 1848-49, Torino, 1850.
Dizionario generale geografico-statistico degli Stati Sardi, 1855.
Robert LATOUCHE, Histoire de Nice des origines à 1860, Tome 1, Paris, 1951.
Charles-Alexandre FIGHIERA, "La desserte de la campagne niçoise aux XVIIe et XVIIIe siècles (églises et chapelles rurales)", Nice historique, 1967, pp. 65-90.
Évelyne MIGLIORE, Citadins à la campagne - La paroisse Sainte-Hélène de Nice au 18e siècle, Laboratoire d'histoire quantitative, Nice, 1978.
Stefano ALES, L'armata sarda e le riforme albertine, Stato Maggiore Esercito, Roma, 1987.
André COMPAN, Les noms de personne dans le comté de Nice aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, Serre, Nice, 2004.
Anne BROGINI, "Villefranche et la mer aux XVIe et XVIIe siècles", in Villefranche et la mer, éd. du Musée d'anthropologie préhistorique de Monaco, 2019.

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