Vial, La Bâtie



Depuis le XIXe siècle, le nom Vial est très répandu dans les départements de la Loire (Saint-Étienne et villages environnants) et de l'Isère, ainsi que dans les département de la rive gauche du Rhône (Provence et Alpes). Mais il semblerait qu'on ait affaire à une ancienne famille de paysans huguenots réfugiés de longue date dans les vallées des Basses-Alpes.
En l'occurrence, nos Vial sont établis dans le bassin du haut Verdon. Thorame-Basse se trouve entre les montagnes du Cheval Blanc et de Cordœil, dans le massif des Trois-Évêchés :

  
Les massifs des Alpes du Sud, avec les vallées de la Durance (bassin du Rhône) et du Var.




La Bâtie et Château-Garnier sont des hameaux de Thorame-Basse, sur l'Issole ; Thorame-Haute est située sur le cours du Verdon. Issole et Verdon confluent en bas de l'image puis se jettent dans la Durance (bassin du Rhône).
À l'est, la haute vallée du Var avec Guillaumes et St-Martin-d'Entraunes ; Bouchanières et Barels sont des hameaux de Guillaumes.
Sont indiqués à titre de repères : Digne à l'ouest (vallée de la Bléone, affluent de la Durance), Barcelonnette au nord (vallée de l'Ubaye, affluent de la Durance), Annot au sud et Saint-Étienne-de-Tinée à l'est (bassin du Var) ;



Les communes de Thorame-Basse et Thorame-Haute se trouvent aux deux extrémités d'un plateau entre la source de l'Issole (Thorame-Basse) et la vallée du Verdon (Thorame-Haute). L'ensemble forme un grand terrain agricole au milieu des Alpes.

Au milieu du Ve siècle, un évêché fut installé à Thorame (vraisemblablement sur le territoire de l'actuelle Thorame-Basse). La séparation des deux communes remonte au Moyen-Âge.


En 1342, le comte de Provence rattache la communauté de Thorame-Basse à la viguerie de Castellane.

Guerres de religion (1565-1598)

Les protestants sont nombreux en haute Provence. Lors des 36 ans de guerres de religion qui saignent le royaume entre 1562 et 1598, la région n'est pas épargnée. Les édits de Saint-Germain (Charles IX, 1570) et de Beaulieu (Henri III, 1576) tentent d'apaiser la situation en garantissant quelques droits et lieux de refuge aux protestants.
En avril 1586, une troupe protestante s’approchant Thorame-Basse, les habitants se seraient réfugiés dans un clocher fortifié. Les protestants y auraient mis le siège avant d'incendier l’église où moururent plusieurs habitants.
Finalement, en 1598, l'édit de Nantes (Henri IV, 1598) met un terme au conflit. Il apporte la liberté de culte et l'égalité des droits civiques, et garantit des places de sûreté et autres lieux de refuge.

Abjuration

Mais le 18 octobre 1685, Louis XIV signe l'Édit de Fontainebleau, qui révoque l'Édit de Nantes et interdit le protestantisme dans le royaume de France. Des conversions massives sont effectuées, sous la menace de peines de mort, galères, de prison, etc. À Vars, par exemple, dans les Hautes-Alpes, de nombreux Vial  "abjurent" en septembre 1685.
Les protestants n'en continuent pas moins de vivre leur foi dans la clandestinité.

La Bâtie

Le village de La Bâtie (anciennement "La Bastide"), situé à l'entrée du goulet d'étranglement de la vallée de l'Issole, n'aurait été rattaché à Thorame-Basse qu'au XVIIIe siècle. La communauté dépendra de la viguerie de Colmars à la fin de l’Ancien Régime.

Le 25 juillet 1741, Jean-Pierre Vial, fils de Jean-Baptiste et de Chrétienne, épouse Marguerite Bonnet, fille de Laugier Bonnet et d'Anne Monge. La cérémonie se déroule à Thorame-Basse, en la chapelle St-Thomas, située entre les hameaux de La Bâtie et de Château-Garnier et rattachée à la paroisse St-Pierre-aux-Liens.

Jean-Pierre et Marguerite ont deux fils jumeaux, Louis et Jean-Baptiste, nés et baptisés le 24.05.1745 à St-Thomas. Le premier meurt le jour même.

Au sud, la montagne de Cordœil ; au nord, celle du Cheval Blanc.


Carte de Cassini (années 1740), où figurent Thorame-Basse avec la paroisse de St-Thomas et les hameaux de La Bâtie et de Château-Garnier, ainsi que Clumanc avec son hameau de Douroulles.

             
À gauche, la paroissiale Saint-Pierre aux Liens, au village de Thorame-Basse. La vie religieuse de La Bâtie se déroule plutôt à la chapelle Saint-Thomas (à droite), située entre les hameaux de La Bâtie et de Château-Garnier.

La répression des protestants se poursuivait depuis 1685. Avec l'édit de Versailles signé par Louis XVI en 1787, les Français non catholiques obtiennent enfin un statut juridique et civil. Deux ans plus tard, avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la liberté religieuse est accordée à tous.

Durant la Révolution, les paysans prennent d’assaut le château et arrachent les carcans de la prison à l’été 1791. La commune compte une société patriotique, créée après la fin de 1792.

Jean-Baptiste est laboureur ("propriétaire cultivateur") à La Bâtie.
Le 4 août 1797, à St-Thomas, il épouse Catherine Scholastique Martin, née en 1762 dans une famille de laboureurs de St-Pons près de Seyne (sur un affluent de la Durance, non loin de l'actuel lac artificiel de Serre-Ponçon).



Jean-Baptiste Toussaint Vial, fils de Jean-Baptiste et de Catherine, naît en 1806 et continue l'activité de son père, qui meurt en 1816.
En 1830, il épouse sa petite-cousine Marguerite Guigues, née en 1806. Leur union est célébrée à La Bâtie, au domicile de Jean-Baptiste Guigues, cousin germain (et maintenant beau-père) de l'époux.

En 1836, on recense 809 habitants en la commune de Thorame-Basse, très dispersés entre les différents hameaux et fermes. Jean-Baptiste Guigues et Marie résident toujours à La Bâtie, avec leurs nombreux enfants.

Entre-temps, Jean-Baptiste fils et Marguerite sont partis travailler à Clumanc, dans la vallée de l'Asse. Ils résident au hameau de Douroulles, où ils sont cultivateurs.
Leurs premiers enfants : Marie (née vers 1830), Martine (née vers 1835), Rose, Louis, Victorine, Jean, Césarine, Lucien, Basile... La plupart vont sans doute mourir jeunes.
En plus de leur nombreuse progéniture, ils adoptent un enfant trouvé, Joseph (1841).
Leur fils Julien Auguste naît en 1841.

En 1846, Jean-Baptiste et sa famille sont de retour à Thorame-Basse. Ils résident maintenant à la ferme des Combes, très isolée.
Ils ont de nouveaux enfants : Jean-Baptiste, Étienne. Marie-Thérèse, Justin Joseph (né en 1851)... Ce dernier servira dans le 17e régiment d’infanterie de ligne (Agde, Hérault), où il succombera à une pneumonie en 1874.

À Thorame-Basse, la chapelle Saint-Thomas est devenue une église paroissiale, partagée par les hameaux de La Bâtie et de Château-Garnier. En 1861, il est question de transférer la paroissiale, de La Bâtie (Saint-Thomas) à Château-Garnier (Notre-Dame). Les habitants de La Bâtie se plaignent auprès du maire de la commune. Leur hameau est plus peuplé, et Château-Garnier leur est difficile d'accès, le torrent Estelle étant infranchissable à gué par temps d'orage (tandis que les habitants de Château-Garnier peuvent facilement se rendre à Thorame-Basse). Du coup, on construit une nouvelle église Sainte-Agathe à La Bâtie, reprenant le nom d'une ancienne chapelle.


Sur le plan cadastral : en rouge, le chemin de 3,3 km reliant La Bâtie au bourg de Thorame-Basse en passant par Château-Garnier (interrompu par un torrent entre les deux hameaux ; entre Château-Garnier et Thorame-Basse, revanche, il y a un pont sur la rivière) ;
les trois églises sont indiquées en violet ; la ferme des Combes est de l'autre côté de la rivière.

Jean-Baptiste fils meurt en 1870, et sa femme Marguerite en 1873.

Julien reprend l'exploitation familiale à La Bâtie.
En 1873, il épouse Amable Antoinette Magalon, d'une famille de cultivateurs de la commune de Guillaumes, aux sources du Var.


Les enfants de Julien et Antoinette : Baptistin (né en 1874), Émilie (née en 1876) ; Henri, (né en 1878) ; Augustin (né en 1882).
Antoinette meurt en 1884.


La Bâtie [photo Joseph Boyer].

En 1898, Henri réside à La Seyne (dans le Var). Il est appelé au service militaire : recruté en 1898 ; incorporé au 141e régiment d'infanterie en 11.1899 ; mis en disponibilité en 09.1902.
Quant à Augustin, il est appelé comme soldat de 2e classe dans le XVe corps d'armée, 29e division, 57e brigade, 111e régiment d'infanterie.

Henri ne retournera pas à La Bâtie. En 1902, il vit d'abord à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), où il entre dans l’Église réformée le 21 décembre (sous la houlette du pasteur W. Allen Shackleton).
En 1904, il se marie à Salon.

Julien meurt à La Bâtie en juillet 1917, âgé de 75 ans.


Sources :
Archives départementales des Alpes de Haute-Provence
Site de Joseph Boyer consacré à la commune de Thorame-Basse.


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