Dans ce conte,
Ilľa Vaś réunit de nombreux thèmes et symboles nationaux.
Dès les premières
strophes, il plante son décor dans la parma,
c’est-à-dire la taïga du pays komi, avec sa faune
(lièvres, ours, etc.) et ses chasseurs, dont le travail consiste
principalement à récolter
des fourrures pour les vendre à la ville. Naturellement, on fait
appel à une
magicienne, personnage incontournable… Les noms des
personnages font tout de suite penser à des héros de la
mythologie komie :
Jirkap est connu pour
ses skis magiques
qui le portent où il veut ; Joma est une nymphe
des bois (qui n'est pas sans rappeler la Baba-Iaga des Russes) ; le
héros Pera est bien
connu
des Permiaks ; etc.
Les héros de
cette aventure épique sont trois frères, qui ont grandi
dans une famille
ordinaire à la campagne. Chacun est caractérisé
par une qualité : Nyrkab
par sa force physique (symbolisée par sa lance), Jirkab par sa
vitesse (symbolisée
par ses skis — qui évoquent les skis magiques grâce
auxquels le « Jirkap »
de la mythologie zyriène a capturé le renne d’azur) et le
petit Miźa par son
talent mélodique (symbolisé par sa flûte
traditionnelle) — Miźa est un
rêveur, il n’est
pas tant versé dans la chasse que dans la musique. Les trois
garçons sont donc
complémentaires. Tous ensemble, ils vont pouvoir accomplir de
grandes choses !
La quête d’un
oiseau
magique conduit nos héros sur le mont
« Tövpoz » — littéralement,
« le
nid du vent ». Dans la mythologie komie, les vents prennent
naissance dans
un nid de pierre, dans les plus hauts sommets de l’Oural.
Traditionnellement, ce
pic de
À ces thèmes nationaux, enfin, se joignent des mythes plus universels, comme celui de la malédiction qui fait disparaître la lumière et plonge le monde dans les ténèbres : la poursuite de l’oiseau magique s’avère une quête solaire.
Les vers du poème sont répartis en huitains. À quelques exceptions près, ces huitains sont composés de tétramètres trochaïques, les deux derniers vers de chaque strophe étant amputés de la dernière syllabe.
Dans chaque huitain, les vers sont couplés en rimes plates : la rime porte sur la dernière syllabe pour les deux vers courts, et remonte jusqu’à la voyelle précédente (la dernière syllabe forte) pour les six autres. Ces rimes sont donc clairement audibles, même si elles ne sont pas tout à fait régulières et que les consonnes y sont un peu fluctuantes.
L’alternance de ces deux mètres pourrait se rendre en français par une alternance de rimes féminines et masculines. Mais ce choix pourrait conduire à une certaine monotonie. J’ai préféré mettre en valeur le mètre plus court des deux derniers vers — qui sonne un peu comme un refrain — en alternant octosyllabes et heptasyllabes, et en m’efforçant de reproduire les rimes sur ces derniers seulement.
Pipilisty le faucon |
Пипилисты сöкöл |
1Jadis au bord d’un clair ruisseau, Le plus grand
s’appelait Nyrkab. Nuit et jour ils vont à la chasse, « Un
javelot
visant
tout
seul !» Le vieux s’en va, son cheval trotte… Il atteignit la ville un soir, Le vieux alla voir la sorcière — Le vieux s’enquiert et l’interroge Et le faucon
vola
Là,
il
survola le Tövpoz ;
Un
lièvre a mangé grâce à toi.
Et elle a
enterré
la plume…
Et la voici
changée en lièvre,
|
1Коркö
важöн сöдз ю бердын, Ыджыд
воклöн нимыс Ныркаб.
Вой и лун
кыйсьöмныс мунö, «Ачыс
сутшкысь шы
мем вай
тэ!» — Мунö
старик, рöдтö вöлöн… Воис
карö öти рытö, Старик
мунiс тöдысь дорö —
Старик
юасьö со, кылö, Лэбзис сöкöл, со öд
Тöвпоз вывтi
лэбис сэтi,
Кöчöс
вердiн — бур тэ вöчин.
Пыдö
гуалöма тывсö… Другысь
пöчö
пöри кöчö,
|
... (La suite est disponible dans l'ouvrage bilingue Kört Aïka et autres légendes komies [poèmes épiques de Mikhaïl Lebedev et de Vassili Lytkine ; choisis, traduits du komi et présentés par Sébastien Cagnoli], Paris : Adéfo, coll. "Poésies ouraliennes", 2010.) |
[1]
Son « pipeau » est
une flûte traditionnelle, zargum pöljan,
faite d’une tige d’angélique.