Ńobdinsa Vittor

(Нёбдiнса Виттор, 1888-1943)
En russe : Viktor Savin (Виктор Алексеевич Савин).


Poète, dramaturge, comédien, auteur-compositeur de chansons, journaliste et politicien, Ńobdinsa Vittor (i.e. "Victor de Ńobdin") a joué un rôle majeur dans le développement de la langue et de la culture komies à travers les premières décennies d'autonomie, de la révolution à la seconde guerre mondiale. Frappé par les purges staliniennes en 1937, il est mort en déportation.


Chansons et poèmes


L’aire des aigles

Loin, très loin, au septentrion
Haute se dresse la taïga.
Dans la taïga la forêt bruit,
La nuit est froide et le vent siffle.
 
Dans la taïga, un peuple obscur —
Les Komis — a sa résidence ;
De siècle en siècle ils ont cherché
Une issue vers le monde clair.
 
L’existence dans la taïga
Mettait les cœurs en affliction :
Du peuple komi affligé
Les chansons n’avaient point de joie.
 
Dans la taïga, l’aire des aigles,
Les petits des aigles grandissent.
Et de la taïga ils entendent
La chanson de chagrin du peuple.
 
Volez, ô aigles intrépides,
Prenez élan, robustes ailes,
Réveillez la haute taïga,
et apportez joyeuse joie !
 
Le peuple komi, ô oiseaux,
Menez-le par une voie droite,
Dissipez la vie affligée,
Éclairez le pays komi !

Варыш поз

Ылын–ылын, войвылын
Джуджыд парма сулалö.
Парма пасьта шувгö вöр,
Кöдзыд вой тöв шутьлялö.

Парма пöвстын пемыд йöз –
Коми войтыр олöны;
Югыдiнö петан туй
Нэм чöж найö корсьöны.

Парма пöвстын олöмысь
Жугыльтчöма сьолöмъяс:
Жугыль коми войтырлöн
Эз вöв гажа сьылöмъяс.

Парма шöрын варыш поз,
Варыш котыр быдмöны,
Йöзлысь шуштöм сьылöмсö
Парма пöвстысь кылöны.

Лэбзьöй, повтöм варышъяс,
Вына бордъяс шеныштлöй,
Джуджыд парма садьмöдöй,
Гажа гажсö пекöдлöй!

Коми йöзöс, лэбачьяс,
Веськыд туйöд нуöдöй,
Жугыль олöм пальöдöй,
Коми мусö югдöдöй!..

1923.
"Parma" est l'appellation autochtone de la forêt de conifères qui borde la toundra => en français, l'usage privilégie le mot russe "taïga".
"Varysh" est un rapace diurne falconiforme (autour, épervier, milan). L'aigle commun est rare dans la région, mais on trouve dans les forêts de Komi un aigle appelé "pygargue à queue blanche" (haliaeetus albicilla), qui nidifie précisément dans la taïga. D'où mon choix du mot "aigle", motivé par l'euphonie et la symbolique.

Les quatrains originaux sont composés d’heptasyllabes (2+2+3), avec des rimes sur les vers pairs.

Cette chanson (texte et musique de Savin) a été choisie comme hymne national de la république de Komi. L’hymne est joué dans toutes les occasions officielles, et les deux couplets ci-dessous (établis par Vladimir Timin à partir du texte de Savin) sont alors suivis de deux couplets en langue russe, conformément à la constitution, puisque le komi et le russe sont les deux langues officielles de la république :
 
Loin, très loin, au Septentrion
Haute se dresse la taïga.
Dans la taïga, l’aire des aigles
Parle à voix forte et enjouée.
 
Volez, ô aigles intrépides,
Prenez élan, robustes ailes,
Menez-nous par une voie droite,
Éclairez le pays komi !


L’étoile brillante

Étoile brillante, viens, viens,
Étoile d’argent, viens !
Brille, miroite d’en haut,
Brille le soir après la brune !
 
Ma douce fillette, viens, viens,
Ô fillette d’or, viens !
Égaye-moi, bien-aimée,
Viens-t’en le soir après la brune !
 
L’étoile brillante viendrait,
Jouerait de son éclat,
Mais un nuage l’empêche :
Il l’assombrit sous son voile.
 
Ma douce fillette viendrait
Vers moi après la brune,
Mais sa mère l’en empêche :
Elle gronde et bride l'enfant.

Югыд кодзув

Югыд кодзув, петав, петав,
Эзысь кодзув, петав!
Дзирдав, пöртмась вылiсянь,
Дзирдав рытъя кыа бöрын!

Муса нылöй, петав, петав,
Зарни нылöй, петав!
Гажöд менö, сьöлöмшöр,
Петав рытъя кыа бöрын!

Петас эськö югыд кодзув,
Дзирдалöмöн ворсас,
Гудыр кымöр тай оз лэдз:
Вевттьö пемыд эжöс улö.

Петас эськö муса нылöй
Кыа бöрын ме дiнö,
Мамыс тай сiйöс оз лэдз:
Видчö, нывлысь вöля кутö.

1919. Chanson mise en musique par l'auteur.
Je m’efforce d’imiter le rythme de la chanson en respectant le découpage syllabique des vers.
Ce texte a aussi été rapporté à T. E. Uotila, avec des variantes, par un locuteur de la région d'Ust-Usa (en 1942-1943).


Théâtre




Biographie

Enfance et études en Komi

Premier enfant d'une modeste famille de paysans, Viktor Aleksejevič Savin est né le 21 novembre 1888 à Ńobdino (Нёбдино, aujourd'hui Troš (Трош), sur la Pečora, en aval de la ville de Pečora). Aleksej est souvent absent (il est envoyé dans des usines de l'Oural). Les Savin sont quasiment analphabètes, mais ils encouragent leur fils à apprendre à lire et écrire à l'aide d'un abécédaire russe. Il va bientôt à l'école élémentaire à Ńobdino (1895-1899), après quoi ses parents s'efforceront tant bien que mal de lui financer des études secondaires (1901-1904) au lycée de Derevjansk (Деревянск). Viktor est un brillant élève, qui se distingue dans toutes les matières. Pendant ces années de lycée, il s'intéresse beaucoup à la musique en général et à la chanson en particulier.

En septembre 1904, il commence à travailler comme scribe du zemstvo dans le village d'Ust-Kulom (Усть-Кулом) et commence donc à mener une vie indépendante. En 1906, il est muté à Pečora, puis à Savinobor (Савинобор), et enfin à Ust-ŠČugor (Усть-Щугор). Là, il commence à s'intéresser à la politique.

Durant l'été de 1906, Savin rentre chez ses parents à Troš. Puis il travaille quelques années au zemstvo de Rudnikah, et se marie. Appelé en 1910 pour le service militaire, il est réformé à cause de sa myopie.

Ukraine

En mars 1911, Savin part pour pour Krivoi Rog (en Ukraine), où il travaille dans les bureaux de la mine de fer de Rahmanovka, puis dans ceux de la mine de Červonyj. En 1914, quand éclate la Grande guerre, il est expédié à Kherson, mais bientôt démobilisé pour des raisons de santé. Il retourne alors travailler dans une mine en tant qu'"employé de bureau expérimenté".

Après la Révolution de février 1917, Savin est élu au comité minier, et il participe à des spectacles d'amateurs. C'est là que commence son activité littéraire. Il écrit deux petites pièces : l'une en russe, l'autre en ukrainien.

Quand les troupes allemandes envahissent l'Ukraine, le travail à la mine est interrompu, et Savin retourne en juin 1918 auprès de sa famille à Ńobdino.

Guerre civile

En juillet, la recherche d'emploi conduit Savin à Ust-Sysolsk (Усть-Сысольск, future Syktyvkar), où il va travailler comme employé de bureau à la "Commission extraordinaire de lutte contre la contre-révolution et le sabotage".

A partir de 1918, il s'intéresse beaucoup à la culture komie, et il va se mettre à écrire en langue zyriène. Son premier poème, composé le 17 août 1918, est imprimé dès le lendemain dans le journal local "La vie zyriène", sous le pseudonyme Ńobdinsa Vittor (Нёбдiнса Виттор, i.e. "Victor de Ńobdin"), qui sera désormais son nom de plume. Le poème s'intitule "Горд звон" (Le son rouge) et illustre les convictions politiques de l'auteur, appelant à ne pas céder à l'ennemi (c'est-à-dire aux gardes blancs et à leurs alliés) la patrie chérie et la liberté.

La Commission extraordinaire d'Ust-Sysolsk avance vite : à la prison locale on détient une série de personnes qui refusent obstinément de "collaborer avec le peuple" (notamment les partisans de l'ancien gouvernement temporaire révolutionnaire) ; une partie des détenus est expédiée à Kotlas (Котлас), où certains sont fusillés...

En octobre 1918, Savin adhère au parti communiste. Il continue d'écrire, de publier des poèmes... Dans la deuxième moitié de 1918, il écrit ses premières pièces en langue zyriène : Корасьысь (Demande en mariage) ; Гудрасьöм (Tumulte), adaptation de sa pièce ukrainienne Бувальщина ; et Ыджыд мыж (Une grande faute), également sur des thèmes ukrainiens.

Savin et la politique

Pour le premier anniversaire de la révolution d'octobre, Savin écrit le poème "Чолöм" (Salut). La célébration de cet anniversaire va avoir un impact considérable sur la carrière de Savin. Pendant la célébration à Ust-Sysolsk éclate un conflit entre les chefs du district ; l'affaire en arrive à des arrestations (Savin remplit certains mandats d'arrêt), à des menaces de fusillade et à l'introduction de la loi martiale dans la ville. Finalement, tous les membres du comité exécutif, de la Commission extraordinaire et du bureau de recrutement du district sont destitués. En décembre 1918, lors du premier Congrès des communistes du district d'Ust-Sysolsk, Savin est élu président de la Commission extraordinaire, et membre du comité de rédaction de "La vie zyriène". Le voilà projeté dans les premiers rangs de la vie politique du district.

En novembre 1918, le service de l'éducation publique du district a créé une commission dont la fonction consiste à favoriser la récolte et la création d'oeuvres littéraires en langue zyriène, et à préparer des manuels pour les écoles komies. Savin est bientôt invité à travailler avec cette commission, dont les membres se réunissent presque chaque soir pour discuter d'oeuvres diverses. Il leur soumet les poèmes "Пернапас" (Le signe de la croix), "Горд ань" (La femme rouge), etc. En même temps, il forme une troupe de théâtre amateur, qui monte dès la fin de 1918 ses vaudevilles Корасьысь et Гудрасьом. En février 1919, il monte le drame Ыджыд мыж.

En mars 1919, Savin participe au deuxième Congrès de district des communistes (par la suite, ces Congrès seront appelés "Conférences"). En avril, il est élu secrétaire du comité exécutif du district. En juin, lors de la troisième Conférence, Savin est élu secrétaire du PC du district. A l'ordre du jour, il y a en priorité la mobilisation des forces des communistes pour la conduite des hostilités contre les détachements blancs.

Petit à petit l'oeuvre littéraire occupe dans la vie de Savin une place prépondérante. Il continue d'écrire des poèmes et des chansons. En 1919, sa chanson "Югыд кодзув" (L'étoile brillante) est un grand succès. Le 24 octobre, on représente à Ust-Sysolsk sa première grande pièce, Шондi петiгöн дзоридз косьмис, où il joue le rôle principal.

Au début de 1920, Savin est en tournée dans des villages avec sa troupe de théâtre. En mai, lors de la cinquième Conférence, il est réélu au comité de district et reste secrétaire du PC. En juillet, le PC, le Komsomol, les Conseils et les syndicats, décident de convoquer le premier Congrès pour la discussion des questions culturo-politico-économiques de tout le peuple komi. Savin est chargé, avec deux autres personnes, de préparer le congrès.

Premières réprimandes

Savin, ces années-là, néglige un peu son travail au PC. En janvier 1921, il est élu au Comité régional du PC ; en 1921 il participe aux séances de ce Comité régional ; mais en janvier 1922, lors de la 2ème conférence régionale du PC, il ne figure plus sur les listes des candidats. L'écriture et le journalisme lui prennent tout son temps, de sorte qu'il a commencé à venir moins régulièrement aux réunions des communistes, ce qui est jugé impardonnable : en 1923, il reçoit une réprimande, et en 1925 une "réprimande sévère".

Fondation du théâtre komi d'Ust-Sysolsk

Le 25 janvier 1921 a lieu à Ust-Sysolsk une réunion des artistes amateurs de la ville, qui écoutent un exposé de Savin sur l'importance du théâtre en général, et en particulier pour le peuple komi, comme moyen d'élever le niveau culturel et d'approfondir la conscience des masses. Il est décidé de créer une troupe komie en résidence à Ust-Sysolsk, nommée "Syktyvkarsa Komi Teatryn Vorsys Čukor" ("la troupe des acteurs de théâtre komi d'Ust-Sysolsk"), en abrégé "Sykomtevčuk" (Сыкомтевчук), dont la tâche sera de monter des pièces écrites ou traduites en langue komie.

En février, cette décision est ratifiée par l'administration du district. Dans les années 1920, Savin va écrire ainsi quelques pièces pour la troupe : Райын (Au paradis, 1921), Тшын (La fumée, 1922), Инасьтом лов (Une âme en peine, 1926), Кулöмдiнса бунт (L'insurrection d'Ust-Kulom, 1927), Парма ныв (1929) , etc.
En dehors de ses activités théâtrales, Savin continue d'écrire des chansons, notamment "Том войтыр, садьмой", "Öтчыд овлö", "Варыш поз" (L'aire des aigles), "Тувсов вой", etc. Plusieurs ont été accueillies avec enthousiasme non seulement auprès des Zyriènes, mais aussi auprès des Permiaks (Savin se rend en Permiakie en 1929). Premier compositeur komi, Savin met en musique non seulement ses propres poèmes, mais aussi des textes d'autres auteurs, notamment Mihail Nikolajevič Lebedev.

Les années 1920 marquent le sommet de la carrière littéraire de Savin. En 1922 sont publiés ses trois premiers livres : la comédie Райын, le drame Шондi петiгон дзоридз косьмис et le poème "Аркирей" (L'évêque). En 1924, ses poèmes paraissent en recueil : Сьылан-лыддянъяс (Chansons et poèmes).

Par la suite, il publie de nouveaux livres presque chaque année (surtout des pièces), dans les journaux et les revues sont publiés constamment des poèmes, des récits, des essais sur des sujets variés. La poésie lyrique, la description (souvent avec humour) de la vie quotidienne du peuple komi est probablement le meilleur de sa production. Mais plusieurs de ses oeuvres résultent de commandes du parti, avec le devoir de porter un regard communiste sur n'importe quel phénomène de la vie... Cela dit, au delà de leur caractère idéologique, ces oeuvres témoignent de la maîtrise poétique de l'auteur.

L'association des écrivains prolétariens komis (1926-1932)

Le 12 mars 1926 a lieu une réunion d'organisation, qui décide de créer l'Association des Ecrivains Prolétariens Komis. Savin participe à cette réunion et est élu au conseil d'administration temporaire de l'AEPK. En août de la même année, lors de la première Conférence régionale de l'AEPK, Savin est élu au conseil d'administration. A l'automne de 1926, on commence à publier des revues, notamment "Ордым", dont Savin devient membre du comité de rédaction. A la seconde Conférence régionale de l'AEPK, en septembre 1928, Savin est réélu au conseil d'administration.

Au printemps de 1930, la revue "Ленин туйод" publie l'article "Pour la culture socialiste", dans lequel on reproche aux belles-lettres komies de développer des idées nationalistes. En particulier, si l'article reconnaît Ńobdinsa Vittor comme un chantre des travailleurs komis, on lui reproche de perdre de vue le fil conducteur que devrait constituer le combat du prolétariat. On trouve dans sa pièce Рытъя des idées de droite. Le conseil d'administration de l'AEPK a exprimé aussi des critiques à l'adresse de cette pièce. La troisième conférence de l'AEPK, en octobre 1930, critique Savin pour ne pas avoir su, dans Рытъя, examiner et montrer de nouvelles formes de la lutte des classes dans le village. Néanmoins le poète est élu au conseil d'administration de l'AEPK, et il reste membre du Conseil de rédaction de la revue "Ордым". Mais en 1932, le conseil d'administration de l'association est congédié.

La carrière littéraire de Savin dans les années 1930

En octobre 1930, à l'initiative Savin, est créé une troupe de théâtre professionnel komi itinérant édifiant (rebaptisé en 1931 "théâtre dramatique d'Etat komi"). Mais dans les années 1930 le théâtre occupait déjà moins de place dans la vie de Savin. A partir de 1931, il considère lui-même que son activité dramatique s'est complètement arrêtée. Il montera encore deux nouvelles pièces, Арт (Le bilan) et Моль. Dans les années 1930, il traduit Le serviteur de deux maîtres de Goldoni, L'Inspecteur de Gogol, etc. Il travaille aussi sur des oratorios (avec chansons, poèmes, numéros de danse, etc.), mais l'absence de la formation musicale l'empêche de mener ce projet à son terme.

En 1931-1932, les oeuvres Savin sont publiées en deux volumes. En 1933, il compose son chef-d'oeuvre, le poème "Syktyvkar". En octobre 1933, on célèbre le 15ème anniversaire de son activité littéraire. En avril 1934, il participe à la première Conférence régionale des écrivains soviétiques, où il est élu au conseil d'administration. Dans les années 1930, il travaille un peu à la radio.

1935 va être une année difficile pour Savin. En janvier, l'organisation primaire du parti communiste demande son exclusion : on lui reproche, entre autres, de s'éloigner du parti, de ne pas remplir son le rôle d'avant-garde dans l'Union des écrivains... et de boire. Il venait de recevoir en 1934  une "réprimande avec dernière prévention"... Savin attend la suite des événements avec appréhension. En mars, il est accusé de "national-chauvinisme", mais le bureau du Comité régional du PC, décide de le garder dans les rangs du parti, avec l'intention "d'inciter le camarade Savin au travail créateur" et de faire de lui un bon écrivain soviétique. Fin mai 1935, il participe au premier Congrès des écrivains soviétiques nordiques à Arkhangelsk.

En 1936, il est décoré parmi "les gens notables, les stakhanovistes et les excellents élèves de la construction socialiste" ; mais la même année, il est exclu du PC. En outre, il tombe malade plusieurs fois ; il est hospitalisé, et les médecins le certifient "invalide au deuxième degré". En juin 1937, le journal "Ворлэдзысь" publie un de ses derniers articles, "La RSSA de Komi", consacré au projet de constitution de la république. Durant l'été de la même année, Savin va se faire soigner à Kislovodsk.

Répression et déportation (1937-1943)

En septembre 1937, la direction du théâtre dramatique s'exprime dans le journal "Pour un nouveau nord" avec des accusations rudes à l'adresse du poète et dramaturge, en lui reprochant de ne pas donner au théâtre toute l'attention voulue. Il répond qu'il continue activement à travailler sur de nouvelles pièces. En particulier, en 1937, il travaillait sur une pièce intitulée La forteresse, qui raconte la construction d'une usine hydroélectrique sur la rivière Vojvož (Войвож)... Le contenu idéologique de la pièce est fortement affecté par l'atmosphère politique des années 1936-1937 : atmosphère de paranoïa à l'égard des saboteurs, des ennemis, des trotskistes... La pièce est achevée le 3 octobre 1937. Le 8 octobre, Savin est arrêté.

Il subit deux interrogatoires, en octobre 1937 et en mars 1938. On l'accuse de participer à "l'organisation contre-révolutionnaire bourgeoise-nationaliste" et de mener "la lutte pour la création d'une république komie bourgeoise". Savin rejette ces accusations. Le 7 juillet 1938, il est condamné à cinq années de réclusion dans les camps pour "activité contre-révolutionnaire". Il est d'abord expédié au camp de Vorkutstroya (Воркутстроя). En septembre 1940, il est transféré au camp de travail d'Adak (Адак), sur l'Usa.

Le 8 octobre 1942, le délai de sa réclusion a expiré, mais Savin se trouve toujours à Adak. Les autorités de camp demandent aux "maîtres des destinées" de la RSSA de Komi ce qu'il faut faire de Ńobdinsa Vittor. On leur répond que le retour de Savin à Syktyvkar est indésirable. Le 3 février 1943, Savin est expédié au camp de travail de Kožva (Кожва). Puis on le transporte en Sibérie : le 9 avril 1943, il arrive au camp de travail de Prikulka (Прикулька, à 50 km de Tomsk). Il est tombé malade en chemin, et on le place à l'infirmerie du camp.

Savin ne sortira pas de l'infirmerie : il meurt le 11 août 1943. (Il sera réhabilité en 1955.)

(d'après I. L. Zherebcov)

Son oeuvre

poésie :
théâtre :



Poèmes traduits du komi (zyriène) par Sébastien Cagnoli (2006-2008).
Source pour les textes originaux (en graphie komie moderne) : Виктор Алексеевич Савин, Гажöдчöй, кор томöсь: Бöрйöм гижöдъяс, Коми кн. изд-во, Сыктывкар, 1998.

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