Cagnoli, Nice & exil |
Gioan Battista et Anna
Margarita
s'installent sur le territoire de la
paroisse St-Martin-St-Augustin : située sur l'ancien bastion
du Sincaire, l'église administre notamment le nouveau
quartier du port.
Leurs enfants s'y marient bientôt : Gioanna Battista, en 1785,
avec Onorato Ballino ; Anna Camilla, en 1786, avec Pietro
Pin ; et Angelo Maria, en 1788, avec Camilla Castèu.
Anna Margarita est paysanne à Nice.
En 1787, les dessins d'Albanis Beaumont montrent l'urbanisation du port Lympia :
Fils et petit-fils de marins, Andrea
perpétue la tradition familiale.
En 1781-1783, la Marine
royale envoie la San Carlo
effectuer des missions jusqu'à Gibraltar.
En 1782 et 1783,
l'administration met en service deux demi-galères acquises à
Naples : Santa Barbara et
Beata Margherita. Elles
s'avèrent efficaces dans la lutte contre les Barbaresques,
qui est une activité permanente dans les années 1770-1780 : il
s'agit non seulement de combattre les pirates sur le littoral niçois
et autour de la Sardaigne,
mais aussi de les pourchasser jusqu'aux côtes africaines et, désormais,
d'escorter les navires de commerce jusqu'à Gibraltar. Des Geneys (22 ans) est
maintenant commandant de la Beata
Margherita.
Par ailleurs, à partir de ces années 1780, la Marine russe en
Méditerranée fréquente régulièrement la rade de Villefranche.
Soldat et grenadier de la Marine sous Victor-Amédée III, dans les années 1780. - Enseigne avec le drapeau colonel.
À titre d'exemple, voici le récit d'une journée de combat contre les barbaresques, rapporté par le chevalier Filippo Mattone di Benevello, capitaine de la Beata Margherita : Relation détaillée du
combat que j'ai livré avec la "Beate Marguerite" à un
schebec barbaresque le 16
avril
[1787] entre la Sardaigne et la Corse. C'est dans un combat de ce genre que le père d'Andrea,
Gioan Battista, est blessé, après quoi il quitte le
service royal avec une pension d'invalide. |
Ci-contre : sabre ayant appartenu au comte Balbo Bertone di Sambuy, alors enseigne (guardiamarina) sur la San Vittorio. Sur la lame sont gravés (et dorés) le nœud de Savoie et les mots (en français) "VAINCRE OU MOURIR", "POUR DIEU ET POUR LE ROI" et "VIVE LE ROI DE SARDAIGNE".
En février 1788, le chevalier Vittorio Porcile [portrait ci-contre] s'empare d'une autre galiote barbaresque au large de la Madeleine. (Ce Vittorio est le fils de Giovanni Porcile, le capitaine de la Marine sarde qui effectua les négociations pour la libération des Tabarquins et les achemina à l'île Saint-Pierre.)
Michele Andrea Cagnoli rencontre une certaine Anna Maria Dassori. Lui
est d’origine piémontaise par son père, génoise par sa mère,
niçoise par sa naissance ; elle, comme son nom l'indique, est
génoise. Le 12 mai 1788, ils se marient en la cathédrale
Sainte-Réparate. Les témoins sont Giacomo Randon et Pietro Clerissi. [Ci-contre,
une représentation de la cathédrale vue de la rue Mascoïnat,
par Jacques Guiaud, quelques décennies plus tard.]
Gioan Battista Cagnoli, invalido al regio servizio, meurt quelques mois plus tard, en novembre 1788, âgé de 74 ans ("d'une soixantaine d'années", selon l'acte ci-contre établi à Saint-Martin-Saint-Augustin). Né en Haut-Montferrat, il était arrivé à Villefranche dans sa jeunesse pour travailler dans la Marine royale. Il laisse une veuve quinquagénaire et 5 enfants, dont 4 mariés. |
La fille cadette de Gioan Battista et d'Anna Margarita, Angelica, est hospitalisée à la Sainte-Croix. L'hôpital privé de la Sainte-Croix fut créé par la confrérie des pénitents blancs en 1636 (à l'emplacement de l'actuel 5 rue Zanin), avec onze lits, dans le but d'accueillir et de guérir les malades (à l'exception des fous, des contagieux, des vénériens et des incurables). Angelica y meurt en août 1789, âgée d'à peine 20 ans.
En 1789, au large du cap Posada, Des Geneys capture une saette pirate (un bâtiment assez similaire à une caravelle), qui vient intégrer la Marine royale.
En 1790, le chevalier De Chevillard capture trois galiotes au cours de trois confrontations distinctes.
En 1791, la Santa Barbara (toujours commandée par Porcile) et la Santa Margherita (par De May) prennent possession d'une galiote, qui rejoint également la Marine royale. Cette année-là, Des Geneys embarque à bord de la San Vittorio pour se rendre à Cagliari, où il est nommé commandant du port.
Enfin, en 1792, c'est un
commandant niçois, le chevalier Di
Constantin, qui attaque deux galiotes corsaires et
parvient à en capturer une.
Andrea et Maria ont leurs premiers enfants : en septembre
1790, ils sont devenus les parents d’un petit Giuseppe ; puis Camilla naît
en juillet 1792.
On s'y perd ? Voici un schéma pour y voir plus clair. Les marins
sont représentés en orange. En bas à gauche, en vert, les deux premiers fils
d'Andrea, dont il va être question par la suite.
À l'automne 1792, les relations se tendent avec la France révolutionnaire. Des réfugiés français affluent à Nice et en Savoie depuis plusieurs mois. En septembre, l'"Armée du Midi" est réunie derrière le Var, sous le commandement du général Jacques Bernard d'Anselme, pendant que le contre-amiral Laurent Truguet [portrait ci-contre], à bord du Tonnant, entre dans la baie des Anges et s'approche furieusement du rivage comme s'il allait livrer un débarquement (en parallèle, le lieutenant-général Montesquiou s'apprête à envahir la Savoie).
Devant l'imminence d'une invasion qu'il se sait incapable de
repousser, le gouverneur de la province, le Valaisan Eugène de Courten (1771-1839),
donne l'ordre aux troupes sardes de quitter la ville : les hommes
du général niçois Thaon de Revel se
replient immédiatement sur Saorge et l'Authion pour se
préparer à soutenir des combats en montagne [repère K sur la
gravure ci-dessus] et, avec l'aide des alliés autrichiens,
défendre le Piémont, véritable objectif des Français. Ils
sont accompagnées par tous les Niçois qui ont les moyens
d'aller se réfugier à Turin ou, au moins, de chercher refuge dans
les montagnes.
De
même,
la Marine voit la nécessité de quitter Villefranche (place
gouvernée par le commandant général de la Marine royale, François Daviet de Foncenex)
pour mettre une partie de sa flotte en sécurité avant que tout le
littoral soit verrouillé par les navires français. Le 24 septembre, la frégate San Vittorio parvient à
s'échapper grâce à une ruse de son commandant, Charles Ross (1776-1849) [portrait
ci-contre], officier britannique au service de la Marine
sarde, qui fait hisser le pavillon de Grande-Bretagne. Les
Anglais n'étant pas encore entrés en guerre, la
frégate quitte Villefranche incognito et échappe à la
vigilance des Français. Andrea Cagnoli étant
matelot dans la Marine royale, sa famille fait sans doute
partie de cet équipage exceptionnel.
La San Vittorio est le
seul navire sarde qui ait pu s'échapper de Villefranche in
extremis.
Après de nombreuses hésitations quant à sa trajectoire, elle met
le cap sur Oneille, enclave sarde sur le littoral génois, où
l'on débarque une partie de l'équipage. Les troupes sardes sont
envoyées se battre en montagne, puis la San Vittorio va
s'abriter dans le port neutre de Gênes, où elle est
désarmée.
L'expédition française en Sardaigne (février 1793)Pendant ce temps, Truguet part à l'attaque de Cagliari (janvier-février 1793) pour tenter de conquérir l'île de Sardaigne.L'expédition est organisée par le Corse Pascal Paoli (qui milite alors en faveur de la Révolution française) et conduite à Cagliari par l'amiral Truguet, qui commence à bombarder la ville le 27 janvier. Le jeune lieutenant-colonel Bonaparte commande une partie de l'artillerie. La défense sarde est supervisée par Domenico Millelire (1761-1827) [ci-contre]. Bombardement de Cagliari. - Bonaparte lors de l'expédition de Sardaigne. L'armée sarde repousse les Français, qui finissent de se retirer le 25 mai après plusieurs attaques infructueuses. |
Le siège de Toulon (août-décembre 1793)En août 1793, une insurrection éclate dans la Marine française à Toulon. 1500 insurgés sollicitent l'aide des Alliés. À cette époque, Toulon est la place forte la plus puissante de toute la Méditerranée. Le 23 août, des pourparlers ont lieu avec le vice-amiral Samuel Hood (1724-1816) [portrait à gauche] à bord de sa frégate Victory, qui n'a pas fini de faire parler d'elle. Hood signe une proclamation qui annonce ses intentions.Le 28 août, il procède au débarquement. Les troupes britanniques entrent en ville sans difficulté. Les Républicains prennent la fuite. Le 29 août, les troupes de Juan de Langara débarquent à leur tour. Pendant ce temps, les troupes terrestres de la République arrivent devant Toulon et sont rejointes par les 6 000 hommes de l’armée d'Italie, stationnée dans les Alpes-Maritimes. Elles sont renforcées par 3 000 marins et soldats de la garnison qui refusent de servir les Britanniques. Le jeune capitaine Napoléon Bonaparte est nommé chef de l'artillerie [tableau à droite par Édouard Detaille] Le 8 septembre, Hood envoie le lieutenant Edward Cooke auprès du roi de Sardaigne pour chercher des renforts. Cooke revient à la fin du mois avec des troupes sardes d'Oneille et de Sardaigne, complétées par de nouvelles recrues. La San Vittorio, toujours sous le commandement du général Ross [on lit parfois "de Bucler", que je ne m'explique pas], participe à l'opération. De même, les Espagnols bénéficient de l'assistance de leurs alliés napolitains. Au maximum, il y aura 17 000 hommes du côté des Alliés : 2 000 Britanniques, 4 000 Espagnols, 8 000 Napolitains et 2 800 Sardes. Une grande bataille a lieu le 30 septembre, à l'issue de laquelle on dénombre 7 morts et 72 blessés chez les alliés, mais près de 1450 victimes et 48 prisonniers parmi les Français. Le 1er octobre, les insurgés français (dirigés par l'amiral royaliste Trogoff) livrent la flotte et l'arsenal à la Royal Navy. Le 19 octobre, Bonaparte est promu chef de bataillon. Les Français en novembre, résistant au siège (dessin de Sigismond Himely, 1801-1872). Après trois mois de combats, l'artillerie française reprend Toulon, tandis que les Alliés gardent le contrôle maritime. Les troupes britanniques finissent par quitter la rade le 18 décembre, non sans détruire une partie de la flotte et de l'arsenal (Hood charge l'amiral Sidney Smith de cette mission de destruction). Évacuation du port et destruction de la flotte française le 18 décembre (gravure d'après une peinture d'A. Feraud). Gravure de J. Pass (d'après un dessin de Crystal ?). L'estampe ci-dessus reproduit un tableau de Thomas Whitcombe (1763-1825). Ci-contre : tableau
d'Adolphus Knell (1801-1875).
Les troupes de la Convention entrent dans la ville le 19 décembre. Environ 15 000 Toulonnais se sont réfugiés sur les navires britanniques. Promu général de brigade le 22 décembre, Bonaparte est en route pour sa nouvelle affectation au commandement de l'artillerie de l'armée d'Italie. La vieille San Vittorio est détruite par les flammes le 18 décembre. Ross s'entend avec Hood pour récupérer à la place une bonne frégate française, l'Alceste, et y transférer son équipage. Le pavillon sarde hissé sur l'Alceste, à Toulon, en décembre 1793 [huile sur toile de Rodolfo Claudus (1893-1964)] Entre les combats, le siège, l'incendie du 18 décembre et le départ des Anglais, la flotte française a perdu la majeure partie de ses équipages, le contenu des magasins de l'arsenal et la moitié de ses navires, dont Hood emporte les meilleurs. Malgré la victoire théorique des révolutionnaires qui reprennent Toulon, la destruction de la flotte aura des conséquences à long terme sur la Marine française (elle prépare notamment la future victoire britannique à Trafalgar). Désormais, la Royal Navy est maître de la Méditerranée. |
La reprise de l'Alceste (juin 1794)Dès son acquisition, l'Alceste, battant maintenant le pavillon des États-Sardes, est envoyée en Sardaigne pour protéger les côtes contre les pirates.En juin 1794, l'amiral Hood, venu porter assistance en Corse à Pascal Paoli (qui, entre-temps, s'est retourné contre les Français), charge la frégate (commandée par Ross) de transmettre un message urgent à sa division du côté des îles d'Hyères. Des Geneys est alors lieutenant de vaisseau. Le 8 juin, au large de Fréjus, la frégate est attaquée par les Français. L'adversaire est aux commandes de la Boudeuse, une frégate de 36 canons (qui, pour l'anecdote, fut utilisée par Bougainville dans son tour du monde de 1766-1769). Combat entre la Boudeuse et l'Alceste. L'équipage de l'Alceste est débarqué à Golfe-Juan et les Français récupèrent leur frégate. Sous pavillon bleu-blanc-rouge, l'Alceste va participer ensuite à la bataille des îles d'Hyères (13 juillet 1795). |
Claude Gelée dit Le Lorrain, Le port de Gênes, XVIIe siècle. |
Carte de Gênes attribuée a Francesco Maria Accinelli (1700-1777) [source] |
« À la fin de 1794, la menace britannique de blocus du port de Gênes finit par être mise à exécution, et au moins d’avril suivant (1795), les Français envahirent le territoire de la République et pendant deux ans occupèrent pratiquement la moitié de la Ligurie. Ainsi, pris entre deux forces en guerre, Gênes suivit les Français, avec pour résultat qu’en juin 1797, Napoléon décréta la fin du gouvernement aristocratique et en organisa un nouveau sur le modèle démocratique français. Ces opérations militaires, ajoutées au blocage continuel et à l’inquiétude générale dans tout le territoire, mit naturellement le commerce maritime à l’arrêt, de sorte qu’Antonio, qu’il fût docker ou marchand, dut, par la force des circonstances, chercher d’autres moyens de subsistance. »
L'Antonio en question, docker ou marchand mélomane, est le père d'un certain Niccolò Paganini. Né à Gênes en 1782, le petit violoniste a grandi dans le port de Gênes jusqu’à la guerre, dans le même environnement populaire que Serafino, né quelques années plus tard. Si ce paragraphe est tiré d'une biographie du violoniste (Paganini the Genoese, vol. I., 1957, p. 12), il résume aussi bien la situation de toutes les familles qui vivent alors dans le port de Gênes, notamment celle de Maria, qui élève maintenant trois enfants.
La bataille du cap Noli (mars 1795)Le vice-amiral William Hotham (1736-1813) [ci-contre] succède à Hood aux commandes de la flotte du Royaume de Grande-Bretagne en Méditerranée.Le 14 mars 1795, la baie est secouée par la « bataille de Gênes » – ou du cap Noli, plus exactement, à l’ouest de Savone. La bataille oppose, d’un côté, 13 navires français et, de l’autre, 14 navires britanniques et napolitains dirigés par Hotham à bord du Britannia. Le capitaine Nelson y commande l'Agamemnon. La bataille du cap Noli, 14 mars 1795. - Le capitaine Nelson. La bataille se solde par une victoire de la coalition sur les Français. |
La bataille des îles d'Hyères (juillet 1795)Après un second soulèvement réprimé à Toulon, les marins français sont invités "à revenir sur leurs vaisseaux et à mériter l'oubli de leur insurrection en faisant des prodiges de valeur contre les Anglais". On leur fait jurer "de laver leur crime dans le sang des ennemis de la République".Sous pavillon bleu-blanc-rouge, l'Alceste prend ainsi le large avec un objectif très clair. Mais le 13 juillet 1795, à 3 h du matin, l'escadre française rencontre une imposante flotte alliée au sud des îles d'Hyères, placée sous le commandement de l'amiral William Hotham. Au nombre des navires britanniques se trouvent notamment la frégate Victory [reproduite ci-contre], qui se distinguera bientôt à Trafalgar, et l'Agamemnon toujours commandée par Nelson.
Avec cette bataille, Britanniques et Napolitains emportent
une nouvelle victoire. |
La bataille de Loano (novembre 1795)Tandis que les Anglais verrouillent le littoral ligure, les Austro-Sardes tentent de défendre les Apennins. Une grande bataille (terrestre) éclate à Loano le 22 novembre 1795, où Masséna inflige de lourdes pertes aux Alliés. Les États-Sardes perdent ainsi leur dernier port sur le continent. |