Cagnoli,
Nice |
Juste avant l'inauguration de la grande Exposition coloniale de Paris le 6 mai 1931, le président de la République Gaston Doumergue, en fin de mandant, se rend en Tunisie (15-16 avril). Il s'arrête à Nice le 9 avril avant d'embarquer sur le croiseur "Colbert" à Villefranche. Sa visite fait l'objet d'une grande fête coloniale dans les rues de la ville. Ici, l'escadron de spahis passe devant la rue Paradis. |
Dessin d'Élie (Noël 1931). |
L'hiver 1932 est exceptionnellement froid. Dans le jardin Albert-Ier, de la glace se forme sur la Fontaine des Tritons. (En arrière-plan, le casino de la Nouvelle Jetée-Promenade.) |
Dans les années 1930, la fabrique d'articles en bois d'olivier répond à une demande qui se focalise sur les souvenirs. Les objets de luxe se font plus rares. Sur la publicité ci-contre, on remarque qu'Éloi fait figurer à côté de son nom ses distinctions militaires (médaille militaire et croix de guerre). Bachelier en 1930, Élie, l'aîné d'Éloi, est parti étudier l'architecture à Paris, à l'École des Beaux-Arts. Né dans une ville en plein bouleversement urbain, il aura certainement été émerveillé par la fantaisie architecturale qui règne à Nice. Un événement à l'Eldorado en 1933 : "Ben-Hur", film de 1925 avec Ramon Novarro, première adaptation en long métrage du roman de Lew Wallace, partiellement tourné en Technicolor et colorisé, avec accompagnement musical et effets sonores ajoutés en 1931. Le 9 janvier 1934, Éloi gagne 10 francs à la loterie nationale (Journal des mutilés et combattants, 14/01/1934). En 1934, Élie fait son service militaire dans le 19e Régiment d'artillerie divisionnaire (Nîmes), puis il retourne à Paris continuer ses études d'architecture. En 1937, une médaille d'honneur (argent) est attribuée à l'oncle Victor "pour services exceptionnels rendus à l'Assistance publique". En 1937, l'École des Beaux-Arts décerne à Élie un prix financé par le "Syndicat des éditeurs d'art et négociants en tableaux modernes" : il s'agit d'une bourse et d'un logement à la Cité universitaire de Paris. Il effectue un voyage d'études en Italie à l'automne et s'installe à la Cité U. Dans l'avis reproduit ci-contre (Le Figaro du 21 novembre 1937), on remarque la précision "sujet français"... De fait, la consonance italienne des patronymes niçois prête à confusion. Or, depuis que Benito Mussolini, Président du Conseil du Royaume d'Italie depuis 1922, a instauré un régime totalitaire fasciste en 1925, la Maison de Savoie affiche de plus en plus explicitement le désir de reconquérir ses territoires perdus. Craignant une invasion italienne imminente, les autorités françaises élaborent un plan d'évacuation dès la fin de 1938. Pendant ses études à Paris, Élie a rencontré une jeune Provençale, France Mireille Vial, dont le père, originaire des Basses-Alpes, vit à Vitry-sur-Seine. Mireille a trois frères, en Provence et en région parisienne. Elle est en train de terminer ses études d'infirmière. Pendant l'été 1938, elle reste à Paris pendant qu'Élie rentre chez ses parents rue Paradis. |
La Promenade des Anglais et le casino en 1935. |
Élie, fils d'Éloi, au jardin Albert-Ier, devant l'Hôtel Plaza, en septembre 1938. L'hôtel a été construit vers 1850, et sa façade de 140 mètres le long a été modifiée par l'architecte Charles Dalmas vers 1900-1910. |
Face à la menace italienne, les hommes sont mobilisés à
la fin du mois d'août
1939. Élie comptait présenter son travail de
diplôme à la rentrée, mais il en est empêché : il est envoyé au camp
militaire des Granges de la Brasque [en
rouge sur la carte ci-contre, à 35 km de Nice], une
position qui permet de prévenir une éventuelle invasion par la Vésubie [hypothétique,
représentée ci-contre par une flèche verte]. Il est maréchal des logis au 94e régiment d'artillerie de montagne. En septembre, en réponse à l'invasion de la Pologne, les alliés de celle-ci (dont la France) déclarent la guerre à l'Allemagne. Comme les Italiens n'arrivent pas, les régiments cantonnés dans les Alpes sont désoeuvrés. Les conditions de vie étant rudes en montagne, ils se replient sur un village plus bas pour l'hiver. Finalement, Élie est envoyé dans la Marne. Du coup, il ne peut pas assister au mariage de sa soeur France. En décembre, il espère tout de même obtenir une permission de 10 jours autour du Nouvel An, pour essayer de voir Mireille (à Paris) et ses parents (à Nice). Sur la ligne Maginot aussi, c'est toujours la "drôle de guerre" : pas d'affrontement, pas de tirs (sauf pour l'entrainement), pas d'obus. La déclaration de guerre a immédiatement des conséquences économiques. À Nice, France ne trouve pas de travail comme sage-femme, et le magasin Au Bois Mosaïque n'a plus de clients. Le mari de France était à Hyères, puis il est affecté à 20 km d'Élie. Les deux hommes se revoient dans la Marne. Élie obtient ses 10 jours pour les fêtes de fin d'année : il les passe pour moitié à Paris avec Mireille, et pour moitié à Nice avec ses parents. Éloi (invalide de guerre, en civil) et son frère (capitaine) à Noël. |
Le 10 mai, l'armée française est ses alliés britanniques se mobilisent pour affronter les troupes allemandes qui entrent en France par le Benelux. À l'issue de sa permission, Élie repart pour la ligne Maginot au milieu des alertes dans les gares, tandis que Mireille rentre à Paris. On parle d'abris et de masques à gaz. La garnison est déplacée vers le nord : "On se dirige vers la bagarre pour renforcer les troupes qui défendent la poche qui s'est formée du coté de Sedan et qui arrive bientôt jusqu'à Reims." Dans ses lettres, Élie décrit les combats aériens, les bombardements de voies ferrées et d'églises. Cantonnement près d'Amiens, combats sur la rive gauche de la Somme (avec canons et batteries). En juin 1940, les Allemands bombardent Paris, Marseille et Orléans. Grands affrontements, morts, blessés, forte perte de matériels dans la garnison. Repli vers la rive gauche de l'Oise. Les Allemands sont près de Paris. Munitions insuffisantes, beaucoup de réfugiés sur les routes. Repli à Thenon (Dordogne). Fin juin, il sera à Fargues (Lot). Le courrier et les trains ne fonctionnent plus. Entre le 9 juin et le 20 juillet, la communication est interrompue entre les jeunes mariés. Sur le front allemand, la France capitule le 14 juin après six semaines de combats, et un armistice est signé le 22 en forêt de Compiègne (au même endroit que celui de 1918, à titre de revanche). La France est partagée en deux, le nord étant annexé à l'Allemagne. La moitié sud, démilitarisée, continue d'être gouvernée par le président Albert Lebrun depuis Vichy, la nouvelle capitale. |
Pendant ce temps, l'Italie est entrée en guerre le 10
juin aux côtés de l'Allemagne. La guerre européenne a ravivé les conflits entre la France et la Maison de Savoie et remis sur le tapis la question des frontières. Après deux semaines de guerre entre les deux voisins, un armistice est signé le 24 à la Villa Incisa (à Olgiata, près de Rome) : il cède Menton et Fontan à l'Italie, et définit une zone démilitarisée de 50 km de large du côté français. Mussolini à Menton (1er juillet
1940)
|
En août 1941, pendant que son mari termine ses
études à Lyon, Mireille se retire quelque temps à la campagne, dans les
Basses-Alpes (Pension des Charmettes, Beauvezer, dans la vallée
du Verdon, entre Thorame-Haute et Colmars). |
Sur la
question juive, les autorités italiennes s'opposent au régime de Vichy,
qui cherche toujours à traquer les Juifs pour les enfermer dans des
camps et les expulser vers l'Allemagne. L'armée italienne
parvient à freiner ce processus et à les placer dans
des villages où ils peuvent vivre librement, notamment à
Saint-Martin-Vésubie. Saint-Martin-Vésubie, août 1943 [photo : coll. Danielle Baudot Laksine] |
Les grandes
rafles de Juifs sont mises en œuvre dès la nuit du 8 au 9 septembre (à
destination de Drancy). Ceux qui étaient assignés à résidence
à Saint-Martin-Vésubie parviennent à s'échapper en Piémont avec les
soldats italiens. Col de Fenestre, 1943 [photo C. Roman] |
Par ailleurs,
depuis décembre 1942 et jusqu'à février 1944, le Panzerzug 25
patrouille sur l'axe ferroviaire Nice-Vintimille-Breil pour lutter
contre le sabotage : (Photos de mars 1944.) |
En même temps,
dès septembre 1943, le RSHA s'est aussi installé à Nice. Du côté du SD (Sicherheitsdienst), le KdS (Kommandeur der Sicherheitspolizei und des SD) est le SS-Hauptsturmführer Dr Gerhard Keil. Le siège de l'institution est à la villa Trianon. Il s'agit apparemment d'une villa de la fin du XIXe siècle qui était située au 25 rue Puget, sur le bas de Saint-Barthélemy (détruite en 1953 et remplacée par l'immeuble "Les Palmes d'Or") [selon ce site ; effectivement, une villa Trianon existait à cette adresse au début du siècle ; plusieurs autres villas ont porté ce nom à Nice]. Du côté de la Gestapo, le siège est établi à l'hôtel Hermitage, qui était occupé précédemment par les Italiens. Le directeur est provisoirement Von Radsch-Junker (?) puis, d'octobre 1943 à mars 1944, le SS-Hauptsturmführer Wilhelm Redzeck (puis l'Obersturmführer Keil). Le SS-Hauptscharführer Schultz est adjoint au directeur de la section exécutive, et « Alice la blonde » (Alice Mackert) est secrétaire générale. Vue des terrasses inférieures du domaine de l'Hermitage. Pour les "Affaires juives", le SS-Obersturmbannführer Alois Brunner établit son QG à l'hôtel Excelsior, en centre-ville, au pied de la gare. Entre septembre et décembre 1943, il y supervise les rafles et les déportations vers Drancy (pour "rattraper le retard" après l'occupation italienne). |
En 1944,
la famille d’Élie est évacuée dans le haut pays, à Saint-Auban (sur
l'Esteron, à une cinquantaine de kilomètres à nord-ouest de Nice),
jusqu'à l'automne [photos ci-dessous prises de juin à
septembre]. |
Pendant ce
temps, comme on l'a dit, les combats se poursuivent en
montagne, autour des crêtes de l'Authion, jusqu'au mois d'avril 1945. Authion (1800 m d'altitude), avril 1945. |
Les escales de la princesse Élisabeth (1949-1950)Le 20 novembre 1947, la princesse royale Élisabeth d’Angleterre a épousé le lieutenant Philip Mountbatten, duc d’Édimbourg. Leur premier enfant, le prince Charles, est né le 14 novembre 1948.Le 19 novembre 1949, Élisabeth doit embarquer en direction du Malte, où elle va rejoindre son mari à l’occasion de leur deuxième anniversaire de mariage. Mais le départ est annulé en raison du brouillard. Le 20, elle peut enfin décoller de l’aéroport de Londres à 9 h du matin, à bord d’un avion Viking de la flotte royale. Une escale est prévue à Nice à l’heure du déjeuner, puis l’avion doit arriver à Malte à 17h30, juste à temps pour les cérémonies. Le 28 décembre, le couple princier quitte Malte à bord du Viking royal, déjeune à Nice, puis regagne Londres (arrivée à 15h50). Le Vickers Viking VL 246 de la famille royale. - À droite : Élisabeth arrivant à Malte pour la première fois. Le 28 mars 1950, la princesse Élisabeth effectue le même trajet en direction de Malte, avec une heure de retard à l’arrivée à Nice à cause du vent. Le 9 mai, retour en direction de Londres, selon l’itinéraire habituel. Mais peu après le décollage de Nice (14h30), le pilote est contraint de faire demi-tour à cause du mauvais temps (15h20). Mini-panique sur la Promenade : badauds hystériques, aucun officiel français ou britannique pour accueillie la princesse. Nuit improvisée au Negresco. Finalement, elle regagne Londres le 10. Le 15 août 1950, Élisabeth donne naissance à une fille : la princesse Anne. À cette occasion, le 18, la ville de Nice lui envoie un panier de fleurs (œillets, amaryllis et tubéreuses) avec un parchemin de Gustav-Adolf Mossa et un message du conseiller municipal Raoul Bosio. De même, en souvenir des vieilles relations entretenues par la ville de Nice avec la famille royale, la municipalité commande à Éloi un coffret en bois d'olivier pour l'offrir à la princesse héritière du trône d'Angleterre : Gravé spécialement d'après "La Niçoise" d'Édouard Fer (Musée Chéret) pour décorer le coffret en bois d'olivier offert par la Ville de Nice à S.A.R. la Princesse Élisabeth d'Angleterre. - Éloi sur la place Rossetti en 1949. Pendant ces années-là, Élisabeth voyage encore souvent en Méditerranée. À la mort de son père en février 1952, elle sera couronnée Reine du Royaume-Uni et du Commonwealth sous le nom d’Élisabeth II. |