Carles, de La Colle à Nice 


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Provence catalane

Le patronyme Carles (Carlès) est la forme catalane du nom germanique Karl, popularisé en Europe occidentale au temps de l'empereur Charlemagne [ci-contre, portrait imaginaire par Dürer].
Fréquent en Provence, il remonterait à l'époque où les rois d'Aragon de la Maison de Barcelone régnaient sur le comté de Provence (1112-1245).



En 1245, le comté de Provence passe aux mains de la Maison d'Anjou,
jusqu'à son détachement du Saint-Empire pour intégrer le Royaume de France sous Louis XI en 1486.


Provence, France

Au XVIe siècle, les Carles sont cultivateurs au bourg de La Colle, dans la commune de Saint-Paul, sur le Loup.
Le territoire s'étend au pied des préalpes de Grasse, et la paroisse dépend du diocèse de Vence, aux confins du royaume de France.
L'altitude varie de 362 m (dans le nord de Roquefort, sur le Loup) à 10 m (en bas de La Colle, près de Villeneuve), sur une petite dizaine de kilomètres de distance.
Le Loup traverse ensuite Villeneuve et se jette dans l'ouest de la baie des Anges, entre Antibes et Cagnes.

 
La Provence orientale en 1665, avec le territoire de Saint-Paul en bleu. - Une vue d'aujourd'hui pour donner une idée du relief. Directement au nord du Loup, les puys de Tourrettes (préalpes de Grasse) culminent à 1 268 m, puis le mont Vial à 1 551 m.
                                                                                                             En arrière-plan, de l'autre côté du Var, le massif de l'Argentera culmine à 3 297 m (à 60 km de distance).


Le diocèse de Vence date du Ve siècle.
La cathédrale de la Nativité-de-Marie est un bâtiment érigé au XIe siècle à partir d'une ancienne église mérovingienne, elle-même construite sur l'emplacement d'un temple romain dédié à Mars.

 
                                                                 
Un frêne offert par François Ier en 1538 trône à l'entrée occidentale de la ville, devant la porte du Peyra.
Illustration.



Dans le contexte des guerres permanentes avec le Saint-Empire sur le front italien, François Ier décide en 1538 de doter la ville de Saint-Paul de remparts plus robustes (1543-1547).

 






En 1666, l'église paroissiale (d'origine médiévale) devient "collégiale de la Conversion-de-Saint-Paul".

 

La population du bourg de La Colle a augmenté au XVIe siècle, avec l'arrivée de citadins de Saint-Paul expulsés pour faire place aux fortifications de François Ier.

L'église Saint-Jacques le Majeur date du XVIIe siècle (1573-1658, puis clocher en 1673).





Une partie des 400 familles expulsées de Saint-Paul en 1538 s'installent également du côté de Roquefort, un territoire plus rural sur la rive droite du Loup.

L'église Notre-Dame de Canlache date de 1690 (sur une ancienne chapelle).




Au début du XVIIe siècle, Jean-Baptiste Carles est le fils de Jacques Carles et d'Esprit née Alziary.
Il épouse Berthomeirette Gras en 1636.
Comme on l'a vu, l'église paroissiale se trouve entre les murs de Saint-Paul.
En 1640, la famille Alziary rachète une partie de la seigneurie de Roquefort.


Illustration.François, fils cadet de Jean-Baptiste et Berthomeirette, se marie en 1665 avec Alayette Sigalon.

 
 
Leur puîné Roman épousera une certaine Anne Blancard.
 
 
 


Illustration.Roman et Anne ont plusieurs enfants, dont l'aîné, Jean-Pierre Carles (né à La Colle en 1705) se marie en 1733 (toujours à La Colle) avec Françoise Bourrian.


Carte de Cassini (années 1740).

En 1744, dans le cadre de la guerre de Succession d'Autriche, Louis XV [portrait ci-contre] allié à l'Espagne passe à l'attaque sur le front italien. Le 2 avril, l'armée bourbonique franchit le Var et marche sur Nice, qui capitule aussitôt.
L'alliance austro-sarde lance une contre-offensive en octobre-novembre 1746 : les Français sont chassés du Comté de Nice, et l'armée alliée traverse le Var à son tour pour occuper la Provence pendant quelques mois. La paix reviendra en 1748 avec le traité d'Aix-la-Chapelle.


Pierre Carles, fils de Jean-Pierre et Françoise, se marie en 1761 (toujours à La Colle) avec Marguerite Civatte, de Roquefort, née elle aussi au début des années 1730.
Civatte ou "Civada" est un vieux patronyme provençal qui désigne l'avoine.
Leur fils Pierre naît en 1763.
Veuf, Pierre père se remarie en 1766.

Illustration.





Suite à la révolution de 1789, Louis XVI [portrait ci-contre] devient "roi des Français".

Dans le cadre de la réorganisation territoriale décrétée par l'Assemblée constituante, Saint-Paul, La Colle et Roquefort deviennent trois communes distinctes (au sein du département du Var).







Le 30 germinal an V (19 avril 1797), Pierre fils épouse Marie Françoise Gimbert, née dans les années 1770 (fille d’Étienne Gimbert, cultivateur, et de Marguerite Bertrand).
Leur fils Étienne naît le 27 ventôse an VI (17 mars 1798).






À la Restauration, Étienne aussi sera cultivateur.
Le 23 janvier 1827, il épouse Magdelaine Serraire (née en 1808, fille de Pierre Jean Serraire, cultivateur dont la mère est originaire d'Antibes, et de Françoise Maiffret).
Leurs enfants :

En 1835, Étienne réside à Marseille, mais il est aussi propriétaire à La Colle. Son père Pierre, cultivateur, est surnommé "la lune", pour le distinguer d'un autre Pierre Carles, sans profession, marié à Marie-Thérèse née Trastour et surnommé "lou brut" (1779-1858).
Faisons le point sur les propriétés d'Étienne et de son père.


Les différentes parcelles sont dispersées dans l'ouest du bourg.

De part et d'autre de la route de Grasse, dans le hameau du Brusquet, "Pierre la lune" a sa maison (110 m², bordée de deux bandes de terre labourable : 66 m² à l'est et 780 au nord), ainsi que 640 m² d'oliviers ;
Étienne a 2 260 m² de vignes + une maison sur 85 m².

Un peu plus bas, après le vallon de Vaulongue, Pierre a encore 940 m² d'oliviers.

Enfin, sur les hauteurs des Guisoris, Étienne a 4 800 m² d'oliviers et partage une bastide rurale de 30 m² avec un certain Jacques Augustin Issert.



En août 1836, décès du père d'Étienne, Pierre "la lune".

  
Le département du Var dans les années 1850, avec un zoom sur l'arrondissement de Grasse et la route vers "Nice ou Nizza".



En décembre 1852, le président Louis-Napoléon Bonaparte [photo ci-contre] se proclame "empereur des Français".

Dans le cadre de la guerre de Crimée, les relations commencent à s'adoucir entre la France et les États-Sardes.


Marius et son père sont "négociants".

Le 23 juillet 1855, Marius Victor épouse Rose Baron, une jeune fille née à Nice le 25 octobre 1835, fille mineure (19 ans) de feu Joseph Baron et de Marie Gantelme.
Rose vit à Nice avec ses parents, mais elle est française, originaire de Saint-Jeannet, où elle est née dans les années 1800. Le mariage est donc célébré en France.


 


Nice, États-Sardes

En 1855, Marius a émigré à Nice pour s'installer avec sa jeune épouse (paroisse cathédrale Sainte-Réparate).
Si en Provence il s'appelait plutôt "Marius", son second prénom sera beaucoup plus pratique à Nice : Victor, Vittorio, bien connu et prestigieux au sein des États de Savoie.
Il y a par ailleurs beaucoup de Carles à Nice, mais ils appartiennent globalement à une vieille lignée déjà recensée dans les campagnes niçoises au XVIe siècle.

Nice est encore un chef-lieu de division des États-Sardes.
Le roi Charles-Albert de Savoie a aboli l'absolutisme en 1847, et Victor-Emmanuel II lui a succédé en 1849. Le comte de Cavour est président du Conseil depuis 1852.

   
Victor-Emmanuel II et Cavour dans les années 1850.

La langue occitane parlée en basse Provence est très proche de celle du littoral niçois. Mais dans l'administration, c'est l'italien qui est en vigueur à Nice.

Le jeune couple tient une épicerie dans la vieille ville. Contrairement à son père, Victor sait écrire.

Carte d'état-major des États-Sardes (années 1850) :


La mère de Marius, Magdelaine, meurt à La Colle le 3 février 1858.
Rose meurt dès le 21 mars de la même année, à l'âge de 23 ans, peu après avoir donné naissance à une petite Marie Caroline baptisée en urgence et morte dans la nuit du 13.
Marius fait l'acquisition d'une concession à perpétuité au cimetière du Château pour y inhumer son épouse, et il fait graver une pierre tombale en français [ci-contre, partie supérieure].

Étienne rejoint son fils à Nice, et les deux hommes s'empressent de refaire leur vie.
Aussitôt, le père épouse en secondes noces... la mère de sa belle-fille Rose qui vient de mourir : Marie Gantelme veuve Baron. Le mariage est célébré à Saint-Pierre-d'Arène le 25 octobre 1859. Automatiquement, dans le registre, Étienne devient "Stefano".


L'ancienne église Saint-Pierre-d'Arène.

En 1860, conformément à un accord arrangé deux ans plus tôt entre Cavour et Napoléon III, le roi de Sardaigne cède les provinces de Nice et de Savoie à la France (en échange d'une aide militaire pour tenter une deuxième guerre contre les Autrichiens dans le Milanais) : le pays niçois devient français.
Le Var cesse d'être une frontière : le Comté de Nice fusionne avec l'arrondissement de Grasse pour former le nouveau département français des "Alpes-Maritimes".


Nice, France

Marius Victor ("Mario") épouse en secondes noces (le 20 septembre 1860, à Saint-Roch) la Niçoise Constance Pons, une jeune veuve de 25 ans. L'état-civil est toujours tenu par les paroisses, en italien, selon la procédure sarde (les lois françaises n'entreront en vigueur que le 1er janvier 1861) :



La mère de Constance s'appelle Anna Maria Gimello (1806-1880). Elle est la fille de Francesco Gimello, cultivateur à Saint-Barthélemy, et de Teresa Ciaudo, marchande de fruits à la Mantega issue d'une famille de paysans originaire de Toudon.

Marius et Constance résident derrière la cathédrale, au 5 rue Saint-Vincent (apparemment, ils sont propriétaires).
Ils ont deux enfants :
Tous deux deviendront "employés de commerce".
  
Marius Victor Carles vers 1870. À droite, le quartier de Saint-Roch.

En 1869, décès de la deuxième femme d'Étienne [voir ci-dessus la partie inférieure de la pierre tombale au cimetière du Château].
Étienne retourne à La Colle et meurt le 13 juillet 1873.

La famille de Louis

Dans les années 1880, Louis est représentant en meubles.
Le 19 avril 1888, il épouse Marie Lorenzi.


[cliquer sur l'arbre pour l'agrandir]

Enfants de Louis et Marie  :

Curieusement, Marie est obsédée par le sentiment que le nom de son père a une consonance "étrangère". Le 13 août 1892, par jugement du tribunal civil de première instance de Nice, elle parvient à changer son nom de jeune fille de "Lorenzi" en "Laurenzo" (!?).



Victor-Marius meurt le 12 février 1895
(au 3 rue du Pontin, à côté du 5 rue Saint-Vincent).





           
Marie Carles "née Laurenzo" (1869-1961), épouse de Louis, vers 1909 ; sa fille Joséphine (photo de mariage, 1911).

  
Les sœurs Victorine et Annette en 1913, avec le premier enfant de Joséphine.


  
Louis Carles à Nice avec son gendre en 1928, et en 1930.

  
Louis Carles à Vittel avec ses petites-filles, en août 1930.
Louis est souffrant. En 1930, il fait une cure à Vittel, dans les Vosges.
Il meurt le 5 mai 1934, à son domicile du 27 bd Gambetta.
Après la mort de son mari, Marie "née Laurenzo" dilapidera leur fortune au casino (notamment l'immeuble du 27 boulevard Gambetta). 

       
Le 27 boulevard Gambetta. - Marie Carles "née Laurenzo" en 1955.


Sépultures

Au Château (allée Robiony, 321 D) se trouve une sépulture (de 1858 ?) où sont inhumés notamment Rose Baron (première épouse de Marius) et sa mère Marie Gantelme veuve Baron (seconde épouse d’Étienne) ; Marius Victor Carles (1828-1895) et Constance Pons (1836-1925), leur fils Louis Carles (1861-1934) et sa veuve Marie Laurenzo (1869-1961) ; ainsi que Joséphine Carles veuve Cagnoli (1889-1976).
Deux plaques mentionnent aussi les parents de Constance : Louis Pons (1804-1876) et Anne Marie Gimello (1806-1880).

     




Sources :
Archives familiales
Archives départementales des Alpes-Maritimes
André COMPAN, Les noms de personne dans le comté de Nice aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, Serre, Nice, 2004.
Arbre de Jean-Michel Carles

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