Triconville &
Mouchette, des
Lorrains en Bourbonnais
Talon et Quatresous sont de vieilles
familles rurales du Duché de Bourbon (Royaume de France).
Une ferme s'appelle les
Talons dans la commune de Cindré, à une douzaine de
kilomètres au nord de La Palisse ; les Quatre Sous est le nom d'un hameau de la
commune de Villebret, sur la route de Montluçon.
C'est à LA PALISSE que se forme la famille qui
fait l'objet de cette page :
- en 1678, Françoise Quatresous (fille
de Gilbert et de Marguerite de La Fay) épouse
Léonard Lavoute
(originaire de Saint-Pierre-Château, commune du Limousin
voisine d'Eymoutiers) ;
- en 1684, Anne Talon (fille de Gilbert et de Claude Radurier) épouse Claude Penin (d'une famille
originaire de Gannat, également en Bourbonnais).
Signature de Gilbert Quatresous le 8
novembre 1678 à La Palisse.
"Gilbert" est un prénom caractéristique de la région, saint
Gilbert de Neuffonts étant le patron du Bourbonnais depuis le
XIIe siècle.
Le duché de Bourbon est une zone de transition entre les langues d'oïl (bourbonnais) et
les langues d'oc (auvergnat) ; dans le sud-est, l'occitan reçoit
même des influences de l'arpitan. La Palisse, de même
que toutes les localités bourbonnaises dont il sera question
sur cette page, se trouve en zone d'oïl.
Langues de l'actuel département de l'Allier : oïl en bleu, oc en
orange, zone de transition en rouge. Les familles de cette page
se trouvent dans la commune de La Palisse, circonscrite en bleu.
Lapalisse est en carrefour entre plusieurs grandes voies de
circulation. On va y voir converger des familles occitanes
d'Auvergne et de Limousin, ainsi que des Lorrains (d'oïl).
Aubergistes au relais de poste de La
Palisse
En arrivant en Bourbonnais, Léonard
Lavoute résidait à Lubier
(à 2 km au nord de La Palisse) et travaillait comme "maître
tailleur de pierres" ou "maître maçon" (1678-1708).
En 1708, il se lance dans l'hôtellerie. En effet, le village de
La Palisse est un relais de poste entre Moulins et Roanne sur la route
de Paris à Lyon par le Bourbonnais (future Nationale 7), une
alternative à la route de Bourgogne. Il y a donc un besoin
d'auberges pour héberger et
nourrir les voyageurs.
Anne Lavoute, fille de Léonard, se marie en février 1708 avec Gabriel
Bourg, un domestique employé au Logis de l'Escu de France,
où il
est en charge des chevaux de relais du Carrosse de la
Diligence.
Léonard fonde alors un nouvel établissement hôtelier à La Palisse,
le Logis du
Lyon d'or, et le gère avec sa fille et son gendre.
Vues de Lubier aujourd'hui.
Mais Gabriel meurt dès avril 1709.
Aussitôt, en juin, Anne épouse en secondes noces Antoine Penin,
fils du maître boulanger de Lubier.
La Palisse est traversée d'ouest en est par la route de Paris à
Lyon, et du sud au nord par la Besbre.
Née en 1731, Marguerite Penin vit chez ses
parents à Lubier, où sa mère meurt le 13 octobre 1754.
Le 13 février 1760, elle épouse Nicolas
Triconville, originaire de Seigneulles (Duché de Bar).
Triconville s'installe à La Palisse comme maître aubergiste (il
reprend sans doute le "Lyon d'Or" de sa belle-mère).
En 1765, ils sont aubergistes à L'Hermitage, à 3 km au sud de La
Palisse.
Dans les années 1760-1770, ils ont de nombreux enfants, dont Marie en août 1766.
En 1790, un Triconville meurt
à Paris. Il s'agit de François (v.1740-1790), cousin germain de
Nicolas. Carreleur à la capitale, il décède le 17 février au
faubourg Saint-Martin, paroisse Saint-Laurent.
En Sologne
bourbonnaise : entre administration et agriculture
En septembre 1791, Louis
XVI abolit l'absolutisme et prête serment à la Constitution du
Royaume de France.
Le 14 octobre, l'Assemblée nationale législative institue un Comité d'instruction publique :
sa mission est de prendre en charge l'éducation, qui était jusque-là
la prérogative du clergé.
En septembre 1792, une nouvelle
constitution jette les bases de la République. Le Comité d'instruction publique
est reconduit. Le roi est condamné à mort et guillottiné en
janvier 1793.
Le 17 décembre 1793 (27
frimaire de l'an II), Marie
Triconville se marie à Moulins avec Claude Mouchette, originaire de Lorraine et
arrivé à Saint-Martin-des-Lais
en ces années de changement. Issu d'une famille lettrée, Mouchette
vient travailler dans l'administration et l'instruction
publique. En 1792-1795, dans le cadre de la laïcisation du pays, la
commune de Saint-Martin-des-Lais est renommée "Les Lais-sur-Loire".
Marie quitte la grand-route et s'installe chez son mari à la
campagne. Claude est maire de la commune (dès 1793).
À proximité de l'Auvergne, l'orthographe du patronyme
exotique "Mouchette" va devenir "Mouchet".
Marguerite Mouchet naît
le 17 décembre 1794
(27 frimaire an III).
Le Directoire (constitution de 1795)
réattribue l'éducation au Ministère de l'Intérieur.
En
1800-1802, sous le
Consulat de Bonaparte, Claude est aussi instituteur public de la
commune de Gannay-sur-Loire.
C'est là que Marie donne naissance, entre autres, à Claudine Aimée, le 5
juillet 1800 (16 messidor an VIII), et à Jean-Baptiste, le 27
juin 1802 (8 messidor an X).
À Saint-Martin-des-Lais,
Claude et Marie vivent avec leurs enfants et sont fermiers
propriétaires.
Claude reste maire de la commune (jusqu'au 31 décembre
1834) ; à ce titre, il a toujours la charge des actes d'état civil
(notamment ceux de sa famille).
Le 28 février 1816, la
fille aînée, Marguerite Mouchet, se marie à Paray-le-Frésil :
elle épouse le maire du village, Antoine Aurousset, capitaine
en retraite du 65e régiment de ligne (membre de la Légion
d'honneur).
En 1822, Claudine Aimée épouse Gilbert
Gilbert, fils de paysans de Limagne bourbonnaise. Ils
s'établissent à Moulins, où
Gilbert est chapelier.
Le mari de Marguerite meurt en son village de Paray le 10 février 1823.
Elle va se remarier le 1er octobre
1828, avec Joseph
Alexandre Bédel : né à Épinal (Vosges) le 31
juillet 1798, ce Lorrain est professeur de 3e au
collège royal de Moulins. Il deviendra bientôt recteur de
l'Académie de Clermont-Ferrand (chevalier de la Légion d'honneur).
Retraite en ville sous la Monarchie
de Juillet
Jean-Baptiste Mouchet, propriétaire de la ferme familiale, se marie
à son tour en 1831.
La famille Triconville était
originaire du Barrois (département de la Meuse). En 1832, le dernier Triconville
de Seigneulles meurt au
village : il s'agit de Marie-Jeanne (1769-1832), cousine issue de
germains de notre Marie Triconville.
À la fin de l'année 1834,
Claude Mouchet quitte la mairie de Saint-Martin-des-Lais.
À la retraite, Claude et Marie se rapprochent de la ville. Ils
achètent un logement à Yzeure, en banlieue de Moulins. Claude y
meurt en 1836. Marie reste
seule avec trois domestiques (cf. recensement 1836), puis meurt
à son tour en 1843.
Marie avait un frère, Claude
(1779-), dont un petit-fils va quitter Lapalisse pour l'Algérie
française : ce Claude Triconville (1826-1852) mourra à Médéa, dans les montagnes au
sud d'Alger, peu après le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte
(02.12.1851) et les plébiscites de décembre 1851 (maintien de
Bonaparte) et novembre 1852 (rétablissement de l'Empire), le
jour de la proclamation du Second Empire.