La tradition musicale
des Komis
repose principalement sur la chanson. Les chansons traditionnelles
accompagnent les moments de la vie quotidienne : travail, vie
familiale, mélodies lyriques, lamentations, comptines...
Localement, quelques particularités régionales se sont
développées : chansons de travail improvisées dans
la région de l'Izhma, chansons épiques et ballades du Vym
et de la Haute-Vychegda, épopées...
La musique komie s'appuie sur l'échelle diatonique. Elle se
chante seul ou en choeur,
généralement à 2 ou 3 voix.
Contrairement
aux
Oudmourtes,
qui ont eu de forts échanges culturels avec les
Tatars,
les Komis, au nord, sont restés très isolés, et
leur musique a donc subi moins d'influences (la principale influence
étant bien sûr celle de la chanson russe). En revanche, la
chanson traditionnelle komie a gardé un rythme et des
intonations propres, imposés par l'accentuation de la langue.
Les instruments nationaux
(illustrations
de A. Moshev)
Instruments à cordes
Le
sigudök
(сигудöк), est
l'instrument
national
komi
par
excellence : la mythologie le présente comme
le premier instrument de musique, créé conjointement par
les deux démiurges (le bon Jen
et le mauvais Omöl).
Littéralement "instrument à poil", c'est un terme
générique qui regroupe toute une famille
d'instruments à cordes (trois cordes, en général),
pincées ou frottées.
- Dans l'absolu, les cordes du sigudök sont
frottées
avec
un archet.
- sigudök-pöv (сигудöк–пöв,
Permiakie et Sysola).
- sigudök-kumli (сигудöк–кумли,
Vychegda) et sigudök-vor (сигудöк–вор).
- Sous l'influence des Russes, les Komis ont adoptés la balalaïka et l'ont
intégrée à leurs ensembles musicaux. Mentionnons
au passage le luthier komi Sjemjon
Nalimov (Семён
Иванович Налимов, 1857-1916), connu dans toute la
Russie comme le "Stradivarius de la balalaïka".
Il existe une
variante typiquement komie de cet instrument, le sigudök-balalajka
(сигудöк–балалайка).
Le second type d'instruments à cordes est
brungan (брунган).
Il
peut avoir 4 à 7 cordes.
- brungan-lagun
(брунган–лагун, Haute-Vychegda) est utilisé comme une cithare.
- Dans l'absolu, les cordes du brungan (Vychegda)
sont
frappées
avec un marteau de bois.
Instruments à vent
Il
existe
une
grande variété de flûtes et clarinettes,
dans la
musique traditionnelle komie. La plupart de ces instruments s'appellent
ćipsan
(чипсан) ou
pöl'an
(пöлян), dès lors qu'on y souffle, quel que soit le
moyen permettant de produire la vibration (biseau, anche ou
lèvres).
Instruments à biseau (flûtes) :
- kalja pöljan
(Каля
пöлян, Haute-Vychegda) est une flûte simple
constituée d'une tige d'angélique.
Selon les régions, il s'appelle aussi gum kalja (гум
каля, Sysola), pöljan
pa (пöлян па,
Basse-Vychegda, Syktyvkar), gum
pöljan (гум пöлян, Basse-Vychegda, Pozheg), omra duvgan (омра
дувган, Vym), piksan (пиксан,
Permiakie).
- Кырöдöм сюмöд сюр дуда. Une "flûte en corne
d'écorce de bouleau" (la "corne" en question n'est pas le corps
de l'instrument, mais seulement la forme de la bande d'écorce de
bouleau enroulée autour des tuyaux).
- Pöljannez (Пöляннэз).
Flûte
permiake
à deux tuyaux fermés (de type
flûte de Pan).
- Dans l'absolu, chipsan
est
une
flûte
à plusieurs tuyaux fermés.
Il y a de nombreuses variantes, selon les régions : le chipsan triple (Куима чипсан,
Luzja) ; les
flûtes d'angélique zargum
chipsan (заргум чипсан, Luzja) et gum
chipsan (гум чипсан,
Haute-Sysola) ; chipsan
goz (чипсан
гоз,
Luzja)
; chipsan tout
court (Permiakie)...
- Многоствольные флейты: пöлянъяс, пöляннэз.
- Сьöла
чипсан.
- Бадьпу чипсан. Flûte d'osier.
- Пу пöлян.
- Чипсан гум.
- Öтка пöлян, ou гум пöлян, est une flûte
simple de roseau ou d'angélique.
- Les Komis ont aussi un genre d'ocarina (Сëй
пöлян), en forme d'oiseau.
Instruments à anche simple (clarinettes) :
- Идзас чипсан. Une clarinette de paille.
- Бадь пу пöлян. Une clarinette d'osier (бадьпу
пöлян).
- Кывъя сюмöд сюр дуда. Une "flûte en corne
d'écorce de bouleau" à anche simple (la "corne" en
question n'est pas le corps de l'instrument, mais seulement la forme de
la bande d'écorce de bouleau enroulée autour des tuyaux).
Instrument à anche double :
- Сюмöд буксан, сюмöд пöлян (Sysola, Vychegda,
Pechora), сюмöд сюр дуда (Luzja), сюмöд тутур (Vym),
сюмöд сюр чипсан (Sysola), сюмöд дудка (Permiakie). Un "cor
en écorce de bouleau" ; plus exactement, c'est un genre de
hautbois.
Instrument à anche "lippale" :
- Юсь
пöлян (Haute-Vychegda). Littéralement, c'est la
"flûte de cygne". Un long tuyau (de 100 à 120 cm) fait
d'une tige creuse. Si j'ai bien compris, la vibration est produite par
les lèvres de l'instrumentiste, ce qui en fait donc un "cuivre"
végétal. Il en résulte un son qui ressemble au
chant du cygne.
Et aussi :
- Сюмöд киль. Si j'ai bien compris, c'est un instrument
à anche libre en écorce de bouleau. On peut en tirer des
mélodies qui ressemblent à des chants d'oiseaux.
- Пипу лист, сюмöд. Instruments champêtres, faits de
feuilles et d'écorce de bouleau (anche libre ?).
En outre, il faut mentionner un autre instrument à anches
emprunté aux
Russes, qui joue un rôle majeur dans la musique komie :
l'
accordéon (qui
s'appelle tout simplement
gudök/
гудöк).
Instruments à percussion
- Le tambour
de bois (pu
baraban, пу
барабан
-- ou pu pöv,
пу
пöв, dans la Luzja) est un instrument de Permiakie et de la
Haute-Vychegda. Il s'agit d'une petite planche de bois frappée
avec des baguettes.
- Les baguettes
de bois (pu bedjas, пу бедьяс)
sont
utilisées dans les régions de la Sysola, de la Vychegda,
du Vym, de l'Izhma et de la Pechora. Taillées dans du bois de
bouleau, elles mesurent environ 50 cm de long, pour un peu plus de 3 cm
de diamètre. Le son est produit en frappant les baguettes l'une
contre l'autre.
- Le totshköchan (тотшкöчан) est un
genre de
maillet (en bois de bouleau, de tremble ou de sapin), d'une longueur de
25 à 30 cm. Le son produit, paraît-il, fait penser
à un roulement de tonnerre.
- Les cuillères
en bois
(pu panjas,
пу
паньяс)
:
en
entrechoquant deux cuillères qu'on frappe alternativement
sur le genou et la paume de la main, on peut produire un rythme qui
accompagne les chansons.
- Les
gyrnichjas
(гырничьяс), en Permiakie, sont des pots en terre
accordés (un peu comme des timbales, mais sans la peau).
Utilisés par jeu de trois à cinq, ils peuvent produire
des sons différents.
- La cloche s'appelle
zhynnjan dans
la plupart
des régions komies (Vychegda, Sysola, Izhma, Pechora, Vym,
Luzja), trongej (тронгей)
dans l'Udora, borgan ou botkan (борган / боткан) en Permiakie. Elle
peut être en bois ou en fer-blanc. Rectangulaire ou
trapézoïdale, d'une hauteur de 12 à 15 cm, elle est
heurtée par le battant de bois ou de métal suspendu
à l'intérieur. C'est la même cloche qui est
suspendue au cou du bétail.
- Les grelots s'appellent
torgan (торган)
dans
la
Vychegda et le Vym, brakolchi
(бракольчи)
dans
la Haute-Vychegda, brakala
(бракала)
dans
l'Izhma, borej ou
tilgej (боргей
/ тильгей) dans
l'Udora, turgun (тургун)
dans le Vym et la Luzja, borganok
(борганок)
en
Permiakie.
Comme les cloches, les grelots étaient
utilisés pour repérer le bétail.
- Enfin, la crécelle
(sjargan/сярган
; sjargej/сяргей
dans l'Udora)
était bien connue des anciens Komis.
Notons
aussi
un
membranophone typiquement komi :
- Сынан гудöк. C'est un genre de peigne, sur lequel on tend
une membrane très fine d'écorce de bouleau ou de papier
de soie, qu'on met en vibration avec la voix humaine.
La collecte des chansons traditionnelles
Voici un bref historique des premiers travaux de collecte de chansons
traditionnelles komies.
- En 1839, le prêtre de Perm Aleksandr
Lukanin
(Александр Луканин) est le premier auteur,
semble-t-il, à écrire un article sur les
caractéristiques de la musique traditionnelle des
Zyriènes
("Черты в характере зырян").
- A
la fin du
XIXe siècle et au début du XXe, de nombreuses
chansons sont recueillies par le Finlandais Yrjö Wichmann (1868-1932)
et les
Komis Georgij Stepanovič
Lytkin (1835-1907) et A.
A. Cember.
- En 1913-1916,
le
Hongrois Dávid
Fokos-Fuchs (1884-1977) publie
à Budapest des chansons
traditionnelles zyriènes.
- En
1916, l'académie
des
sciences
de Vienne charge
le
musicologue autrichien Robert
Lach
de récolter des chansons
auprès des prisonniers de guerre de l'armée russe (parmi
lesquels des Tchouvaches, des Maris, des Estoniens, des Mordves et des
Komis) : il constitue ainsi un ensemble significatif ("Chansons des
prisonniers de guerre russes") contenant notamment 69 chansons komies.
Dans les années 1950, le
monde
musical du pays, après la guerre, commence à être
occupé par des musiciens venus d'autres
régions de l'Union, qui ignorent tout des traditions
komies. La plupart des chanteurs, à cette époque, ne
connaissent pas la langue nationale.
Le Choeur de la radio
komie et
l'Ensemble national de chants et danses de la RSS ont joué un
rôle essentiel dans le développement de la musique komie,
mais aussi dans la propagande et la diffusion des chansons de masses.