Mascarelli, Nice



Les Mascarelli sont issus d'une famille "Mascarello" probablement originaire d'un village de la province de Coni (du côté de Bra ou Alba : carré bleu sur la carte ci-dessous), arrivée à Nice par la route royale du col de Tende (croix bleue sur la carte).

On les trouve dans la haute Roya (Tende) et dans la vallée du Paillon (Tourrette) au début du XVIIe siècle.


Sous le col de Tende : la haute vallée de la Roya, avec Tende et Saorge marqués en bleu ; en rouge : Tourrette et Châteauneuf, surplombant la vallée du Paillon ; sur le littoral : Nice et Vintimille.
Les États de Savoie (Comté de Nice, Piémont, Principauté d'Oneille) sont bordé d'orange [carte de 1683].

Leur présence est attestée à Nice, dans la paroisse de la cathédrale Sainte-Réparate, à la fin du XVIIe siècle.
       
La citadelle de Nice avant 1706 (gravure d'époque et représentation imaginaire).

Nice au XVIIe siècle - Guerre de la Grande Alliance (1691-1696)Portrait de
        Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud en 1701.

Territoire éternellement frontalier entre Provence et Piémont, le Comté de Nice est sans cesse disputé par la France et l'Italie (du Moyen-Âge à 1947).

À la fin du XVIIe siècle, le conflit prend de nouveau une tournure dramatique sous le règne de Victor-Amédée II [ci-contre, à gauche], duc de Savoie et prince de Piémont (vassal du Saint-Empire, donc des Habsbourg), et du roi de France Louis XIV [à droite], de la Maison de Bourbon.

En réaction à la politique expansionniste des Français, une alliance se forme à Augsbourg le 9 juillet 1686, qui finira par réunir à peu près tous les États européens.
En 1690, Louis XIV lance un ultimatum à Victor-Amédée II : il lui demande une assistance militaire, sous la menace de marcher sur le Piémont et d'occuper Turin. Le duc de Savoie refuse et se joint à la Grande Alliance le 28 octobre 1690. Au début de l'année suivante, le roi de France met donc sa menace à exécution et envoie son armée en direction de Turin (par la route royale du col de Tende dont il a été question sur la carte ci-dessus). Les troupes françaises venues de Provence franchissent le Var. Le premier obstacle rencontré est la place forte de Nice, qui, si elle n'a pas vocation à repousser un adversaire de cette taille, est tout de même censée tenir un siège en attendant du renfort.

Nice tient tente de tenir le siège quelque temps. Mais les renforts espérés n'arrivent pas.
Le Duché de Savoie capitule en 1693 ; plusieurs villes piémontaises sont occupées ou détruites.
En 1696, signature d'un traité de paix avec la France à Turin


Nice et son Comté au XVIIIe siècle - Guerre de Succession d'Espagne (1705-1713)

Parmi les enfants de Giacomo et Anna Maria Mascarello, on relève notamment Gioanni Battista, né le 26 août 1698, et Carlo, né le 27 juillet 1701.

Peu après la naissance des deux garçons, Nice et son Comté sont ébranlés par une nouvelle invasion. Cette fois, le conflit s'inscrit dans le cadre de la guerre de Succession d'Espagne, déclenchée par la mort sans héritier du dernier Habsbourg de Madrid, Charles II.

Annexion du Comté et siège de la ville

Dès septembre 1704, les troupes françaises dirigées par le duc de La Feuillade se massent sur la rive occidentale du Var, annonçant la préparation d’une invasion.
En mars 1705, Louis XIV ordonne l'invasion, qui aboutit à la prise du Comté le 14 avril 1705.

L'armée française continue sa route vers le Piémont. => siège de Turin...

Le Comté est annexé à la France, mais la ville fortifiée reste fidèle à Turin.

Siège du Château

Le 14 novembre, M. de Berwick est envoyé par Louis XIV pour prendre la ville de Nice.
La ville basse se rend immédiatement. Le château résiste.

La vie s'arrête. Entre le 28 novembre 1705 et le 6 janvier 1706, aucun mariage n'est célébré dans les trois paroisses de la ville basse.

Le siège dure 51 jours, et la ville se rend le 4 janvier 1706. Le roi de France annexe le Comté et se proclame à nouveau "comte de Nice".

Démolition des fortifications

Louis XIV en a marre de devoir gaspiller ses boulets sur Nice chaque fois qu'il veut entrer en Piémont : il donne donc l'ordre de démolir définitivement les fortifications.
Du 13 février au 25 juillet 1706, les Français achèvent de raser le Château et les fortifications de la ville basse (seuls le fort de Montalban et la citadelle de Villefranche sont conservés).
Nice perd définitivement toute fonction militaire.

Nice vue de la route de Villefranche
Nice après la démolition des fortifications. La colline du Château est nue et la ville basse est ouverte.
(Nice vue de la route de Villefranche, aquarelle de Camille Costa, XIXe siècle, Acadèmia Nissarda)

Cette transformation aura bien sûr un effet décisif sur l'urbanisme niçois.

En juillet-août 1707, Victor-Amédée II lance une contre-offensive et envahit la Provence. L'armée alliée rentre bientôt sans demander son reste, et les Français reviennent.

Libération

L'occupation prend fin en 1713 avec la signature du traité d'Utrecht, qui rend le Comté de Nice à la Maison de Savoie (sauf la viguerie de Barcelonnette, cédée à la France), qui gagne par la même occasion le royaume de Sicile.

 
Victor-Amédée II, roi de Sicile (monastère de Saorge en 1713 et pièce de 40 sols frappée en 1717).

En 1720, dans le cadre du traité de La Haye, Victor-Amédée II s'arrange avec l'empereur Charles VI, dont il reçoit la Sardaigne en échange de la Sicile. Dès lors, le Comté de Nice fait donc partie du "Royaume de Sardaigne". Victor-Amédée II s'affranchit du Saint-Empire et instaure dans ses Etats une monarchie absolue inspirée de celle du "Roi-Soleil".


Carlo Mascarello épouse (10.1719, Ste-Réparate) Anna Maria Brocca (fille de Giacomo, de Ste-Réparate).
Leurs enfants baptisés à Ste-Réparate : Maria Angelica, *14.10.1721 ; Laura Maria, *08.03.1723 ; Maria Catarina, *19.02.1725 ; Angiola Maria, *03.07.1726... Antonio, né en février 1736 est baptisé à l'église paroissiale St-Jacques.

En 1730, Charles-Emmanuel III de Savoie succède à son père sur le trône de Sardaigne.
Dans la série des guerres européennes du XVIIIe siècle... on pourrait mentionner aussi celle de Succession de Pologne (1733-1738), consécutive au décès d'Auguste II le Fort, électeur de Saxe et roi de Pologne. Elle oppose les partisans d'Auguste III (Saxe, Autriche et Russie) aux Bourbon de France et d'Espagne, qui soutiennent Stanisław Leszczyński. Cette fois, le duc de Savoie et roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III prend prudemment le parti des Français.


La guerre de Succession d'Autriche dans le Comté de Nice (1742-1748)

Par la "Pragmatique Sanction", l'empereur Charles VI du Saint-Empire léguait à sa fille Marie-Thérèse d'Autriche les États héréditaires de la Maison de Habsbourg. Mais sa mort, qui survient le 20 octobre 1740, déclenche un nouveau grand conflit européen, opposant principalement les Autrichiens (alliés notamment à la Saxe, aux États-Sardes et à Russie) à la Prusse et à ses alliés (notamment les Bourbon de France et d'Espagne). En 1744, le Comté de Nice voit donc arriver une armée franco-espagnole (ou "gallispane") dans l'intention d'emprunter la route royale Nice-Turin (vallées du Paillon et de la haute Roya en direction du col de Tende). 

Le 2 avril 1744, une armée franco-espagnole traverse le Var et marche sur Nice, qui capitule rapidement. 

    
Sur la façade du "Fort Thaon", une plaque rappelle un épisode de la brève résistance opposée aux envahisseurs le 20 avril 1744.

L'alliance austro-sarde lance une contre-offensive en octobre-novembre 1746 : les Français sont chassés du Comté, et l'armée alliée traverse le Var à son tour pour occuper la Provence pendant quelques mois. Puis les troupes franco-espagnoles réoccupent le Comté (sauf Saorge) jusqu'à 1748 (traité d'Aix-la-Chapelle).


Maîtres vermicelliers à Nice

Notre Antonio Mascarello de la paroisse St-Jacques se marie la 21 novembre 1753, à la cathédrale, avec Anna Francesca Blancarda (fille de Gioan Francesco Blancardo, de la paroisse cathédrale).

Enfants d'Antonio et Anna Francesca Mascarello : Carlo Maria en 1756 ; Claudio Maria en 1758.

À Nice, la forme piémontaise "Mascarello" n'est pas naturelle à l'oreille. Elle devient donc rapidement "Mascarelli" (en italien) voire "Mascarel / Mascarèu" (en niçois).

Claudio Mascarel est baptisé à la cathédrale en mars 1758.


Tailleur puis maître vermicellier, Claudio apprend à lire et à écrire.
En octobre 1780, en la paroisse St-Martin-St-Augustin, il épouse Anna Maria Degioanni. Celle-ci est née dans le quartier, d'une mère de Châteauneuf de Contes et d'un père de Saorge descendus en ville pendant la guerre et mariés en 1747.
Leurs enfants sont baptisés à Ste-Réparate : Andrea ; Antonio ; Maria Margarita en 1782 ; Margarita Giuseppa en 1784 ; Onorato.

     
Le vermicellier dans l'Encyclopédie de 1787.


Le 28 septembre 1792, l'armée française qui menaçait depuis quelque temps à Saint-Laurent-du-Var franchit la frontière et emprunte la route de France en direction de Nice. Épouvantée, la population a quitté la ville avec l'armée, en direction de l'Escarène, pour chercher refuge dans les montagnes et en Piémont. Le général d'Anselme [ci-contre], s'attendant à des combats, avance prudemment. Les Français avancent sans difficulté, jusqu'au pont du Magnan, où il va y avoir des affrontements, quelques volontaires s'étant réunis pour tenter de s'opposer à l'invasion (on dit que de Orestis et les frères Michaud en faisaient partie).


Cette gravure représente les événements du 29 septembre 1792. L'armée française a franchi le Var et elle se trouve au niveau de Sainte-Hélène [A] ;
des volontaires français viennent les affronter sur le Magnan [B] ; l'armée sarde et 4000 émigrés s'enfuient vers Saorge et le Piémont [K].
La ville de Nice [D], le fort de Montalban [G] et la citadelle de Villefranche [H] vont être pris sans résistance.


Le lieutenant-colonel André Masséna [ci-contre] participe activement à l'invasion du Comté. Il met tout son zèle dans la répression des résistants, avec beaucoup de succès puisqu'il connaît bien son pays natal. [Depuis 1869, un monument érigé sur la couverture du Paillon commémore ses exploits.]
En 1793, la France revendique l'annexion du Comté de Nice.

En juin 1795 ("le 28 prairial de l'an III"), Claudio et Anna Maria ont un nouvel enfant : "Jean-Baptiste". La nouvelle administration a déjà imposé la langue française et tout réorganisé. La rue de la Juiverie où vivent les Mascarelli s'appelle maintenant "rue du Bonheur" (prolongement de la "rue de la  Régénération" vers la "rue de la Lumière").


La "rue du Bonheur", ancienne Juiverie et aujourd'hui Benoît-Bunico, est ici en jaune (m', bordée à l'est par les îlots 27 à 36).

Le 27 mars 1796, on voit passer le général Napoléon Bonaparte, qui vient prendre le commandement de l'Armée d'Italie.
Masséna est chargé du commandement de l'avant-garde.
L'expédition sera rapide : l'armée suit le littoral jusqu'à Savone, puis franchit les Apennins par le col de Cadibone, et le Royaume de Sardaigne capitule dès le 28 avril à Cherasco.
Par le traité de paix signé à Paris au mois de mai, Turin renonce officiellement au Comté de Nice et à toute force militaire en Piémont.


Anna Maria meurt en 1800. Veuf à 41 ans, Claude se remariera bientôt avec une certaine Anna Maria Torneri, née à Nice vers 1776 (dont c'est le premier mariage).

Le 2 septembre 1809, Margarita Giuseppa, couturière à Nice, épouse le boulanger Pierre Chauvet (ou Sauvet, dont le père est un tailleur originaire d'Aix-en-Provence immigré avant l'invasion française). Leur fille épousera l'ébéniste Antonio Cagnoli.


En 1811Claudio est domicilié dans la rue Droite avec sa nouvelle épouse et leurs enfants (Joseph et Antoine).



Le pays est libéré en 1814.

Claudio meurt en 1820.

Entre-temps, les deux aînés ont repris le commerce familial. En 1822, ils vivront avec leurs familles de part et d'autre de la rue Saint-François, derrière le Palais Communal : Andrea, îlot 64, porte 12, avec sa femme Anna Maria (née Lombart) et leurs enfants Maddalena, Giacomo, Gio Batta, Andrea, Antonio, Francesca ; Antonio, îlot 46, porte 38, avec sa femme Elisabeth (née Garel) et une jeune servante niçoise, Francesca Giordan.



Archives départementales des Alpes-Maritimes
Jean-Baptiste TOSELLI, Biographie niçoise, 1860.
Henri GEIST, Les rues du Vieux-Nice du XVIe au XXe siècle, Cercle d'Histoire et d'Archéologie des Alpes-Maritimes, 2017.